Zen et nous

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    Le divin selon Spinoza

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    Message par Kaïkan Lun 27 Nov 2017 - 17:04


    Le Dieu de Spinoza



    La façon dont Spinoza conçoit un dieu est beaucoup plus proche de certaines visions orientales que le Dieu des religions occidentales reposants sur le "livre".

    Voici un petit extrait de : http://spinozaetnous.org/article13.html

    Olivier sur \"Spinoza et nous" a écrit:1. D'abord, Spinoza s'oppose à la conception d'un Dieu personnel. Dieu, conçu comme personne,  est distinct des êtres finis : c'est la figure du Christ qui se tient face à ceux qu'il enseigne et ceux qu'il combat. Dans la doctrine chrétienne, cette valorisation de la Personne va de pair avec une dévalorisation de la nature (la nature intérieure de l'homme pêcheur, et la nature extérieure, elle-même souillée par ce pêché, et désormais soumise aux altérations du temps). Par rapport à la problématique chrétienne, Spinoza opère un renversement complet : il réhabilite la nature, non plus comme totalité des "étants", mais comme processus de génération des "étants" à partir d'un principe unique. D'un point de vue anthropologique, cela a pour conséquence que l'homme est 'lavé' du pêché originel, réhabilité lui-même dans sa capacité à appréhender par lui-même ce principe divin dans et hors de lui.

    2. Ensuite, Spinoza s'oppose à la conception judaïque d'un Dieu furieux, imprévisible, objet de crainte, et en même temps sujet à d'éventuelles tractations. Le Dieu judaïque est un entité à la fois redoutable et négociable (par la prière), un punisseur et un rétributeur, c'est-à-dire un Dieu essentiellement orienté vers les hommes. Dans cette perspective, l'univers devient un système de signes, chaque évènement étant l'expression d'une intention divine concernant l'homme (voir la fameuse critique du finalisme, dans l'appendice au livre I de l’Éthique).

    A cette vision, Spinoza oppose d'une part le mécanisme cartésien (les "étants" ne renvoie pas à autres chose qu'à d'autres "étants", effets ou cause), et d'autre part une conception très profonde des contraintes psychologiques et de l'esclavage intérieur des passions. Que reste-t-il du concept de Dieu après cette double 'épuration'? Autrement dit, qu'apporte en positif la conception spinoziste de Dieu ?

    Dire que Dieu est la Nature est une affirmation très trompeuse pour nous, car il ne s'agit surtout de ce que nous concevons être la nature (à travers l'héritage de la science moderne). Parler même de Dieu avec un grand 'D', comme si c'était un nom propre, peut nous inciter à nous adresser à lui comme à une personne. Je pense qu'il serait plus juste de parler de 'divin' ou de 'principe divin', ce principe étant l'origine de tout, qui est "co-présen"t à chacune des 'créatures'. Or, c'est précisément en "internalisant" le principe divin en l'homme que Spinoza fonde la possibilité de sa liberté : tandis que le 'Dieu de la religion' faisait des hommes des esclaves en cultivant méthodiquement en eux certaines passions, le 'principe divin' en nous est source d'une liberté suprême, pour autant qu'on parcoure le chemin ardu qui mène à l''amour intellectuel'.  
    Kaïkan a écrit:L'internalisation (en psychologie) correspond à un processus complexe par lequel l'individu fait siennes des données extérieures à lui et les intègre à son système de valeurs et à son comportement.

    Cette façon de concevoir le divin, non pas comme une personne, un être suprême avec qui on aurait une sorte de dialogue, mais au contraire comme un principe non-séparé de tout ce qui est, et dont nous faisons partie comme tous les êtres, pourra avoir chez beaucoup de pratiquants bouddhistes, un écho bienveillant je suppose.

