Zen et nous

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    Zhuangzi

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    Message par Invité Ven 26 Aoû 2011 - 23:50

    Alors que Zhuangzi était en train de pêcher dans la Pu, deux émissaires, grands dignitaires du roi de Chu, vinrent le trouver, ils lui dirent:
    - Notre maître désirerait vous confier la charge de l'intérieur de nos frontières.
    Zhuangzi, tenant toujours sa gaule et sans même se retourner, leur demanda:
    - J'ai ouïe dire qu'à Chu une tortue sacrée, morte il y a trois mille ans, était conservée par le roi dans un coffret, enveloppée dans un linge, au sommet de son temple des ancêtres. Cette tortue préférerait-elle être morte en ayant abandonné ses ossements ou être vivante en laissant trainer sa queue dans la boue ?
    Les deux grands dignitaires répondirent:
    - Elle préférerait être vivante et laisser traîner sa queue dans la boue !
    - Fichez moi le camp, dit Zhuangzi. Je préfère aussi laisser traîner ma queue dans la boue !

    Source: Le Point. Hors série n°9


    "(...)Selon Zhuang Zi, l'homme doit donc faire en sorte que son action ne perturbe pas le développement spontanée des choses et événements, ce qui a parfois poussé les observateurs antérieurs à utiliser le terme de non-action (wuwei) pour qualifier cet idéal.

    Or, Zhuang Zi ne parlait pas d'inaction mais d'action conforme à l'ordre céleste, d'harmonie entre l'homme et la nature en quelque sorte...
    (...)
    La meilleure chose à faire pour le sage est donc de se taire et de ne pas écrire, tout savoir étant relatif. Il s'agit là d'un scepticisme poussé à l'extrême, qui amène le philosophe à s'interroger sur la différence entre la réalité et le rêve. Une interrogation immortalisée avec la célèbre parabole du papillon, dans laquelle le penseur se demande "s'il est un papillon qui rêve être Zhuang Zi ou Zhuang Zi rêvant qu'il est un papillon".
    "

    Source:
    http://fr.radio86.com/culture-chinoise/zhuang-zi-le-sage-qui-revolutionna-la-pensee-chinoise

    Zhuangzi D4679810

    Zhuanzi rêvant d'un papillon, par Ike no Taiga (1723-1776), encre sur papier, art japonais
     
    Zhuangzi Zhuangzipapillon
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    Message par Invité Sam 27 Aoû 2011 - 10:15



    Zhuangzi Fj%C3%A4ril

    Papillon "Petite tortue"
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    Message par Invité Sam 27 Aoû 2011 - 11:43

    Bonjour,

    Le non-agir me fait penser ( Shocked rhaaaaaaaaa! c'est façon de parler Very Happy ) au 11 du Tao Te-King:
    " Trente rais se réunissent autour d'un moyeu. C'est de son vide que dépend l'usage du char.
    On pétrit de la terre glaise pour faire des vases.
    C'est de son vide que dépend l'usage des vases.
    On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison. C'est de leur vide que dépend l'usage de la maison.
    C'est pourquoi l'utilité vient de l'être, l'usage naît du non-être."

    http://taoteking.free.fr/interieur.php3?chapitre=11
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    Message par Mu! Sam 27 Aoû 2011 - 11:53

    Volonté, spontanée
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    Message par Invité Sam 27 Aoû 2011 - 12:13

    Mouais, c'est la même chose pour la planète... de l'espace, du vide, y en a t-il encore ?

    Zhuangzi Draft_lens4738042module86334771photo_1266880519GP-Lotus-2

    Vase Ikebana lotus


    Zhuangzi Porte


    Et la tasse ?

    Zhuangzi The-relaxation-251x188


    ...


    Mu,

    Peut-être veux-tu dire que dans le "non-agir", il y a la place pour la spontanéité ?... Smile

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    Message par Kaïkan Sam 27 Aoû 2011 - 20:16

    Petit texte sympa...



