Nous lisons dans le prajnaparamitahridaya sutra : "Si l'on voit
que les cinq agrégats sont tous vides, on peut se délivrer de toutes
les souffrances." Les cinq agrégats sont : matière (corps),
impressions sensorielles, "concepts", formations mentales,
conscience. En somme corps pour le premier élément et esprit-coeur pour
les quatre autres. Quoique les êtres vivants soient originellement le
Substantiel nirvanique éternellement heureux, et le Corps d'Essence, ce Corps
de connaissance, renfermant la Sagesse, ils deviennent des ignorants qui errent
dans les trois mondes à cause de l'égarement de la matière et de l'esprit par
ces cinq agrégats.."
Tous les agrégats concernent les différentes couches qui voilent la
conscience, aussi pourrions les identifier comme le corps, les émotions, les
sentiments, les pensées avec leur réservoir inconscient, les concepts, lesquels
conditionnent également les perceptions de la réalité et enfin la conscience.
Tetsugen poursuit ensuite en précisant chacun des agrégats cités, pour en
montrer la vacuité. Nous verrons qu'au chapitre du cinquième agrégat
"conscience", la description est subtile et pertinente. Nous y
reviendrons...
DU PREMIER AGRÉGAT
La matière, c'est mon corps et tout ce qui a formes et couleurs ; le ciel,
la terre et les plantes de l'univers, tout cela est contenu dans la matière. Le
Surangama Sutra déclare : "Égarés par leur "moi" depuis un temps
sans commencement, tous les êtres vivants se prennent eux-mêmes pour des choses
et, perdant leur Esprit Foncier, ils se transforment (croient se
transformer) du fait des choses."
Cela signifie qu'on ne reconnaît pas que les dharma (lois) sont tous le
substantiel de l'Ainsité du Corps d'Essence, mais qu'au contraire on se méprend
sur eux en les considérant comme toutes les choses du ciel et de la terre et
qu'égaré par toutes les choses, autrement dit par le objets, l'esprit se
transforme et produit les diverses illusions. De plus, un ancien disait que le
Corps d'Essence se cachait sous l'écorce des formes. L'écorce de la forme
sensible, c'est notre corps. Quoique ce corps soit le Substantiel du Corps
d'Essence, vous ne savez pas qu'il est le Corps d'Essence, mais vous croyez
qu'il est à vous. Vous vous méprenez sur le Corps d'Essence comme s'il était
votre corps, et, égaré par votre corps, vous créez les souillures de la
concupiscence et de la colère et vous vous enfoncez profondément dans les
Mauvaises Voies. De plus, il y a deux sortes d'égarements que l'on commet en
prenant à tort le Tathagata (Ainsi venu, nom du Bouddha), en tant que Corps
d'Essence, pour toutes les choses qui nous entourent, ou pour notre corps.
L'un des ces égarements est le suivant : mon corps est composé provisoire de
quatre éléments : la terre, l'eau, le feu et le vent. La peau, la chair, les
muscles et les os etc de mon corps sont de la terre. Les larmes, la bave et le
sang sont de l'eau. Ce qui est chaud est le feu. Le souffle expiré et inspiré
et le mouvement sont du vent. En dehors de ces éléments, il n'y a rien dans mon
corps. Si ma vie se terminait en ce moment, et si la terre, l'eau le feu et le
vent qui sont dans mon corps retournaient à leur origine, je serais changé en
un simple squelette et je ne pourrais pas du tout compter sur mon corps. Ne
serait-il pas stupide et misérable de prendre ces vils ossements blanchis pour
mon corps et, conduit par ce crâne, de ne commettre que des actions dignes de
l'enfer pendant des milliers de renaissances et des myriades de kalpa (âges) pour
finir par tomber dans les trois Mauvaises Voies ? En général les hommes ne
savent pas que leur corps composé de terre, d'eau de feu et de vent est un
corps provisoire, mais ils croient que leur corps est à eux, dussent-ils vivre
dix millions d'années, et ils s'y attachent obstinément. C'est l'égarement des
ignorants.
Tetsugen passe ensuite en revu la compréhension progressive amenant à "la
matière est le vide et le vide est la matière". On ne peut y
comprendre quelque chose que si l'on prend conscience qu'en fait , considérer
la vacuité de la matière est en fait reconnaître le voile conceptuel dont nous
entourons la matière. Si nous séparons les objets, c'est parce que nous avons
appris à le faire. Notre conception des choses en tant qu'elles sont séparées
en est la source. Enlevant ce voile conceptuel, la matière se révèle comme
le Corps d'Essence, c'est-à-dire qu'il perd ses limites. On pourrait dire que
le château de sable, de tours et donjon n'est plus vu qu'en tant que sable.
Et Tetsugen de conclure :
Si l'on prend conscience que la terre, l'eau, le feu et le vent sont
originellement Bouddha, non seulement mon corps est originellement le Corps
d'Essence, mais même le ciel, la terre, l'espace et tout l'univers sont tous
les Substantiel merveilleux du Corps d'Essence.(...)Si j'obtiens
l'illumination, je vois que le corps, tout en étant mon corps, était à
l'origine du Substantiel du Corps d'Essence, qui n'a pas eu de naissance.
Puisqu'il n'a pas eu de naissance, il n'a pas connu de mort. C'est ce qu'on
appelle "non-naissance et non-destruction" ou le "Bouddha de la
vie infinie".(...) Et aussi :"Les dharmas reposent dans l'Ainsité et
l'aspect du monde est permanent." Tout cela indique que l'illumination a
été réalisée. Réalisez cette illumination par la méditation assise ardente et
harmonisez-vous au Substantiel du véritable Corps d'Essence en vous délivrant
de l'égarement de l'agrégat de la matière.
sermon de Tetsugen