Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    Nouveau texte de Brad Warner

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    Message par Yudo, maître zen Lun 14 Juil 2014 - 9:01

    Se concentrer sur le Vide et les Apatosaures

    Publié par Brad le 13 juillet 2014 (Focusing on Nothingness and Apatosauruses)
    Nouveau texte de Brad Warner Ray-harryhausen-brontesauru

    Voici une variation sur la question qu'on me pose le plus souvent. Elle est assez bonne, j'y réponds donc sur le blog:

    "Quand on est assis en zazen, si des pensées nous viennent et qu'on se met à se concentrer dessus au lieu de le faire sur le 'vide', comment doit-on faire? Laissez-bvous les pensées prendre forme entièrement, ou les repoussez-vous avant qu'elles ne puissent devenir concrètes? Qu'est-ce qui est le plus important: se focaliser sur elles ou  les repousser rapidement?"

    Le problème, ici, est le même pour tous ceux qui ont jamais pratiqué la méditation tout au long de l'histoire. Cette personne compare son état en zazen avec l'image de l'état tel qu'elle pense qu'il devrait être, et elle pense que son état réel n'est pas à la hauteur de son idéal.

    Notre état réel ne sera jamais à la hauteur de notre idéal.

    Telle est la nature des états idéalisés. C'est un truc que peut faire notre cerveau. Il a une grande valeur pratique. Nos ancêtres considéraient leurs efforts pour tuer des apatosaures en leur tirant des cailloux. Ils se sont rendu compte que cela ne marchait pas et ont imaginé un état idéal où les apatosaures pourraient être tués plus rapidement et moins péniblement. Ils ont imaginé une arme idéale pour tuer les apatosaures, peut-être des cailloux pointus attachés à de grands bâtons. Et c'est ainsi qu'est apparue la lance, et qu'on a pu tuer des apatosaures avec suffisamment de facilité pour que la tribu toute entière puisse festoyer pendant des mois avec des apatosaure-burgers. Yay!*

    Les méditants ont tous le même problème qui est de comparer leur état méditatif réel à leur état méditatif idéal. Ils trouvent parfois des solutions habiles pour se donner l'impression que cet état idéalisé se réalise vraiment. Ils inventent des mots à se répéter, ou allument des bougies pour les regarder fixement, ou réfléchissent à des questions bizarres, ou concentrent leur mental tout entier sur leur plexus solaire, ou enregistrent des sons hallucinés pour les écouter, ou portent des lunettes noires idiotes avec des lumières colorées... Il y a des milliers de variations.

    Toutes font la même chose. Elles amènent certaines personnes à avoir l'impression qu'elles sont un peu plus près de leur "état méditatif" idéal en faisant croire temporairement à leur mental qu'il a atteint son but. Mais que se passe-t-il lorsqu'on a atteint un but? Ce processus de création d'idéaux revient en force et crée une vision d'un état encore meilleur auquel il voudrait accéder. Et vous voilà de retour à la case départ.

    Ce que nous tentons de faire dans la pratique du Zen est totalement différent. Nishijima rôshi parlait de "dimensionnellement différent" pour souligner à quel point c'est différent. C'est si différent que cela pourrait bien être dans une dimension de la réalité totalement autre.

    On se contente de s'asseoir avec quoi que ce soit qui surgit. Que cela corresponde ou pas à votre vision idéale de ce que devrait être ou pas être la médiation est sans intérêt. Contentez-vous de vous asseoir avec ce que vous êtes à ce moment-là. Si ce sont des tas de pensées qui prennent forme et qui se concrétisent, alors c'est ce que vous aurez pour ce jour-là. Asseyez-vous avec.

    De toute façon, les pensées ne prennent jamais forme et ne se concrétisent jamais. Cela aussi est une illusion. C'est toujours un processus en cours.

