Bonjour Rémi,
Ton postulat hypothétique - que je reformule pour essayer de mieux le comprendre - semble être que le fait de suivre la voie du bodhisattva est peut-être indissociable de la prise en considération des bonnes/mauvaises pensées, et donc de l’ego, de la personnalité – sous peine sinon d’être « coupé » d’autrui, dans le sens de ne plus le comprendre. Donc, tu associes la compréhension (de l’ego) à la compassion. Et autre postulat implicite : celui que compatir, aider les autres, les guider, grâce à la compassion, est forcément ostentatoire, visible de l’extérieur car :
Rémi a écrit:cela me fait penser à de nombreuses attitudes prises par certains, qui donnent tous les signes extérieurs d'un "roi sur un trône", et qui à cause de ces attitudes, n'ont pas beaucoup d'impact sur les autres. (...)
Bon, la concision n’est pas mon fort, je m’en excuse d’avance. Je passe par le large avant d’arriver au précis en général, même si je fais au mieux pour raccourcir, par politesse pour les yeux d’autrui.
Alors avant de répondre, j’insiste sur l’importance de la définition des mots au plus juste de la manière dont on les pense, en passant par le dictionnaire, même si la compréhension parfaite est une utopie à cause du principe de l’interdépendance (qui s’applique AUSSI aux pensées, qui les connote, qui les influence, qui les agence d’une certaine manière) (à cause de ça, et d’autres variables). Je le fais par soucis de transmission de mes idées les plus authentiques possibles (c'est ma façon de compatir, même si elle est fausse ou basée sur un ego que ne je perçois pas).
Coté pile du problème. pourquoi cela sert de comprendre les bonnes/mauvaises pensées, pour aider/guider les autres et développer de la compassion : je vais citer un texte qui réponds à cela.
http://www.centrebouddhisteparis.org/Bouddhisme/Altruisme_individualisme/altruisme.html
Cela réponds aussi à ta citation suivante :
Rémi a écrit:Tous ceux qui vous disent "tes problèmes sont illusoires", et qui agissent comme déconnectés de la réalité. Ce qui m'attire beaucoup dans le zen, c'est que, je crois, on ne retrouve normalement pas cette attitude-là. Les problèmes sont peut-être illusoires, les pensées aussi, mais si, dans l'instant présent, on est dans une grande précarité (famine, extrême pauvreté, etc.), le contexte n'est pas forcément propice à une pratique.
Coté face du problème : pourquoi cela ne sert à rien de comprendre les bonnes/mauvaises pensées, pour compatir (au sens défini par le bouddhisme plus haut)Les bonnes/mauvaises pensées des autres (et même les siennes) sont des illusions, des préférences binaires induites par notre condition humaine, qui nous font fonctionner sur la base de la comparaison, du jugement, etc. Si on les prends en compte, que se passe-t-il ?
Je réponds à ton hypothèse, par une autre: la prise en compte des mauvaises/bonnes pensées pourrait aussi (surtout?) générer de l'empathie.
Fred a écrit:Voici peut-être un enseignement du Bouddha intéressant à relever ici, suite à ta réflexion :
"Votre pire ennemi ne peut pas vous blesser autant que vos pensées. Mais une fois maîtrisées, personne ne vous aidera autant que vos pensées."
Mais si on ne fait que lutter contre la Chose, sans dépasser le combat un jour, sans "synthèse" comme ils disent dans le texte, et s'y on l'apprivoise sans l'accepter, cela me fait penser à cette citation:
“Qui trop combat le dragon devient dragon lui-même.”
Friedrich Nietzsche
Gagner, c'est synthétiser, c'est dépasser cette logique de l'ennemi, et ce refus de s'apparenter à la Chose contre laquelle on se bat en tombant dans son contraire (qui est la même chose, indirectement, ce qui va non seulement diviser, mais en plus emprisonner). C'est transcender la logique, dépasser le concept, comme ils disent dans ce site: http://www.centrebouddhisteparis.org/Bouddhisme/Altruisme_individualisme/altruisme.html
Je pose donc la question: les ennemis sont-ils réels, ou sont-ils de "mauvaises pensées"? Et s'il n'y en a pas, que se passe-t-il?
Résolution/synthèse : la voie du milieu ? Mon opinion, sur ta question, est que le jugement n'a pas sa place dans la compassion, qui est le reflet de la voie du milieu, de l'assimilation du concept de vacuité; on est liés, tous semblables en terme d'essence. Ce qui génère de la confusion, c'est l'apparence de la compassion; son coté matérialiste. Prendre en compte les pensées des autres est indispensable, tout comme les siennes (même chose), pour expérimenter les DEUX COTES possible de chaque concept ; (et faire émerger la voie du milieu). Mais c'est l'usage qu'on en retire qui diffère, l’interprétation qu’on en fait, qui peux nous imprégner de compassion, ou au contraire nous en éloigner pour la remplacer par d’autres sentiments pseudo analogues mais totalement différents en essence (je ne sais pas si je suis claire).
