Merci Leela pour ta gentillesse et ta compréhension! J'ai bien conscience que c'est le fait de parler, de partager cette histoire qui me soulagera, à court terme bien sûr. Aussi, je me lance.
En septembre 2010, j'ai rencontré celui que j'appellerai Pierre. Nous sommes tombés amoureux instantanément, d'un amour sincère et profond : il avait 17 ans, moi 16. Malheureusement, cet amour s'est révélé destructeur. L'un comme l'autre, nous étions des personnes fragiles, ayant un vécu assez difficile pour notre jeune âge. Mais nous étions bien ensemble. Avec du recul, je me rend compte que notre bonheur était très fragile : il me suffisait d'un rien pour être très malheureuse subitement, et lui était quelqu'un d'extrêmement maladroit dans ses paroles.
8 mois ont passé avant que nous nous séparions d'un commun accord, par ma faute. A l'époque, et deviens déjà plusieurs années, j'avais des tendances obsessionnelles et dépressives. Vous imaginez sans peine combien il est difficile d'être en couple avec une personne de ce type, d'autant que je n'avais pas encore conscience de toutes ces névroses, n'ayant consulté que de mauvais psys.
Notre séparation, nous le savions, était temporaire. Au bout de seulement deux semaines, nous nous manquions bien trop, devenions odieux l'un avec l'autre de dépit, d'amertume. Notre réconciliation a été une solution temporaire.
Régulièrement, je piquais des colères : des crises de jalousie insensées, des périodes de doute ("suis-je vraiment amoureuse ?"), des obsessions infondées... Qui ont fini par le faire céder, malgré tout son amour.
Six mois après notre réconciliation, il me quittait, pourtant toujours amoureux, et nous nous promettions à nouveau de nous remettre ensemble lorsque "je me serai soignée". J'avais entamé une semaine plus tôt une psychothérapie pour lui (ce qui est idiot, on n'entreprend pas une psychothérapie pour quelqu'un d'autre que soi, je le sais à présent). J'ai pris pour une trahison le fait qu'il me quitte alors que je faisais cet effort pour lui, pour notre relation. De plus, quelques mois à peine auparavant, il m'avait demandée en fiançailles.
Le lendemain de notre rupture, j'étais au plus mal. Au lycée, j'avais été incapable de tenir pour les deux heures de cours auxquelles je devais assister, et avait passé l'essentiel de mon temps chez l'infirmière.
Le soir, fatiguée de mon intense détresse, j'ai pris un certain nombre d'anxiolytiques dans l'espoir de trouver la paix. M'endormir, peut-être pour ne plus me réveiller. Le médecin de garde s'est rendu chez moi après l'appel de mes parents, m'a parlé un certain temps, puis a conseillé à mes parents de m'emmener à l'hôpital. Ce qu'ils ont fait, après avoir obtenu mon accord.
Le lendemain de mon internement, Pierre apparaissait à l'hôpital. Il voulait qu'on se remette ensemble. Le but de mon geste n'était pas cela. Il ne s'agissait en aucun cas de le faire revenir, bien qu'on m'ait accusé de cela.
Aussi, stupidement, nous nous sommes à nouveau réconciliés. Mais mon séjour à l'hôpital m'a changée. Confrontée à moi-même, j'ai pris conscience de nombreuses choses. Je me suis remise en question, ainsi que la relation dans laquelle j'étais engagée à corps perdu. Après réflexion, j'ai compris, à grand regret, que Pierre et moi n'avions plus d'avenir ensemble, que nous serions voués à nous faire souffrir si nous demeurions ensemble, et cela jusqu'à ce que soit causée la perte de l'un ou l'autre.
J'ai rapidement compris qu'il me faudrait mettre un terme à cette relation destructrice. La psychiatre que je voyais, les infirmiers, tous m'enjoignaient à prendre la décision que je jugerais la meilleure, et cela en pensant d'abord à moi, à mon bien-être.
Durant les deux semaines passées à l'hôpital, tandis que je réfléchissais, Pierre enchaînait les maladresses, aggravant malgré lui mon état instable. Je ne pouvais plus rien manger, je vomissais constamment, et les antidépresseurs (plus haut "degré" existant) qu'on m'avaient prescrits n'aidaient pas. Les premiers temps, les antidépresseurs font l'effet inverse de ce pour quoi ils sont prescrits.
Finalement sortie de l'hôpital, ma décision était prise. Je devais quitter Pierre, bien que cela me paraisse impossible.
Et c'est ce que j'ai fait : durant mon séjour, j'avais appris à ne plus idéaliser les gens que j'aimais. Et je voyais alors les défauts de Pierre. Peu nombreux, mais incompatibles avec les miens. Aussi, mon amour pour lui faiblissait jour après jour, jusqu'à ce qu'il s'éteigne.
A peine une semaine après ma sortie, je quittais Pierre. Je me suis sentie à la fois triste et soulagée. Lui était dévasté. Je ne savais pas quoi faire pour le soulager. Puis j'ai compris que ce n'était plus mon rôle.
Mon histoire touche à sa fin. Le lendemain de notre rupture définitive, j'ai décidé de sortir, et pour la première fois depuis des mois, je suis redevenue un être sociable : je me suis rendue à un petit concert.
Jamais je n'aurais pensé que cela puisse être possible. Je venais de quitter Pierre, et le lendemain même, je tombais amoureuse. Le même schéma se reproduisait : un coup de foudre inattendu mais partagé. Le jeune homme que j'ai rencontré et aimé dès ce soir là est depuis mon conjoint. Nous n'avons pas cherché à être raisonnables : nous nous sommes mis en couple, puis avons vécu ensemble au bout d'une semaine.
Évidemment, Pierre avait été mis au courant de cette histoire. Il ne le supportait pas du tout. Il est devenu détestable avec moi, me harcelait de SMS, m'accusait de choses insensées...je ne savais plus quoi faire. Je le comprenais, je compatissais, mais je ne voulais plus être en lien avec lui : mon séjour à l'hôpital m'avait grandie subitement.
Deux semaines après ma rencontre avec mon actuel conjoint, Pierre se donna la mort. Il avait 19 ans.
Ses proches me jugèrent coupable de son geste, je fus calomniée : des rumeurs coururent sur moi. On dit que je l'avais incité à se tuer, que ma tentative de suicide était du bluff, que je l'avais manipulé. Je fus insultée, menacée de mort.
Aujourd'hui, six mois ont passé. Je me sens coupable, bien sûr, ce qui est naturel dans le processus du deuil, a fortiori après le suicide d'un proche. Je connais le regret véritable, celui de n'avoir pas su l'aider.
Je voudrais maintenant pouvoir honorer sa mémoire et trouver la paix après cette épreuve terrible.