    C'est un débat qui peut amener à approfondir tout ce qui est habituellement rejeté avec un certain mépris comme provenant du panthéisme...  japonais  
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    Message par Kaïkan Mar 28 Nov 2017 - 14:09


    Au sujet du panthéisme on peut dire qu'il y en a plusieurs sortes et l'un des plus connu est le panthéisme acosmique de l' Avaita Vedanta (Adi Shankara étant son représentant principal). L' acosmisme, par contraste avec le panthéisme cosmique, nie la réalité de l'univers, ne le considérant finalement qu'illusoire, et ne reconnaît uniquement que l'Absolu infini non manifeste comme réel. Inversement dans le panthéisme cosmique hindou la totalité du monde, de la nature, des phénomènes, c'est-à-dire de Prakriti, est en fait la déesse Mahakali qui n'est rien moins d'autre que la manifestation maternelle de Shiva. Tout ce qui existe est la divinité et réciproquement. Il n'y a pas de séparation, c'est la non-dualité, comme pour l'Advaita Vedanta.
    Cependant, l'hindouisme considère aussi un Dieu personnel dans le bhakti yoga, mais l' Advaita ou le Samkhya considèrent la Prakriti (la Nature, tout l'univers, étant la manifestation de Dieu), et Shiva (l'Être, l'Essence divine) comme "existants simultanément".
    Donc le panthéisme hindou n'est pas campé sur des positions strictes et englobe toutes les diversités dans une non-dualité qui est aussi souvent évoquée dans le bouddhisme zen.
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    Message par Kaïkan Lun 11 Déc 2017 - 16:30


    S'il n'existe qu'une seule subtance, d'après les monistes, rien ne peut exister en dehors de ce monde.
    Spinoza dit dans L'éthique : "tout ce qui est, est en Dieu et rien ne peut-être conçu sans Dieu".
    Pour Spinoza, il n'existe qu'une seule réalité fondamentale, la divine nature et donc Dieu qui est immanent, en démontrant qu'un Dieu transcendant est impossible si l'on veut le concevoir en même temps comme sa propre cause et doté d'une infinité d'attributs.  Spinoza est donc un moniste qui voit la substance (une sorte d'essence) comme l'unique support de tous les attributs possibles.
    Force est de constater que la physique n’a pas mis en évidence ce constituant fondateur et que, dans les autres sciences, le terme donne l’idée d’un matériau.
    Les scientifiques nous disent :
    «L’idée de substance matérielle pousse vers une chosification inappropriée.
    La notion de substance étant source de difficultés et de confusions, il paraît préférable de l’éviter pour désigner ce qui existe.»

    Pour comprendre mieux ce concept de substance : https://philosciences.com/Pss/philosophie-generale/ontologie-reel-realite/226-idee-substance

    Naturellement je ne vous apprendrais rien en rappelant que le bouddhisme nie toute essence ou substance matérielle qui soutiendrait le réel.

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    Message par Kaïkan Mar 12 Déc 2017 - 8:49


    Spinoza et Einstein


    Albert Einstein a écrit dans un télégramme au rabbin Goldstein de New York, qui lui avait demandé s’il croyait en Dieu :

    « Je crois au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’ordre harmonieux de ce qui existe, et non en un dieu qui se préoccupe du sort et des actions des êtres humains. »

    Einstein a aussi écrit :
    “Je suis fasciné par le panthéisme de Spinoza, mais j’admire plus encore sa contribution à la pensée moderne, parce qu’il est le premier philosophe qui traite l’esprit et le corps comme unité, et non comme deux choses séparées.”

    “Je ne peux pas imaginer un Dieu qui récompense et punit l’objet de sa création. Je ne peux pas me figurer un Dieu qui réglerait sa volonté sur l’expérience de la mienne. Je ne veux pas et je ne peux pas concevoir un être qui survivrait à la mort de son corps. Si de pareilles idées se développent en un esprit, je le juge faible, craintif et stupidement égoïste.”

    “Cette conviction, liée à un sentiment profond d’une raison supérieure, se dévoilant dans le monde de l’expérience, traduit pour moi l’idée de Dieu.
    (Albert Einstein, Comment je vois le monde / 1934)

    Spinoza et sa vision de la Vertu et de la sagesse :


    La vertu, chez Spinoza, n’a rien à voir avec ce que l’on entend communément. Être vertueux, c’est acquérir la vraie connaissance de nos passions grâce à des idées et des notions adéquates.

