Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    Rencontre TAO & ZEN . Les deux accès à la réalité ultime.

    Kaïkan
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    Message par Kaïkan Mar 4 Oct 2011 - 21:03


          Les deux accès à la réalité ultime.



    Il est de nombreuses voies d’accès à la Réalité ultime (Tao), mais pour l’essentiel, elles peuvent être ramenées à deux sortes. L’une est l’Accès par la pénétration intuitive du Principe suprême (li fou), l’autre, l’Accès par la pratique (hing jou).
    L’accès par la pénétration intuitive du Principe suprême, c’est l’éveil à l’essence de la Doctrine grâce à l’enseignement des Textes et aussi concevoir une foi profonde en ce fait que tous les êtres ont en commun une Nature Vraie unique, qui ne peut cependant se manifester clairement puisqu’elle est masquée par les imprégnations adventices (sk : âgantuka) et les pensées erronées.
    Si l’on rejette le faux pour retourner au vrai en restant concentré « à examiner le mur » (pi-kouan), l’on réalise qu’il n’y a ni soi ni autrui et que les profanes et les saints sont égaux. Si l’on s’y tient fermement sans s’en écarter, l’on ne sera plus jamais assujetti à la lettre de l’Enseignement canonique.
    Etant ainsi en accord profond avec le Principe suprême, on sera libéré de toutes discrimination conceptuelle. Par là, on éprouvera la quiétude spontanée que donne le non-agir (wou-wei).
    C’est là ce qu’on nomme Accès par la pénétration intuitive du Principe suprême.
    L’Accès par la pratique désigne quatre pratiques qui renferment toutes les autres. Quelles sont-elles ? Ce sont :

    • Accepter la haine comme rétribution (pao yuan hing) ;
    • S’adapter aux conditions karmiques (souei yuan hing) ;
    • Ne rien désirer (wou so ts’ieou hing) ;
    • Se conformer au Dharma (tch’eng fa hing).


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    1. Qu’entend-on par la pratique « Accepter la haine » ?
      Quand celui qui s’exerce à la pratique de la Doctrine (Tao) est en proie à la souffrance, il doit réfléchir et se dire ceci :
      « Au cours d’innombrables périodes cosmiques passées, je me suis détourné de l’essentiel pour m’adonner au secondaire, errant au fil des existences successives et provoquant ainsi maints motifs de haine, de ressentiment et de volonté de nuire sans bornes. Et, bien que dans cette vie, je n’aie pas transgressé la Loi, ma souffrance est bien le fruit venu à maturité, des malheurs que j’ai causés et des mauvaises actions que j’ai commises dans mes existences antérieures. Ce n’est pas quelque chose que les dieux ou les hommes sont en mesure de préméditer. Aussi dois-je supporter de bon gré tout ce qui m’est souffrance, sans éprouver le moindre ressentiment et sans incriminer quiconque.
      Il est dit dans un Sûtra : « Quand la souffrance survient, il ne faut pas s’en inquiéter. Pourquoi ? Parce que si l’on atteint un état de conscience supérieur, alors on peut en pénétrer complètement la cause. »
      Lorsque le pratiquant atteint cet état d’esprit, il est en harmonie avec le Principe suprême car en cherchant à comprendre de cette façon la haine que certains éprouvent à son égard -, il progresse vers la Réalité ultime. Telle est la pratique « Accepter la haine ».

    2. La pratique « S’adapter aux conditions karmiques » est la suivante :
      Tous les êtres sont dépourvus de Soi, et c’est en fonction de leur héritage karmique qu’ils se réincarnent. La souffrance et le plaisir qu’ils éprouvent sont déterminés par les facteurs karmiques. Ainsi, s’il m’arrive d’être récompensé par les honneurs, la renommée ou par d’autres signes de faveur, c’est l’enchaînement causal de mes actes passés qui affecte mon existence présente. Mais dès que les facteurs conditionnants sont épuisés, il n’en reste rien. Dès lors, à quoi bon s’en réjouir ? Quand on a compris que tout ce qu’il y a de gain ou de perte est déterminé par les facteurs karmiques, la pensée n’est plus sujette à aucune variation. Ainsi, aucun vent de contentement de soi ne s’élève et l’on s’accorde en profondeur avec la Réalité ultime.
      Voilà pourquoi on appelle cette pratique « S’adapter aux conditions karmiques ».