    Zhuangzi et le papillon

    Un jour, le philosophe Zhuangzi s’endormit dans un jardin fleuri, et fit un rêve. Il rêva qu’il était un très beau papillon. Le papillon vola çà et là jusqu’à l’épuisement ;  puis, il s’endormit à son tour. Le papillon fit un rêve aussi. Il rêva qu’il était Zhuangzi. À cet instant, Zhuangzi se réveilla. Il ne savait point s’il était, maintenant, le véritable Zhuangzi ou bien le Zhuangzi du rêve du papillon. Il ne savait pas non plus si c’était lui qui avait rêvé du papillon, ou le papillon qui avait rêvé de lui.
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    Message par Kaïkan Dim 28 Aoû 2011 - 9:55



    Zhuangzi 52112010

    Zhuangzi

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    Message par Kaïkan Lun 29 Aoû 2011 - 15:35



      Un petit kôan pour les sõtõ, les taoistes

      et aussi les "autres" !




    Vouloir éviter l'inévitable, n'est-ce pas augmenter sa douleur ?
    Le meilleur usage que l'on puisse faire de la parole est de se taire.
    La meilleure action que l'on puisse faire est de ne pas agir. Vouloir augmenter ses connaissances, c'est légèreté.





    Un chien n'est pas un bon chien parce qu'il aboie beaucoup.





    Sur un miroir net la poussière et les impuretés ne tiennent pas. Si elles adhèrent, c'est que le miroir n'est pas net.




    Source → http://www.dicocitations.com/auteur/4695/Zhuangzi_Tchouang_Tseu_.php#2UJhwFy615bMWU53.99



    PS : Ceux qui ne comprennent pas les kôan seront excusés (ndlr)... Laughing


    Dernière édition par Kaïkan le Mer 19 Aoû 2015 - 20:08, édité 1 fois
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    Message par Invité Lun 29 Aoû 2011 - 18:14

    dans la Bible, il y a aussi un koan sur les "enfants".

    "Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants".

    Zhuangzi 19438334
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    Message par Sylvie Mer 31 Aoû 2011 - 11:25

    Re: Zhuangzi
    par fonzie le Sam 27 Aoû - 11:43:50
    (...)
    C'est de son vide que dépend l'usage des vases.
    On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison. C'est de leur vide que dépend l'usage de la maison.
    C'est pourquoi l'utilité vient de l'être, l'usage naît du non-être."
    http://taoteking.free.fr/interieur.php3?chapitre=11
    l'usage de la critique interforums en tant que pratique du dharma : mon scepticisme
    par lausm le Sam 27 Aoû - 12:54:39
    12:54:39 - 11:43:50 = 01:10:49
    c'est ça fonzie ?
    https://zen-et-nous.1fr1.net/t745p60-l-usage-de-la-critique-interforums-en-tant-que-pratique-du-dharma-mon-scepticisme#13621
    j'ai ouïe dire que le 49 aurait un symbolisme dans le Bouddhisme.
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    Message par Kaïkan Mer 31 Aoû 2011 - 18:33


      Zhuangzi

      Quelques citation de zhuangzi (tchouang-tseu)

      Je ne perçois plus avec les yeux mais appréhende avec mon esprit. Là où s’arrête la connaissance sensorielle, c’est le désir de l’esprit qui a libre cours.L’homme parfait est pur esprit ! Il ne ressent pas la chaleur de la brousse enflammée ni la froideur des eaux débordées ; la foudre qui fend les montagnes, la tempête qui soulève l’océan ne sauraient l’effrayer. Celui-là, les nuées sont ses attelages, le soleil et la lune sont ses montures. Il vagabonde au-delà des Quatre mers ; les alternances de la vie et de la mort ne le concernent pas, encore moins les notions de bien et de mal.Les dix milles êtres avec moi sont un.L’homme supérieur n’a pas de moi, l’homme spirituel ne garde aucun de ses mérites. Le sage n’a pas de nom.