    Ainsi, le vertueux est celui qui découvre le dynamisme qui l’anime, ce qui lui permet de retrouver la puissance du conatus (effort de toute chose pour persévérer dans son être).

    1. Être vertueux, c’est  connaître le réel, accéder à la plénitude de l’existence.
    2. Vertu et vie sont donc indissociables.

    Le sage est donc celui qui accède à la connaissance vraie et qui parvient en cela à la plénitude.
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    Message par Rémi Jeu 14 Déc 2017 - 12:15

    Etablir l'existence d'une totalité (cosmos, réel) finie ou infinie contenant et étant toutes choses fait naître le paradoxe suivant : si tout est Un, comment se fait-il que je ne sois pas Tout ? Et si je suis Tout, de quelle manière puis-je l'être alors que j'expérimente quotidiennement l'aspect limité de ma conscience (je ne connais pas tout) ?

    Autrement dit, si Tout est Un (dans le sens où le Réel serait sans rupture, principe d'inter-dépendance), notre existence propre, en tant que simple parcelle éphémère de cet ensemble, et en vertu du raisonnement selon lequel "un ensemble est quelque chose de plus que la simple somme de ses parties", peut vite paraître illusoire.

    Soit, au regard du Tout, mon existence est illusoire.

    Soit, au regard du Tout, ce que je prends pour mon existence n'est pas mon existence, et l'aspect illusoire concerne en fait une perception erronée, limitée, de ce qu'est "mon" existence.

    Dés lors, dans quel sens orienter le conatus ? Si je persiste dans mon être considérée étroitement, illusoirement, je manque le Tout. Si je vise à persister dans le Tout, mon existence ne sert plus à rien. Equilibre à trouver entre perception juste et disparition totale ? Car il faut bien cette brique que je suis pour construire ce mur (cette maison ? ) que nous sommes et qui nous dépasse, nous englobe, "à partir de nous".

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    Message par Zenoob Jeu 14 Déc 2017 - 13:50

    Je crois que le bouddhisme zen propose : "ni tout, ni un".
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    Message par Kaïkan Jeu 14 Déc 2017 - 14:34

    Rémi a écrit:Établir l'existence d'une totalité (cosmos, réel) finie ou infinie contenant et étant toutes choses fait naître le paradoxe suivant : si tout est Un, comment se fait-il que je ne sois pas Tout ? Et si je suis Tout,  de quelle manière puis-je l'être alors que j'expérimente quotidiennement l'aspect limité de ma conscience (je ne connais pas tout) ?

    Autrement dit, si Tout est Un (dans le sens où le Réel serait sans rupture, principe d'inter-dépendance), notre existence propre, en tant que simple parcelle éphémère de cet ensemble, et en vertu du raisonnement selon lequel "un ensemble est quelque chose de plus que la simple somme de ses parties", peut vite paraître illusoire.

    Soit, au regard du Tout, mon existence est illusoire.
    Soit, au regard du Tout, ce que je prends pour mon existence n'est pas mon existence, et l'aspect illusoire concerne en fait une perception erronée, limitée, de ce qu'est "mon" existence.
    Dés lors, dans quel sens orienter le conatus ? Si je persiste dans mon être considérée étroitement, illusoirement, je manque le Tout. Si je vise à persister dans le Tout, mon existence ne sert plus à rien. Équilibre à trouver entre perception juste et disparition totale ? Car il faut bien cette brique que je suis pour construire ce mur (cette maison ? ) que nous sommes et qui nous dépasse, nous englobe, "à partir de nous".



    D'abord je préconise de regarder le contenu de ce lien :

    https://zen-et-nous.1fr1.net/t625-les-cinq-go-i-m-taisen-deshimaru#10728

    Ensuite :
    Kaïkan a écrit:Dans l’analyse (dialectique) en occident nous avons : la thèse, l’antithèse et la synthèse. (Trois éléments)
    Du temps de Lao Tseu il y en avait trois également: non-lutter, non-désir et non-savoir.
    La scission du Zen en deux écoles, rinzaï et soto, date de cette époque.

