La pensée de la montagne
(par Reiryu Philippe Coupey)
Polissant la tuile pour en faire un miroir,
Et assis impassible comme une montagne.
L’objet véritable du bouddhisme venu de l’ouest
Est comparable au fruit de la grenade avant qu’elle ne s’ouvre et au volcan avant l’éruption.
- Eihei Dogen, Eiheikoroku, poème n°6 -
Reiryu
Dans la première ligne, Dôgen fait allusion à un mondo entre Baso et son maître Nangaku.
Un jour, Baso pratiquait zazen quelque part devant le dojo. Nangaku, qui passait par là, le voit et lui dit : « Hé, encore en train de faire zazen !? Mais dis-moi : as-tu un objet quand tu fais zazen ? As-tu un objet dans ta pratique ? »
A cette époque on n’avait pas d’expression comme mushotoku, qui veut dire « sans objet » ou « sans but ».
Baso répond : « Oui, c’est pour devenir bouddha. »
Nangaku ne dit rien, mais avisant une tuile à ses pieds, il la ramasse et commence à la frotter contre un gros rocher lisse. Il était en train de polir la tuile.
« Maître, que fais-tu ? » demande Baso.
« Je fais un miroir. »
A présent, Baso ne fait plus du tout zazen. Fixant son maître, il lui dit : « Comment peux-tu faire d’une tuile un miroir, simplement en la polissant ? »
Nangaku réplique alors : « Et toi, comment peux-tu devenir bouddha en faisant zazen ? »
Vous pouvez comprendre pourquoi ce mondo est devenu si célèbre. C’est parce qu’il touche directement et complètement à cette question de pratiquer avec un objet – pour quelque chose – ou de pratiquer pour rien.
Dans le zen Soto, nous ne pratiquons pas pour obtenir le satori, ou pour devenir bouddha, ou pour devenir pur, pas même pour progresser. D’ailleurs, l’un des principes fondamentaux de Dogen est que zazen lui-même est satori. Pas besoin de le chercher.