    Dernière édition par Kaïkan le Mer 19 Aoû 2015 - 20:03, édité 1 fois
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    Message par Komuso Mar 3 Avr 2012 - 15:27

    Un court extrait de 莊子 (tiré du chapitre 22, traduction Liou Kia-hway) :


    Grande Pureté demanda à Infini :
    -Connaissez vous le Tao ?
    -Je ne le connais pas, dit Infini.
    Et Grande Pureté demanda encore à Non-agir :
    -Connaissez vous le Tao ?
    -Je le connais, dit Non-agir.
    -Le Tao, d'après votre connaissance, peut-il être qualifié ? demanda Grande Pureté.
    -Il peut l'être, dit Non-agir.
    -Comment peut-il être qualifié? demanda Grande Pureté.
    -A mon avis, dit Non-agir, le Tao peut être noble ou vil, concentré ou répandu ; telles sont les qualités par lesquelles je connais le Tao.

    Grande Pureté rapporta les paroles d'Infini et de Non-agir à Sans-Commencement et lui demanda :
    -Infini ne connaît pas le Tao et Non-agir le connaît. Lequel des deux a raison ? Lequel a tort ?
    Sans-Commencement lui répondit : "Celui qui ne connaît pas le Tao est profond, celui qui le connaît est superficiel. Le premier saisi l'interiorité, le second ne touche que l'extériorité."
    Grande pureté l'approuva en s'exclamant : "Ne pas connaitre est donc connaitre ? Et connaitre est-ce ne pas connaitre ? Qui donc connait la connaissance qui consiste à ne pas connaitre ?"
    Sans-Commencement dit : "Le Tao ne peut être entendu ; ce qui s'entend n'est pas lui. Le Tao ne peut être vu ; ce qui se voit n'est pas lui. Le Tao ne peut être énnoncé ; ce qui s'énnonce n'est pas lui. Qui donc connaît ce qui engendre les formes est sans forme. Le Tao ne doit pas être nommé."
    Sans-Commencement ajouta : "Qui répond à celui qui l'interroge sur le Tao ne connaît pas le Tao ; et le simple fait d'interroger sur le Tao montre qu'on n'a même pas entendu parler du Tao. La vérité est que le Tao ne souffre ni questions, ni réponses aux questions. Interroger sur le Tao qui ne comporte pas de question, c'est le considérer comme une chose finie. Répondre sur le Tao qui ne contient pas de réponse, c'est le considérer comme une chose dépourvue d'intériorité. Quiconque répond sur ce qui n'as pas d'intériorité et qui interroge sur ce qui est fini, celui-là ne saisit ni l'univers extérieur, ni son origine intérieure. Il ne traverse pas le mont Kouen-louen ; il ne va pas jusqu'au vide suprême."


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    Message par Invité Sam 7 Avr 2012 - 10:04

    L'air médite pendant que dans son dos, le feu combat l'eau.

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    Message par Fred Mer 18 Avr 2012 - 14:26

    "Tchou-p'ing Man apprit de Tche-li Yi à tuer les dragons.
    Il paya pour son apprentissage mille louis d'or qui représentaient toute la fortune de sa famille.
    Au bout de trois ans, il acquit la maîtrise dans son art, mais ne sut que faire de son habileté."

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    Message par Invité Mer 18 Avr 2012 - 20:54

    Bonjour Fred,

    "Tchou-p'ing Man apprit de Tche-li Yi à tuer les dragons.
    Il paya pour son apprentissage mille louis d'or qui représentaient toute la fortune de sa famille.
    Au bout de trois ans, il acquit la maîtrise dans son art, mais ne sut que faire de son habileté."