    Dans l’analyse orientale il y a cinq éléments, ce qui affine la compréhension…
    Quels sont donc exactement ces cinq go-i ? Difficiles à comprendre je vais en donner l'explication la plus claire possible. ICI
    Pendant la remise du shiho, le maître donne les cinq go-i à son disciple; mais à notre époque les moines n'y accorde guère d'importance, pourtant ils sont à la base de l'enseignement soto (Sozan & Tozan).

    Source →  https://zen-et-nous.1fr1.net/t624-introduction-a-l-analyse-dialectique-les-go-i#10727
    Pour bien éclairer tout ça je propose ceci :

    Il faut donc appliquer les cinq go-i pour la relation "Tout et Un".
    Le Tout est le Tout.
    Le Un est le Un.
    Le Tout devient le Un, est identique au Un.
    Le Un devient le Tout, est identique au Tout.
    (Ken chu toh, la synthèse des quatre). L’unité fondamentale englobe le tout.

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    Message par Rémi Ven 15 Déc 2017 - 21:46

    Je trouve les cinq go-i très intéressants.

    Le problème, c'est que le langage nous oblige à les présenter séparément : cela risque de réintroduire une forme de pensée dynamique dans la "non-pensée" qui, elle, pour "tout" saisir doit sur le moment abandonner le travail de définition (qui est toujours séparation).

    L'aspect inexprimable des intuitions... A part, peut-être, grâce au silence, grâce à la poésie.

    C'est un équilibre qu'il y a dans le langage : soit il est très précis et très limité dans son impact, dans ce qu'il désigne, soit il est très flou et très large dans son impact, dans ce qu'il désigne.

    Un petit exemple pour mieux me faire comprendre : partons d'une phrase précise, qu'on ampute peu à peu, pour la rendre de plus en plus large, mais de plus en plus floue :

    1 - L'être du chat ronronne dans la nuit, alors qu'au sein d'un salon encombré de livres il s'est construit une place entre deux étagères de la bibliothèque noire.

    2 -  L'être du chat ronronne dans la nuit

    3 - L'être du chat ronronne.

    4 - L'être du chat.

    5 - L'être.

    6 -

    Et tout ça n'est pas vraiment hors-sujet : Spinoza, dans les critiques qu'il a pu subir (et c'est un euphémisme) et qui l'accusaient d'être athée, ou païen, ou hérétique  a subi directement cet état des choses : en voulant "élargir" Dieu pour le rendre à l'ampleur qu'il pressentait être la sienne, il en fait "le divin", c'est-à-dire la Nature, pas dans le sens moderne de Nature opposée à Culture, mais plutôt dans le sens plus physique hérité du De Natura Rerum de Lucrèce : le mot de Spinoza "Deus sive Natura" (qu'on peut traduire par "Dieu ou la Nature", dans le sens "Dieu, c'est-à-dire la Nature" ), en étendant Dieu au Réel, est totalement sulfureux pour son époque, car cela revenait pour la théologie à supprimer tous les attributs de Dieu, et notamment, comme il a été dit plus haut, à laver l'homme du péché originel, car si Dieu est le Réel, alors Dieu est aussi le péché...

    Bref l'élargissement proposé par Spinoza faisait péter trop de dogmes. Le genre de choses qui file le vertige (comme l'héliocentrisme).

    Ce passage vers l'élargissement au risque de perdre en précision (ou au risque de perdre une place privilégiée que par soucis d'égo on voulait s'attribuer) est précisément ce qui n'est pas passé. Plus on élargit le propos, plus il est difficile de dire, plus il met l'égo en péril...
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    Message par Kaïkan Ven 15 Déc 2017 - 22:29


    Effectivement, la poésie ainsi que le silence sont deux moyens essentiels pour exprimer ce qui relève de l'intuition.
    Les textes zen sont souvent poétiques; je pense particulièrement à l'Hokkyo zanmai ( http://www.portedumoinezen.com/page4.html ) et au Shin jin mei ( http://www.portedumoinezen.com/page1.html ), qui en sont garnis.
    Souvent Dôgen a également recours à des allusions poétiques et le Shōbōgenzō en est émaillé...  Smile

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