Soutra des montagnes et des eaux

Tout ceci m'amène à dire que je n'aimerais pas être une montagne.

La question est : "Est-ce qu'on a vraiment le choix ?

Bonjour,

Est-il possible d'avoir plus d'explications sur ce sutra de Dogen ou de mettre en lien un commentaire?
J'ai trouvé ceci :
http://www.shobogenzo.eu/tag/Sansuiky%C3%B4
Ce sont des ateliers d'études du Shobogenzo avec Yoko Orimo
Mais si vous avez d'autres sources, je suis intéressée.
Merci.

zanshin a écrit:La question est : "Est-ce qu'on a vraiment le choix ?  

Je dirais non en tant que l’eau n’est ni forte ni faible, ni mouillée ni sèche, ni mouvante ni immobile, ni froide ni chaude, ni existante ni non-existante, ni illusionnée ni éveillée.

...et oui en tant qu'il y a des montagnes cachées dans des trésors, des montagnes cachées dans des cloaques. Qu'il y a des montagnes cachées dans le ciel. Qu'il il y a des montagnes cachées dans les montagnes et qu'il y a des montagnes cachées dans ce qui est caché.

Et je dirais donc que cette contradiction est dépassée par le fait que les montagnes sont hautes et vastes, raison pour laquelle le fait que l'on puisse penser (à la manière de l'eau plus douce que le lait) avoir le choix quant au fait d'être une montagne (ou une rivière) ou bien un être humain est en réalité il me semble l'actualisation la plus évidente de la faculté de chevaucher les nuages et de s'élever librement dans les airs (comme une montagne ou comme un être humain en position verticale.)    

@ chifoumi : Pour ce que j'ai trouvé, il y-a aussi ce petit commentaire ici : http://zenmontpellier.net/fr/SBGZ/shobogenzo1.html

[14] Sansuigyô
Le sûtra des montagnes et de l’eau

San a le sens de montagnes, et sui celui d’eau — rivières, lacs etc. Sansui suggère un paysage naturel, voir la Nature elle-même. Kyo ou gyo signifie sûtra bouddhique. Sansugyo, c’est donc la montagne et l’eau, ou la Nature, en tant que sûtras bouddhiques. Le Bouddhisme est fondamentalement une religion de la foi en l’Univers, et la Nature, c’est l’Univers qui montre sa vraie forme. De sorte que regarder la Nature, c’est regarder la vérité bouddhique elle-même. C’est pour cette raison que maître Dôgen croyait que la Nature n’est que sûtras bouddhiques. Dans ce chapitre, il explique la vraie forme de la Nature, en insistant spécialement sur la relativité dans la Nature.

Fred a écrit:Tout ceci m'amène à dire que je n'aimerais pas être une montagne.

En zazen on est une montagne même si on n'aime pas trop cette comparaison.

zanshin a écrit:En zazen on est une montagne même si on n'aime pas trop cette comparaison.

Oui, "on" préférera dire comme Dogen que les yeux sont horizontaux et le nez vertical pour éviter sans doute toute forme d'idéalisation de ce genre.
L'idéalisation tient sans doute sa place au centre de l'ignorance. Les maîtres zen se sont souvent évertués à tenter de l'enrayer en comparant par exemple le Bouddha à un bâton à merde (cf Yunmen). Mais un bâton à merde a indubitablement la nature de Bouddha, tout comme la montagne, tout comme n'importe quelle chose qui puisse faire l'objet de notre considération :
"La Nature de Bouddha est absolue et omniprésente. Qui peut dire où elle n’est pas ?"
C'est pourquoi en zazen on ne s'intéresse pas de savoir si on est une montagne ou un bâton à merde ; le miroir est en quelque sorte brisé et on ne cherche plus à s'identifier au petit ou au grand, au noble ou au vulgaire : "on est certifié par toutes les existences".

Merci Fred pour tes explications et le lien.

Fred a écrit:

zanshin a écrit:En zazen on est une montagne même si on n'aime pas trop cette comparaison.

C'est pourquoi en zazen on ne s'intéresse pas de savoir si on est une montagne ou un bâton à merde ; le miroir est en quelque sorte brisé et on ne cherche plus à s'identifier au petit ou au grand, au noble ou au vulgaire : "on est certifié par toutes les existences".

Oui, c'est exact, il n'y a pas d'apparence à avoir, pas d'idéalisation en zazen.  

Cela dit, je trouve que cette image de la montagne qui est en mouvement alors qu'elle semble immobile exprime bien ce qui se passe lors de la pratique de zazen.