    Zhuangzi

    attention à l'explosion! bom

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    Message par Kaïkan Mar 22 Mai 2012 - 17:23

    fonzie a écrit:Moi aussi, j'aime la citation de Tchouang-Tseu. D'ailleurs j'arrive pas à mettre la main sur le Sutra de "l'Illumination de la Mer Profonde"
    mais en cherchant j'ai trouvé une citation aussi, on dirait que c'est de Fa

    Du fait que les êtres sensibles se font des illusions, ils pensent qu’ils devraient abandonner ce qui leur semble illusoire et trouver ce qui est "véritable". Mais dès que l’illumination survient, les distinctions entre l’illusoire et le "véritable" disparaissent.
    FA TSANG...extrait ICI

    Bonjour fonzie,

    J'ai récupéré un texte qui donne, à mon avis, quelques clés essentielles pour suivre la pensée de Tchouang-tseu (Zhuang-zi)


    La relativité du langage


    La réflexion sur le langage occupe une place considérable dans la philosophie occidentale comme dans la philosophie orientale. La pensée antique chinoise pourrait apporter un éclairage supplémentaire à la question des limites du langage(13). Dans la période des Royaumes Combattants en Chine (403-256 av. J.-C.), les différents courants de pensée s’épanouissent et se définissent largement en fonction de leur position par rapport au discours.

    Les logiciens (Mingjia ) considèrent le perfectionnement du langage comme une fin en soi, tandis que pour les légistes (Fajia ) qui placent la loi comme étant l’unique manière de contrôler la vie sociale qui est par essence dominée par des pulsions négatives, le discours est l’instrument d’un pouvoir absolu. C’est le taoïsme qui ouvre une nouvelle ère de la réflexion philosophique sur la fonction du langage et sur son rapport avec la réalité prise dans sa totalité. Les textes principaux du taoïsme, le Laozi et le Zhuangzi partagent une intuition initiale: la réalité (le Dao) est au-delà du régime du langage. Elle est donc inexprimable. Or, l’homme qui vise à s’approcher de cette réalité indicible, doit renoncer à toute action et à tout discours.

    Nous nous concentrons ci-dessous sur certaines discussions dans le texte de Zhuangzi qui ont pour objet de délimiter la frontière du langage et même de la pensée. Dans le chapitre intitulé « La réduction ontologique » (Qiwulun ), Zhuangzi nous donne son idée centrale: « Celui qui parle a quelque chose à exprimer. Mais ce quelque chose n’est jamais tout à fait déterminé par la parole. » (Tchouang-tseu 2001: 37) Lorsque nous parlons de la réalité indicible, nous nous efforçons en effet à la déterminer dans sa forme par la forme même de notre langage. Dans un autre passage, Zhuangzi développe l’idée de l’inadéquation du langage face à l’indicible:

    « La distinction entre le fin et le gros se limite au domaine des formes. Ce qui n’a pas de forme ne saurait être divisé par le calcul; ce qui ne peut être circonscrit ne saurait être mesuré par le calcul. Ce qu’on peut exprimer en paroles, c’est le gros des choses; ce qu’on peut atteindre en idées, c’est le fin des choses. Tout ce qu’on ne peut exprimer en paroles et qu’on peut atteindre en idées dépasse à la fois le fin et le gros. (Tchouang-tseu 2001: 136) »

    Nous ne pouvons mesurer que ce qui se présente sous forme mesurable. Par ailleurs, nous ne pouvons que parler de ce qui est aussi pensable ou exprimable. Le langage humain tend à saisir la part grossière des choses et leurs essences génératrices. Pourtant, l’indicible de la réalité ne peut être conçu puisqu’elle dépasse l’existence matérielle et qu’elle n’appartient pas à l’ordre des choses. A cet égard, « nous pouvons par la parole, puis par la pensée, atteindre à la limite des choses, de façon ‘locale’. Mais l’immensité de la réalité nous échappe ». (Jullien 1995: 358) Nous analyserons ci-dessous deux aspects spécifiques de la réflexion de Zhuangzi à propos de langage.

