Le terme "ego" existe bien dans les sutras, du moins, c'est la traduction qu'en fait Nyanatiloka, par exemple, dans son excellent petit livre (traduit en français pas M. La Fuente) : "La parole du bouddha". Ce livre est un résumé, certes très concis mais très bien ciblé, des Dîgha, Majjhima, Anguttara et Samyutta Nikâya. Il comporte également des extraits (placés en cohérence dans l'ouvrage) du Dhammapada, Udâna, Itivuttaka et Sutta Nipâta.
En particulier, il relève, dans le Dîgha Nikâya (15) une démonstration très rationnelle de l'inconsistance de l'ego. Bien évidemment, le terme "ego" est d'origine latine et il faut savoir rapporter dans une langue ce qui se dit dans une autre sans trahir l'esprit.
Zenmar m'expliquait qu'il voit maintenant son corps et le monde
extérieure comme une sorte d'image holographique projetée dans l'espace
lumineux de la conscience
C'est aussi ce que voient certains schizophrènes ou usagers de drogues hallucinogènes (LSD...).
se détacher des phénomènes pour s'intéresser à la conscience-en-soi
peut faire soudainement disparaître la notion de sujet et d'objet.
C'est comme si on existait plus, tout en étant uni à toutes choses.
C'est à la fois totalement ordinaire et absolument magique.
L'expérience du samadhi n'est pas autre chose que la conscience "sans ego" (ou "conscience-en-soi") car les notions de sujet et d'objet disparaissent. La neurologie connait bien cette différence de conscience entre le cerveau "gauche" et le cerveau "droit" (il s'agit des deux hémisphères, bien évidemment). La notion d'ego, c'est à dire de sujet séparé des phénomènes extérieurs, prend naissance naturellement dans le cerveau gauche parce que ce dernier linéarise, c'est à dire prolonge dans un espace temporel, la conscience dans l'ici et maintenant. Le cerveau droit ignore l'écoulement du temps et vit toujours dans le présent. C'est donc la conscience du temps qui passe et son intégration d'éléments de mémoire qui forge l'idée d'un ego qui résiste au temps qui passe. La notion d'ego n'a donc de sens que dans la notion de durée (avec intégration d'éléments de mémoire, évidemment).
Mais pour revenir au samadhi et à ce que disait dans son article Ralf Halfmann, à savoir qu'une fois sorti de l'expérience, l'ego reprend le dessus, on voit bien que le lien entre l'ici et maintenant du samadhi et le temps qui s'écoule n'est pas fait. C'est le point qui me paraît important de soulever car c'est le problème qui subsiste entre la quiétude du samadhi, rejetée par l'école de Hui Neng, et le samadhi de "sapience" qui est la réalisation que le "sans-ego" du samadhi (ou de l'ici et maintenant) et "l'ego" de l'homme ordinaire, sont les deux faces d'une même pièce (ou, pour reprendre ce qui est développé dans le sutra de l'estrade, le corps et la fonction sont indissociables). Il n'y a donc pas lieu de se préoccuper de ce que le temps reprenne le dessus et donc l'ego reprend le dessus quand on a réalisé (et c'est un kensho) que là où il y a l'ego, il y a nécessairement le non-ego.