Comme le souligne Yoko Orimo dans son explication : "« Les montagnes bleues » c'est immobile comme la personne qui fait le zazen. Mais constamment elles marchent. Il y a donc l'unité contradictoire du repos et du mouvement. Et cette unité est permanente alors qu'on dit que le monde phénoménal c'est l'impermanence. Dôgen dit : c'est la permanence. Il y a la permanence du mouvement de ce qui est apparemment immobile. Et cela évoque l'image de zazen."

La clé de la marche de la montagne turquoise (bleue), c'est voir ce qui ne se voit pas.

En zazen on voit sans regarder, on entend sans écouter, on comprend inconsciemment sans y penser.

Toutes ces choses qui sont dites sur le zazen sont comme un caillou sur la montagne. Quand la montagne cherche à se connaître elle se transforme en caillou (elle transmet par là son immobilité et son mouvement, sa permanence et son impermanence). Mais lorsque la montagne oublie jusqu’au moindre caillou ou grain de poussière dont elle est faite, alors elle est vraiment semblable au zazen, elle est au delà de la transmission de sa forme, au delà de sa marche, au delà de la compassion, et aucun maître véritable (personne assise sur son zafu) ne peut la connaître. La transmission exacte de la montagne bleue est la montagne bleue, la transmission exacte du zazen, c’est le zazen.

Dôgen a écrit:L’eau n’est ni forte ni faible, ni mouillée ni sèche, ni mouvante ni immobile, ni froide ni chaude, ni existante ni non-existante, ni illusionnée ni éveillée.

Pendant zazen l'esprit est comme l'eau.
L'eau n'a pas une forme particulière mais s'adapte à toutes les formes.
Dans un récipient carré l'eau est carrée, dans un récipient rond, un bol, l'eau est ronde.

Cependant,
- « l’inconcevable pouvoir de s’élever dans les airs naît librement dans les montagnes. »

Ainsi, « Le chevauchement des nuages » ou « la femme de pierre donnant la nuit naissance à un enfant », détermine le pouvoir de l’eau qui au petit matin s'est rendue capable de rendre rond le récipient carré et carré le récipient rond, signe que « les montagnes turquoises sont toujours en train de marcher » .

zanshin a écrit:

Dôgen a écrit:L’eau n’est ni forte ni faible, ni mouillée ni sèche, ni mouvante ni immobile, ni froide ni chaude, ni existante ni non-existante, ni illusionnée ni éveillée.

Pendant zazen l'esprit est comme l'eau.
L'eau n'a pas une forme particulière mais s'adapte à toutes les formes.
Dans un récipient carré l'eau est carrée, dans un récipient rond, un bol, l'eau est ronde.

Oui, pendant zazen, l'esprit, comme l'eau, n'a pas de forme particulière.
Ce qui est très bien exprimé dans la seconde partie où l'eau n'est plus décrite, mais décrit elle-même ses propres perceptions, comme le pratiquant pendant zazen.

Ceci ne consiste pas seulement à étudier le moment où les humains et les êtres célestes voient l’eau. Ceci consiste à étudier le moment où l’eau voit l’eau. Ceci est une compréhension complète.

Fred a écrit:
Ainsi, « Le chevauchement des nuages » ou « la femme de pierre donnant la nuit naissance à un enfant », détermine le pouvoir de l’eau qui au petit matin s'est rendue capable de rendre rond le récipient carré et carré le récipient rond, signe que « les montagnes turquoises sont toujours en train de marcher » .

Oui, le pouvoir de l'eau qui permet l'observation des perceptions au cours de la méditation.

Je trouve très belle cette analogie entre zazen et "la femme de pierre donnant naissance la nuit à un enfant"  où l'on retrouve également cette notion de voir un mouvement qui ne se voit pas, telle une femme de pierre, à l'instar de la montagne qui semble immobile, mais qui est en mouvement puisqu'elle enfante, travail qui se passe à l'intérieur d'elle-même, invisible comme zazen, cette idée d'invisibilité étant renforcée par le fait qu'elle enfante la nuit.

Fred a écrit:Cependant,
- « l’inconcevable pouvoir de s’élever dans les airs naît librement dans les montagnes. »

Ainsi, « Le chevauchement des nuages » ou « la femme de pierre donnant la nuit naissance à un enfant », détermine le pouvoir de l’eau qui au petit matin s'est rendue capable de rendre rond le récipient carré et carré le récipient rond, signe que « les montagnes turquoises sont toujours en train de marcher » .