    3. La pratique « Ne rien désirer » est la suivante :
      Les hommes de ce monde sont toujours égarés par leurs illusions, en proie qu’ils sont à l’attachement de tous côtés. C’est ce que l’on appelle « désirer ».
      Le sage, lui, s’éveille au Vrai Principe (tchen li) qui détourne des choses mondaines. Il a l’esprit apaisé, ce que lui donne le non-agir, et il sait ajuster sa situation aux revirements de la fortune. Car touts les choses créées sont vides et, de ce fait il n’est rien de désirable ni de réjouissant. Les actes méritoires sont toujours inextricablement liés à la noirceur de l’attachement au mérite. Les trois mondes dans lesquels nous séjournons trop longtemps sont comme une maison en feu. Qui possède un corps est appelé à souffrir et nul ne peut trouver la paix. Parce qu’il a compris à fond ces points, le sage rejette toutes les manifestations illusoires du monde phénoménal ; ses pensées étant apaisées, il ne désire plus rien.
      Il est dit dans un Sûtra : « Là où il y a désir, il y a souffrance. L’absence de désir, c’est la joie ».
      Ainsi, avoir une connaissance certaine de la nécessité de ne rien désirer, c’est vraiment la voie d’accès à la Réalité ultime. C’est pour cette raison que l’on appelle cette pratique « Ne rien désirer ».

    4. La pratique « Se conformer au Dharma » :
      Le Principe suprême, pur en essence, c’est ce que l’on nomme Dharma. Ce Principe suprême est la nature de Vacuité (sk. Sûnyatâ) de tous les phénomènes ; il est sans souillures ni attachements ; il ne connaît ni soi ni autrui.
      Il est dit dans un Sûtra :
      « Le Dharma est dépourvu d’êtres animés, du fait qu’il est affranchi de la souillure des êtres animés. Le Dharma est dépourvu de Soi, du fait qu’il est affranchi de la souillure du Soi ».
      Quand le sage est convaincu de ce Principe suprême, il doit régler sa conduite de manière à être en accord avec le Dharma. Comme il n’y a aucune trace d’avarice dans l’essence du Dharma, le sage doit toujours être prêt à se donner et à faire don de sa vie et de ses biens, sans se ménager et sans aucun regret. Comme il a pleinement réalisé la vacuité des trois facteurs de l’aumône, il n’est plus dépendant, il est sans attachement. Il cherche à faire mûrir les êtres en les purifiant de leurs souillures, et bien que vivant parmi eux, il n’est plus réceptif aux caractéristiques (sk. Laksana) des choses. Ainsi, tout en se perfectionnant, il sait faire le bien d’autrui et en outre, magnifie la voie de l’Éveil.
      Telle est la perfection du Don. Il en est de même pour les cinq autres perfections. Il faut pratiquer les Six perfections pour se libérer des pensées erronées, mais sans être attaché à la notion de pratique méritoire.
      C’est ce qu’on appelle la pratique « Se conformer au Dharma ».



    Cette célèbre doctrine des deux Accès à la Réalité ultime (eul jou) attribuée à Bodhidharma, est exposée dans le Receuil sur la transmission de la lampe rédigé à l’ère King-tô (King-tö tch’ouan-teng lou, Taishô LI, 2076, xxx, 458 b21-C24, compilé par Tao-yuan et paru sous les Song en 1004).

    Traduit du chinois par Guilaine Mala.

    In Revue Hermès, Recherche sur l’expérience spirituelle : Tch’an/Zen, pages 78-81)


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