    Dans le texte de Zhuangzi, toutes les fonctions du langage, les raisons analytiques et les logiques discursives sont mises en cause. Zhuangzi défie tout d’abord la forme langagière qui représente le monde en se fondant sur un système de concepts relatifs. Je dis ceci et non cela, je vois les choses comme-ci et non comme ça. Lorsque nous utilisons le langage, nous nous situons inévitablement dans une position qui nous oblige à saisir le monde selon une logique dualiste, et qui risque de nous empêcher d’atteindre la totalité de la réalité. Le vrai et le faux, le bien et le mal, le beau et le laid, le gros et le fin, tous ces couples de concepts sont interdépendants et donc relatifs. Il faut surmonter le langage et le système de concepts qu’il désigne pour voir le monde:

    « Soi-même est aussi l’autre; l’autre est aussi soi-même. L’autre a ses propres conceptions de l’affirmation et de la négation. Soi-même a également ses propres conceptions de l’affirmation et de la négation. Y a-t-il vraiment une distinction entre l’autre et soi-même, ou n’y en a-t-il point ? Que l’autre et soi-même cessent de s’opposer, c’est là qu’est le pivot du Dao. Ce pivot se trouve au centre du cercle, et s’applique à l’infinité des cas. Mes cas de l’affirmation sont une infinité; le cas de la négation le sont également. Ainsi, il est dit: le mieux est d’avoir recours à illumination. (Tchouang-tseu 2001: 38) »

    En cherchant à approfondir son idée, Zhuangzi fait une métaphore: le pivot de la réalité profonde se trouve au centre d’une circonférence. Les hommes avec leurs points de vue différents les uns des autres n’occupent chacun qu’un point de circonférence. Afin de représenter la circonférence dans sa totalité, il faut se mettre au centre de cette circonférence, c’est-à-dire renoncer à la relativité des choses, à la distinction réversible des notions et aux préjugés humains qui relèvent tous d’un même genre, celui du langage.
    Zhuangzi discrédite fondamentalement le langage et, à travers lui, le raisonnement discursif. En dévoilant tous les procédés du discours, il vise à « tourner en dérision la raison discursive et en dénoncer la vanité ». (Cheng 2002: 117) Dans un dialogue avec Huizi, le représentant du courant des « logiciens » de son époque, Zhuangzi attaque explicitement le procédé d’une discussion de type pseudo-logique:

    Zhuangzi et Huizi se promenaient sur un pont de la rivière Hao. Zhuangzi dit: « Voyez comme les vairons se promènent tout à leur aise ! C’est là la joie des poissons.
    – Vous n’êtes pas un poisson, dit Huizi. Comment savez-vous ce qui est la joie des poissons ?
    – Vous n’êtes pas moi, repartit Zhuangzi. Comment savez-vous que je ne sais pas ce qui est la joie des poissons ?
    – Je ne suis pas vous, dit Huizi, et assurément je ne sais pas ce que vous savez ou non. Mais comme assurément vous n’êtes pas un poisson, il est bien évident que vous ne savez pas ce qui est la joie des poissons.
    – Revenons, dit Zhuangzi, à notre première question. Vous m’avez demandé: comment savez-vous ce qui est la joie des poissons ? Vous avez donc admis que je le savais, puisque vous m’avez demandé comment.
    Comment le sais-je ? Par voie d’observation directe sur le pont de la rivière Hao. » (Tchouang-tseu 2001: 143)

    Cette discussion entre Zhuangzi et Huizi, comme on le voit, n’occupe pas de la question du vrai ou du faux d’une proposition. En effet, Zhuangzi tente de montrer qu’avec le langage, on traite non de faits, mais d’énoncés. Une proposition admissible ou recevable au sens où elle est logiquement possible, où elle manifeste toutes les apparences de la rationalité, ne révèle rien sur la réalité et n’accroît en rien la connaissance que nous pouvons avoir de cette réalité. Zhuangzi se méfie de la fausse recherche de vérité à laquelle se livrent les savants, avec leur confiance abusive dans le discours.