La voie du milieu se fiche des contradictions. Mais pour y parvenir, il faut en ternir compte. C'est le paradoxe... et les mots reflètent mal le processus
J
Alors, faut il conseiller la méditation
en solitaire, ou collective? Sous la forme de zazen, ou une autre? (c'est très délicat, que de conseiller à autrui ce qui a fonctionné pour soi, sans savoir l'effet que ça aura pour quelqu'un qui a un ego de départ différent). Je ne trouve plus la source, mais j'avais lu un conseil, qui disait qu'il faut suggérer la voie, suggérer, c'est très doux; la personne s'en saisira, ou pas, mais la dynamique doit provenir d'elle avant tout. Je suis plutôt d'accord avec ça.
Car les bonnes pensées des uns sont les mauvaises des autres, tout comme les aides des uns sont des agressions pour les autres. Si on voit la souffrance comme quelque chose à ne pas juger, à ne pas réfléchir, on est déjà plus juste... (pas au sens de l'urgence hein)
Bouddha a voulu contrer la faim par exemple en mangeant que 3 grains de riz par jour pendant des années, jusqu'à se rendre compte que c'était une fausse lutte. Si un disciple était venu lui proposer à manger tous les matins, je sais pas s'il aurait apprécié; si un autre lui avait de force fait ingurgiter de la nourriture, pour le sauver de la famine, non plus. Peut-être qu'il aurait plus apprécié celui qui, assis en silence, compatissait avec sa sensation de faim non loin, de manière discrète ?
Je pense aussi au livre "Inconsolable", du philosophe Comte-Sponville par exemple, qui illustre aussi ce positionnement de la vision d'entraide « juste » (dans le sens respectueuse d’autrui, de ses limites, de sa nature profonde). Ses propos ont une consonance bouddhiste parfois je trouve, quand il dit que certaines souffrances sont inéluctables, inconsolables, mais qu'elles permettent d'apprécier le moment présent autrement, et de façon plus profonde. Il dit dans une interview (ONPC, récemment: https://www.youtube.com/watch?v=0cKMUiushsw) que plusieurs femmes lui ont reproché son manque de consolation; mais il précise qu’il n’aime pas être consolé, que pour lui, y a des choses qui ne le sont pas, et qu’il ne veux pas consoler autrui. Bon, il est peu démonstratif affectivement. On pourrait se dire qu’il est pas compatissant du coup? Surtout s’il résous ses problèmes tout seul, et refuse de l'aide quand ça ne va pas (est-il relié aux autres ?). Il précise bien qu'on ne peux pas TOUT consoler (il a dépassé la contradiction de l'ego en la matière; et il n'agit pas en cas de grosse souffrance d'autrui, sur la forme)
Et bien à mon sens il l’est pourtant (compatissant): il a écrit un livre. Pour aider les autres. Pour partager. Il pourrait tout aussi bien intervenir sur des forums, sans éprouver le besoin personnel de le faire, et sans préciser qu'il est auteur de livres, sans que ça soit pour faire de la pub. La voie du bodhisattva peut être illustrée ainsi? Ca peut aussi être ça la compassion? Car lié au retrait de l'ego, ou tout du moins à la même importance accordé au sien, qu'à celui des autres (avec des degrés variés, certains prennent pas ça en compte, le balaye, d'autres au contraire accordent une grande importance aux ressentis générés par les 5 agrégats; pour s'en détacher ensuite justement, et c'est là que les gens se rejoignent tous dans le bouddhisme, indépendamment de leur formation de psyché initiale)
Comme s'inscrit-on dans l'humanité? N’y-a-t’il qu'une seule et même manière de se relier à autrui et de compatir avec lui, avec autant de différences à la base en terme de nature d'ego, de préférences du "je"? (bien illustrées en sciences humaines, en psychologie particulièrement?)
On peut balayer la personnalité, comme Bouddha l’a fait, puisqu'au final, ça revient à la même chose si ce qui compte est la prise en compte de la vacuité, le fait d’être convaincu qu’on est tous pareil en essence, et qu’on mérite tous de l’aide (soi inclu) (cf le côté pile et face de la problématique) (après, chacun ses méthodes, dictées par des voies du milieu tout aussi différentes
)
Je pourrais continuer les exemples mais j’arrête là. Je précise que mon but n’est pas d’être comprise, avec un texte si long (c’est utopique), mais d’être au plus proche de l’expressivité de mon ressenti, dans une optique d’authenticité (que je n’arrive pas à transcrire de façon plus concise, même si la poésie et les koans aident à cela - d’où mon intérêt pour cela d’ailleurs, mais je manque de capacités pour ce faire
)
C’est ma façon à moi de compatir, que d’exposer tout ça, en étant potentiellement totalement comprise à côté de la plaque et sans la garantie que je ne dis pas de bêtises; bien au contraire même, j'en dis surement plein (forcément, étant incapable de percevoir tout le continuum des pensées), mais chaque perception compte, tout aussi bête soit-elle pour autrui (tout est donc relatif, les bonnes comme les mauvaises pensées
)
Juste, pour l'exemple du colibri, comment appréhender l'éléphant qui à côté de lui ne fait rien, qui attends la fin avec fatalisme, alors qu'avec sa trompe, il pourrait balancer 3 litres d'eau sur le feu? Et les autres animaux autour, qui ne bougent pas non plus?