En ce qui concerne tout cela j'aimerais bien connaître l'avis de Yudo. Je le trouve particulièrement silencieux...
Pour rendre rond le récipient carré et carré le récipient rond, je crois qu'il faudrait bien plus que le pouvoir de l'eau et je ne suis pas sûre que ce soit souhaitable. J'ai une certaine réserve à ce sujet, car je crains un excès d'interprétations dans de multiples directions.

Je ne sais pas ce qu'en dira Yudo ni s'il souhaite se prononcer là dessus, mais personnellement il m'apparaît que le pouvoir de l'eau capable de rendre rond le récipient carré et carré le récipient rond, est de même nature que celui de la femme de pierre qui est capable de donner la nuit naissance à un enfant ; ce pouvoir, j'oserai le définir précisément comme étant : la marche des montagnes turquoises.
En tous les cas, en ce qui me concerne, je trouve ce texte sublime ; mais il est bien possible que je me fasse des illusions quant au fait de croire l'avoir compris.

C'est vraiment un très beau texte, qui mérite d'être lu, et relu. Merci de l'avoir partagé ici.

Je n'y comprends strictement rien, et n'y comprenant rien, cela n'empêche pas une ambiance de s'installer. En fait, je ne cherche pas à comprendre. Il y a des images qui passent et qui amènent vers un état un peu particulier. C'est très bien comme ça, je crois.

Promenade aveugle (en guise d'entre-actes):

Salut Rémi,

C'est ce que je me résous à faire aussi parce que je ne le comprends pas non plus malgré mes tentatives et je n'ai pas d'autre choix que de goûter à sa poésie, mais je me dis qu'il a été écrit pour qu'on en comprenne le message... non...? Ou bien, c'était un artiste, et il l'a juste écrit le shobogenzo pour lui...  

sympa ton antre-acte; c'est un style qui me parle 

Il y a communicabilité. Ce soutra "veut dire quelque chose", c'est évident. Il est digne d'être analysé, réfléchi, mis en regard de l'ensemble de la pensée bouddhiste (zen) (de Dôgen).

Mais je crois qu'en dernier recours, c'est plutôt à notre intuition qu'il s'adresse, et je crois qu'on est dans la pure lignée de Bodhidharma quand, à un moment donné, on laisse tomber notre envie de comprendre, qu'on dit "Je ne sais pas", un "je ne sais pas" qui n'est pas le premier "je ne sais pas" mais celui qui vient après un long parcours, un "je ne sais pas" qui n'est pas une défaite mais une victoire, un lâcher prise actif et serein, un "je ne sais pas" qui sous-entend : "au fond personne ne sait et personne ne saura jamais, et c'est très bien comme ça parce qu'il n'y a pas besoin de "savoir", il y a mieux à faire, mieux à pratiquer."

Je dis cela en étant aussi beaucoup influencé par le "sentiment de l'absurde" tel qu'Albert Camus le présente dans le mythe de Sisyphe.

Et pour ma part, je n'en suis qu'au tout premier "je ne sais pas".

Rémi a écrit: un "je ne sais pas" qui n'est pas une défaite mais une victoire, un lâcher prise actif et serein, un "je ne sais pas" qui sous-entend : "au fond personne ne sait et personne ne saura jamais, et c'est très bien comme ça parce qu'il n'y a pas besoin de "savoir", il y a mieux à faire, mieux à pratiquer."

Je dis cela en étant aussi beaucoup influencé par le "sentiment de l'absurde" tel qu'Albert Camus le présente dans le mythe de Sisyphe.

Et pour ma part, je n'en suis qu'au tout premier "je ne sais pas".

Un "je ne sais pas" qui est une victoire ...  C'est une chouette idée, ça    
Bah, va falloir que je le travaille ce lâcher prise actif et serein ...
mais tu as raison, il y a mieux à pratiquer...

Pour moi, le poète s’est quelque part affranchi de la volonté de transmettre un sens ou un message qui puisse être universellement reconnu. De la sorte, il n’attend pas d’un lecteur une compréhension ou un ressenti semblable au sien ; il donnera plutôt à chaque individu matière à se rencontrer lui-même au travers de sensations qui lui seront personnelles et ne nécessitant pas d'être justifiées. C’est pourquoi à mon sens, ce que transmet l’artiste, c’est une liberté personnelle illimité. Et cela rejoint me semble-t-il ce que vise le bouddhisme : « Soyez votre propre lumière » dit le Bouddha.

Donc, à mon sens il y-a quelque chose à réaliser dans ce texte de Dogen, appelons cela peut être une rencontre intime avec soi-même. Et si l’on veut qualifier son texte de poésie, soit, mais sans omettre de considérer le pouvoir et la grandeur de cet art quant à sa capacité à nous délivrer de nos liens.