    Ne rien dire


    Puisque les limitations du langage nous enferment dans une certaine partialité, nous devons chercher à déborder la parole. Zhuangzi rêve d’une forme de langage qui pourrait déjouer sa condition langagière et qui se libèrerait des oppositions factices. En employant intensivement dans le texte les métaphores, les images, les questions doubles et contradictoires, les juxtapositions d’affirmations et de négations, Zhuangzi tente d’inventer au sein du langage un passage vers une autre manière de voir. Le langage doit être délaissé dès qu’il sert d’instrument négatif qui permettrait d’indiquer la réalité, sans la définir:
    Les hommes qui sont en quête du Dao croient le trouver dans les écrits. Mais les écrits ne valent pas plus que la parole. Certes, la parole a une valeur, mais celle-ci réside dans le sens. Or, le sens se réfère à quelque chose, mais ce quelque chose ne peut se communiquer par les mots. Pourtant, c’est pour ce quelque chose que les hommes accordent de la valeur aux mots et transmettent les livres. Tout cela, le monde a beau lui donner du prix, moi je trouve que cela ne le mérite pas car ce à quoi on donne du prix n’est pas ce qu’il y a de plus précieux.

    Pour exprimer cette nécessité d’un dépassement du sens littéral, Zhuangzi nous propose dans un autre passage, l’image de la nasse et du poisson:

    La nasse sert à prendre le poisson; quand le poisson est pris, oubliez la nasse.
    Le piège sert à capturer le lièvre; quand le lièvre est pris, oubliez le piège.
    La parole sert à exprimer l’idée; quand l’idée est saisie, oubliez la parole.
    Comment pourrais-je rencontrer quelqu’un qui oublie la parole, et dialoguer avec lui? (Tchouang-tseu 2001: 221)

    Si l’on considère que la nasse est la parole, le poisson le sens, il y aurait d’une part l’instrument du langage et de l’autre, l’idée qu’on veut exprimer. La parole en tant qu’outil qui transmet dans l’immédiat, disparaît dans la quotidienneté de l’usage. Pour Zhuangzi, le langage au-delà de son inadéquation à exprimer la réalité, est à l’origine même de notre égarement. Comme on peut le souligner, « tout le Zhuangzi lui-même ne serait qu’une telle ‘nasse’ ou qu’un tel ‘lacet’, et qui reste ‘attaché’ à eux, nous prévient-on, est condamné à s’égarer ». (Jullien 1995: 356) La parole peut être « oubliée » en vue d’accéder à l’indicible.

    Afin de revenir à notre état de nature, les taoïstes nous suggèrent de dépasser le langage et de s’abstenir de faire appel à l’intelligence humaine qui tend à scinder la totalité concrète et indivise en une dualité partiale. « La condition première pour la recherche du Dao est de se mettre en disponibilité, en congé, de manière à capter la petite musique qui nous vient de l’origine et qui n’a jamais cessé, malgré les bruits parasites de toute nature: activisme, conscience de jouer un rôle bien défini dans l’univers ou, plus généralement, confiance placée dans le discours, obstacle majeur dans la marche du Dao pour la simple raison qu’il n’est pas naturel », nous apprend Anne Cheng. (2002: 116) La réalité profonde cesse d’être perçue lorsque s’imposent les catégories du langage. C’est la raison pour laquelle Zhuangzi nous le dit :
    « celui qui sait ne parle pas; celui qui parle ne sait pas. […...] [L]e saint pratique un enseignement sans parole. » (Tchouang-tseu 2001: 175)
    Afin de désigner la manière d’accéder à cette réalité, il introduit un discours qui se compose d’une série de négations:
    « Pour connaître le Dao, on ne doit ni penser ni réfléchir ; pour s’installer dans le Dao, on ne doit adopter aucune position ni s’appliquer à rien ; pour posséder le Dao, on ne doit partir de rien, ni suivre aucun chemin ». (Tchouang-tseu 2001: 175)
    Ces négations visent à transcender toute position partiale et nous mettent dans une position de « globalité » dans laquelle demeurerait ouverte la totalité des possibilités.




