Zenoob a écrit:Oui, je ne sais pas si c'est important ou pas, mais c'est bien la question qui me taraude. Danke Schön !
Mais je ne vois toujours pas bien en quoi laisser tout passer, c'est aider les autres.
Ni en quoi zazen est un "travail sur soi", d'ailleurs ! Est-ce qu'on travaille sur soi en s'asseyant sans bouger tous les jours ? Ou est ce qu'on ne fait que s'asseoir ? Enfin, comme d'hab, je crois que je me prends trop la tête pour rien.
Je ne suis pas sûr que ce soit se prendre la tête pour rien.
Des types étaient capables de faire des centaines de bornes à pied pour trouver d'autres types et leur poser ce genre de questions.
Tous ces types pratiquant la même chose que toi, à savoir se foutre sur un coussin.
Il me semble que le problème de la pratique avec ou sans but est forcément une question.
Et que d'ailleurs, pour la contourner, la règler, y répondre ou ne pas y répondre, et en tous cas donner à manger à ce mental qui justement veut comprendre, les mecs qui s'asseyaient des heures pendant des années, ils pondaient quand même des écrits, ils réfléchissaient, écoutaient des enseignements, en ont créé aussi, bref usaient de la pensée et de la parole, de façon orientée.
Bon, on pourrait dire que zazen est un travail plutôt sur le "non-soi"....ce qui est une façon détournée de travailler sur soi.
Mais dans ton questionnement il y a l'idée, pas du tout saugrenue, et question pertinente, qu'on peut s'asseoir sans bouger en ayant l'air profondément absorbé, et même en étant profondément absorbé, mais dans une auto-stupidité soigneusement entretenue.
Cette question est loin d'être idiote, elle est mienne depuis le début et ne m'a pas quitté, et l'observation d'autres personnes et leurs comportement me conduit à penser qu'effectivement la pratique n'a pas arrangé le tableau. C'est très prétentieux de ma part de dire cela, mais je constate que parfois des gens non pratiquants ont tellement plus d'intelligence émotionnelle, d'humanité, d'engagement éthique dans leur vie, que des gens qui pratiquent avec l'intime conviction non consciente, et l'entretien de la construction non consciente non plus, qu'en fait ce faisant ils se sortent du lot, ils sont meilleurs que les autres, tout en prétendant plus d'humilité, aucune prétention, bref être vraiment vertueux alors qu'en fait non.
Oui, on peut faire zazen et construite à mort des illusions.
Je pense que c'est d'ailleurs pour ce faire qu'on disait qu'il fallait un maître, et aussi éventuellement une communauté. Parce que les relations humaines réelles aussi font évoluer l'attitude.
Un des défauts je pense du zen soto est une espèce de divinisation du zazen comme moyen ultime, qui en vient à faire oublier ses aspects relatifs: ça ne guérira pas les problèmes d'argent si on ne fait pas ses comptes, ses problèmes alimentaires si on ne fait pas attention à ce qu'on mange, ses problèmes de relation si on reste toujours aussi susceptible, méchant ou attaché à ses opinions, ses problèmes de voiture si on ne va pas chez le garagiste..........bref, zazen ne créera aucun miracle si on ne l'accompagne pas dans sa vie quotidienne. Par contre il est un moyen de s'extraire des stimuli permanents du quotidien et de reprendre le pouvoir de ne rien faire, de ne pas intervenir, de ne pas réfléchir, et de tout mettre au repos pour retrouver le centre, de revenir à une vie sentie et pas seulement pensée, bref de recabler le cerveau du haut au cerveau du bas dans notre ventre, et avec l'exercice apprendre à transférer ce qu'on apprend assis dans le reste de la vie quotidienne.
Le mouvement inverse existe aussi: on amène sur le coussin toute l'expérience de notre vie quotidienne, et elle transforme notre relation à nous-mêmes.
La question de tout laisser passer, pour y revenir, même réflexion que sur le fait qu'on donne au mental de l'enseignement pour le canaliser et le sortir du rien...on a des préceptes éthiques, qui sont la deuxième jambe du pratiquant, à mon sens aussi importante que la méditation assise.
Cette façon de pratiquer zazen est totalement orientée: clairement on doit pratiquer une attitude éthique plus vertueuse. Il s'agit de cesser de produire de la souffrance. Que ce soit pour les autres et pour soi. En fait la question de par qui ou quoi ça commence n'est pas vraiment utile. Quand on le fait, à la fin les résultats tombent, en général c'est gagnant gagnant, et la question de pour qui c'est utile ne se pose même plus: quand un truc marche bien et n'apporte que des bienfaits, on n'a pas envie que ça s'arrête.
C'est probablement pour cela que Deshimaru disait que sans l'ordination, zazen n'était plus qu'une gymnastique.
Après bien sûr il y a tout le poids de notre histoire et de nos charges inconscientes, de nos conditionnements, qui viennent saboter le processus de conscience. Ca fait juste partie du film, et c'est probablement parce qu'on n'est pas parfait qu'on arrive à créer des pratiques de ce genre pour justement arrêter d'agir de manière inconsciente, naturelle et automatique, afin de se reparamètrer autrement.
Et il ne s'agit pas de laisser passer de façon béate et éteinte, mais d'être observateur conscient de ce qui nous anime, de ce qu'on sent et perçoit, de ce qu'on pense. Aussi de son impossibilité à y parvenir.
La foi dans la pratique n'est pas un truc aveugle: à mon sens cela passe par un questionnement constant voire des doutes, parfois profonds. Seuls ceux qui ne cherchent pas ne se posent aucune de ces questions, à mon sens, à moins d'avoir posé sa vie dans une simplicité totale. Ce que je n'ai pas réalisé.
Mais se demander si on ne crée pas une nouvelle illusion avec sa pratique est à mon sens plutôt sain.
Beaucoup ne se le demandent même pas, et certains mêmes enseignent leurs illusions avec la certitude (partagée par leur entourage), qu'elles sont la vérité.
Mais tout le monde sait ce que deviennent les colosses aux pieds d'argile.