Bonjour à tous (et merci Kaïkan pour ce texte).

Rendre le rond carré et le carré rond?
Je comprends l'hésitation de Zanshin par au fait que ça laisse supposer une transformation pendant laquelle le carré devient rond ou le rond carré. Mais vu comme çà, cela ressemble à l'impasse philosophique c'est à dire ce circuit fermé où le bolide prend à vive allure le virage objectif ou le virage subjectif.
Cependant il y a bien ce moment où rien ne manque et c'est peut-être ce moment que désigne Fred, le moment où le carré ne manque pas de rotondité et le cercle de quadrature.
Fred tu nous dis que l'eau a ce pouvoir. Je suppose que c'est parce qu'elle a cette faculté de couler, mais il existe des lieux où les montages coulent. Elles ont elles aussi ce pouvoir. Si on examine ce pouvoir, Fred tu le compares à celui de la femme de pierre qui enfante. Je te rejoins dans le sens où ce pouvoir ne fait manquer de rien ce qui permet à la femme de pierre d'enfanter.
Ce pouvoir, je dirais plutôt ce moment, Dogen le nomme clairement, c'est la nuit. C'est la nuit que se manifeste ce pouvoir.
C'est le moment de la pratique
C'est le moment de l'éveil
C'est le moment de l'action
Cela peut être chaque instant, si bien que lorsqu'on dit que le pouvoir merveilleux c'est aller puiser l'eau, alors même aller puiser l'eau en plein jour c'est le moment de la nuit.

zanshin a écrit:

Fred a écrit:Cependant,
- « l’inconcevable pouvoir de s’élever dans les airs naît librement dans les montagnes. »

Ainsi, « Le chevauchement des nuages » ou « la femme de pierre donnant la nuit naissance à un enfant », détermine le pouvoir de l’eau qui au petit matin s'est rendue capable de rendre rond le récipient carré et carré le récipient rond, signe que « les montagnes turquoises sont toujours en train de marcher » .

En ce qui concerne tout cela j'aimerais bien connaître l'avis de Yudo. Je le trouve particulièrement silencieux...
Pour rendre rond le récipient carré et carré le récipient rond, je crois qu'il faudrait bien plus que le pouvoir de l'eau et je ne suis pas sûre que ce soit souhaitable. J'ai une certaine réserve à ce sujet, car je crains un excès d'interprétations dans de multiples directions.

La version Nishijima Cross donne la leçon suivante:
"Les vertus des montagnes sont si élevées et si larges que nous réalisons toujours la vertu morale qui peut chevaucher les nuages en se basant sur les montagnes, et nous libérons sans faute la subtile efficacité qui suit le vent en se basant sur les montagnes."

"Lorsque nous comprenons notre propre marche (notre propre sens d'être en train de marcher), alors nous comprenons à coup sûr la marche des Montagnes Bleues.

"[Dans les mots] "La femme de pierre enfante des enfants la nuit", le temps pendant lequel la femme de pierre engendre des enfants, s'appelle la nuit. En général, il y a des pierres mâles et des pierres femelles,et il n'y a ni pierre mâles ni pierres femelles, dont la fonction pratique soutient les cieux et soutient la terre. Il y a des pierres célestes et il y a des pierres terrestres -- comme le disent les gens du monde, mais peu de gens le savent."
[Subjectivement, ou de façon romantique, nous assignons un genre ou d'autres caractéristiques humaines aux choses de la Nature. De façon objective, ou scientifique, nous ne le faisons pas. Le point de vue de maître Dôgen va au delà des vues objective et subjective. La connaissance bouddhique des pierres est plus réelle que les descriptions romantiques qu'on trouve, par exemple, dans la littérature chinoise séculière.]

Si vous voulez bien comprendre Dôgen, ayez toujours à l'esprit qu'il n'indique pas de façon parfaitement délimitée quand il parle d'un point de vue objectif, quand d'un point de vue subjectif, quand d'un point de vue kinesthétique et quand d'un point de vue poétique. Il faut que nous le devinions, à partir des cas où justement, il a été plus clair  (Genjô-kôan, par exemple).

Les montagnes marchent. C'est un fait pour les géologues, mais pour nous, à notre échelle, c'est bien moins évident. La croûte terrestre est souple et flexible, mais ce n'est pas tout à fait vrai à notre échelle: juste à l'échelle géologique.