    Zhuangzi D5a9f51e697389e5842ebb8da05513e3
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    Message par Invité Mar 22 Mai 2012 - 23:23

    Bonsoir et merci Kaïkan

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    Message par tangolinos Mer 23 Mai 2012 - 19:44

    Bonjour Kaïkan
    Ton texte est une véritable friandise...
    ça me fait penser que notre ami Chakyam aurait bien aimé s'en abreuver, et ptêtre même que ça aurait pu lui produire certains effets bénéfiques. Very Happy

    Ce qui est époustouflant c'est de voir qu' il y a déjà 2500ans qu'un penseur ait atteint une compréhension que la science d'aujourd'hui commence à peine à appréhender.

    Métaphoriquement le langage est une tentative de décrire la réalité comme l'est une mapemonde pour représenter la surface de la Terre...
    De même les astrophysiciens se heurtent à cette difficulté à représenter non plus la surface d'une sphère, mais l'espace qui contiendrait l'univers... Il y a un effet d'incurvation qui n'est pas évident à appréhender, et encore plus difficile à décrire...

    Dans le texte de Tchouang-tseu, j'aime beaucoup ce passage=
    La nasse sert à prendre le poisson; quand le poisson est pris, oubliez la nasse.
    Le piège sert à capturer le lièvre; quand le lièvre est pris, oubliez le piège.
    La parole sert à exprimer l’idée; quand l’idée est saisie, oubliez la parole.
    Comment pourrais-je rencontrer quelqu’un qui oublie la parole, et dialoguer avec lui?


    En bref, on ne peut dire que des sottises, et curieusement parfois elles semblent ne pas l'être. albino
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    Message par lausm Mer 23 Mai 2012 - 22:46

    Tous les intervenants de forum devraient se rappeler de la relativité des mots!
    Un mot, relié à quelque chose, exprimant son sens.
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    Message par Fred Jeu 16 Aoû 2012 - 20:20

    Les Anciens qui cultivaient le Tao nourrisaient leur intelligence par leur calme. Si leur intelligence n'agissait plus pour elle-même, c'est qu'ils nourrisaient leur calme par leur intelligence. Si leur intelligence et leur calme se nourrissaient réciproquement; l'harmonie et l'ordre découleraient de leur nature.

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    Message par Fred Mer 19 Aoû 2015 - 15:02

    J'aime bien celle là Smile



    “Un éleveur de singes distribuait des glands aux singes en leur disant : 

    "Je vous donnerai trois glands le matin et quatre le soir. Qu'en pensez-vous ?"

    Tous les singes se mirent en colère


    "Je vous en donnerai quatre le matin et trois le soir. Qu'en pensez-vous ?"


    Tous les singes furent enchantés.


    Finalement, cette histoire est assez proche du poème de Ryōkan je trouve :

    « Le voleur parti 
    N'a oublié qu'une chose,
    La lune à la fenêtre. » 
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    Message par Zenoob Mer 19 Aoû 2015 - 15:31

    Dans le bouquin sur Sawaki on trouve ça : "l'éveil, c'est comme un cambrioleur qui pénètre une maison vide".
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    Message par Fred Jeu 20 Aoû 2015 - 14:21

    "l'éveil, c'est comme un cambrioleur qui pénètre une maison vide".

    Cela pourrait faire penser à cet extrait du sutra de la grande sagesse :

    O Sariputra, toute existence a le caractère de Ku, il n'y a ni naissance, ni commencement, ni pureté,ni souillure, ni croissance, ni décroissance.

    Un peut comme si tels des voleurs pénétrant dans cette maison, nous devions finir par nous apercevoir qu'il est vain de chercher à s'approprier le manifesté.
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    Message par Fred Ven 4 Sep 2015 - 18:40

    "Lorsque l’esprit connaît la tranquillité, il soumet l’univers entier."
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    Message par tangolinos Ven 4 Sep 2015 - 20:32

    Fred a écrit:"Lorsque l’esprit connaît la tranquillité, il soumet l’univers entier."
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    Je dirais que la traduction est erronée ( Yudo pourra nous en dire plus )
    Il me semble qu'une fois l'esprit tranquille, il n' a plus qu'une seule intention, celle de suivre le Tao.
    Autrement dit, l'idée de soumettre quoi que soit, n'est pas sa préoccupation.

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