Dans son texte "Comprendre le Shôbôgenzô", maître Nishijima fait observer:

4. Contradictions à l’intérieur d’une phrase
Dans (14) Sansui Gyô, nous trouvons la phrase suivante :
Un bouddha éternel a dit, « Les montagnes sont des montagnes. Les rivières sont des rivières. » Ces mots ne signifient pas que les montagnes soient des « montagnes » : ils signifient que les montagnes sont des montagnes.
Prise telle quelle, la phrase n’a aucun sens. Les montagnes ne sont pas des montagnes : elles sont des montagnes! La forme de la phrase semble contredire les règles de la logique. C’est là une affirmation inacceptable, selon les règles normales du raisonnement. Cependant, on peut trouver de nombreuses phrases similaires dans le Shôbôgenzô. Comment devons-nous les comprendre?

(...)

Certains ont même affirmé que la pensée bouddhique va au-delà de la logique! Le point de vue avancé par ces gens semble être que la religion doit aller au-delà de la raison, et que la négation de la logique y tient un rôle central. Un exemple de cette tendance réside dans l’interprétation moderne des histoires chinoises de kôans. Beaucoup de histoires semblent illogiques lorsqu’on les lit superficiellement. Et tant de gens soutiennent que l’un des buts de l’étude du bouddhisme est de développer une manière de penser étrange qui irait au-delà de la logique occidentale.
Devons-nous croire à des postulats aussi étranges ? Maître Dôgen lui-même avait des idées bien arrêtées sur ce problème récurrent. Dans (14) Sansui Gyô il dit :

Dôgen a écrit:
De nos jours, dans la grande Chine des Song, il y a un certain groupe de gens douteux qui forment une telle foule qu’ils ne peuvent être défaits par un petit groupe de vrais gens. Ils disent que ces histoires de montagne de l’Est qui se déplace au-dessus des eaux, ainsi que de la Faux de maître Nansen, sont des histoires qui ne peuvent pas être comprises rationnellement. Leur idée est comme suit : « Une histoire qui dépend d'une considéra­tion intellectuelle quelconque ne peut pas être une histoire zen des patriarches bouddhistes. Mais les histoires qui ne peuvent pas être comprises rationnellement sont certainement des histoires des patriarches du bouddhisme. c’est pour cette raison que des choses telles que l’usage que faisait maître Obaku du bâton et le cri de kwatsu de maître Rinzai, qui sont au-delà de la compréhension rationnelle et n’ont pas de rapport avec les considérations intellectuelles, représentent le grand Eveil qui existait avant même la germination de la création. La raison pour laquelle de nombreux maîtres du passé ont employé des mots qui taillaient à travers la confusion était que leurs enseignements allaient au-delà de la compréhension rationnelle ». Ceux qui disent de telles choses n’ont jamais rencontré un vrai maître et n’ont pas les yeux de la véritable étude bouddhique : ils ne sont que de petits chiots qui ne méritent pas qu’on discute avec eux. depuis deux ou trois siècles en Chine, il y a eu de nombreux démons de cette sorte, de nombreux rasés comme la bande des six. Il est vraiment pitoyable que la grande vérité du patriarche du bouddhisme parte en ruines. (...)

De toute évidence, maître Dôgen ne pense pas que les histoires de kôans soient illogiques : il se montre très critique des maîtres chinois qui prétendent qu’un kôan est une sorte d’énigme illogique. De toute évidence, il n’accepte pas aisément les illogismes, et nous n’avons pas à le faire nous non plus. Il nous faut continuer à chercher la raison qui se cache derrière l’apparente richesse en contradictions du Shôbôgenzô.
(...)
Après avoir lu le Shôbôgenzô à de très nombreuses reprises, j’ai commencé à voir que, par son usage des contradictions, maître Dôgen indiquait un espace qui se trouvait en dehors de l’aire du débat intellectuel : il montrait l’existence en dehors de l’aire rationnelle et intellectuelle.

Plus loin, il indique que, selon l'herméneutique à quatre parties, Sansuigyô appartient dans l'ensemble à la catégorie de l'Objectif. Mais même à l'intérieur du chapitre, il y a des éléments qui sont S (subjectifs, d'autres O (objectifs), d'autres A (action) et enfin d'autres R (réalité).

Je vous invite à lire (pour ceux qui ne l'ont déjà fait) l'ensemble de ce texte à
http://zenmontpellier.net/fr/gudo/comprendre.html

Merci Yudo.
Ces explications amènent justement les éclaircissements que je souhaitais car je craignais une compréhension un peu trop mystique de ce texte qui est une véritable perle à étudier.