    Ce que je fais lorsque ce genre de chose se produit, c'est d'ajuster ma posture. En 30 ans, je n'ai jamais eu le moindre incident dans lequel je me retrouvais trop engoncé dans les trucs dans ma tête où ma posture n'était pas au moins un petit peu de travers. Redressez-vous, laissez retomber vos épaules, voyez si votre cou penche en avant ou en arrière. Balancez-vous et retrouvez votre point d'équilibre si besoin. Et reprenez.

    Il n'y a aucun besoin de se concentrer sur le "vide". Il n'y a aucun besoin de faire de votre esprit une feuille totalement blanche. Kôdô Sawaki disait que le seul moment où votre esprit est totalement vide, c'est quand vous êtes mort. Il n'y a aucun besoin de pourchasser un état idéal et parfait de zazen parce que cet état parfait n'est qu'une autre pensée inutile qu'a créée votre cerveau. N'y accordez pas plus d'attention que vous ne le feriez à n'importe quelle autre pensée aléatoire.


    * Je suis au courant que le dernier apatosaure est mort il y a environ 100 million d'années avant la naissance du premier humain. N'est-ce pas???
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    Message par Fenrir Lun 14 Juil 2014 - 14:46

    D'un autre coté, si zazen consiste à s'asseoir et à penser exactement de la même façon qu'avant d'être assis en zazen, ce n'est peut-être plus une pratique très profitable. Ce texte est très intéressant et utile parce qu'il répond bien à certains formes d'angoisses qu'on peut avoir en zazen, mais il me semble qu'un minimum d'efforts est à fournir sur la concentration, quitte à ne pas le faire quand cela semble impossible.

    Paradoxalement, le laisser aller demande beaucoup de fermeté.
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    Message par Kaïkan Lun 14 Juil 2014 - 16:49


    Brad Warner a écrit:"Quand on est assis en zazen, si des pensées nous viennent et qu'on se met à se concentrer dessus au lieu de le faire sur le 'vide', comment doit-on faire? Laissez-vous les pensées prendre forme entièrement, ou les repoussez-vous avant qu'elles ne puissent devenir concrètes? Qu'est-ce qui est le plus important: se focaliser sur elles ou  les repousser rapidement?"

    La question  véritable est : « comment fait-on au sujet des pensées pendant zazen »

    Fenrir répond : « D'un autre coté, si zazen consiste à s'asseoir et à penser exactement de la même façon qu'avant d'être assis en zazen, ce n'est peut-être plus une pratique très profitable. »

    Il a parfaitement raison car il faut penser à ne pas penser (comme on le fait d'habitude). C'est-à-dire qu'il faudrait d'abord interrompre le dialogue intérieur. Si on s'asseoit pour entretenir nos petits soucis ce n'est pas pratiquer zazen mais réfléchir à ses propres problèmes et entretenir des pensées ordinaires.

    Soyons clairs : on pense tout le temps. Même quand on se concentre sur le vide, on pense à un concept dénommé vide. Il y a donc une tendance à ce que le mental se saisisse de tout et ce n'est pas une bonne idée que de le laisser faire n'importe quoi à sa guise. Le mental doit avoir une occupation, et il faut l'utiliser pour que en premier lieu il s'occupe des points importants de la posture et de la respiration. Il faut donc toujours ramener le mental sur le corps et le souffle car il s'égare sans cesse vers d'autres sujets de pensée et on se retrouve avec une posture de travers.
    Cette observation persistante du mental et l'effort patient de le ramener dans la concentration est l'occupation du pratiquant de zazen. C'est là qu'on peut voir qu'il n'y a pas simplement "ne rien faire" , mais qu'on est très occupé et qu'on ne s'ennuie pas.
    Avec l'expérience, le mental apprend à se concentrer et parfois il y a apparition de moments d'absence de pensées (fushiryo), cela ne dure pas bien sûr mais ces espaces un peu vides font des coupures reposantes et on voit s'installer une alternance de pensées et de non-pensées, c'est cela hishiryo → la conscience au-delà de pensée et non-pensée.
    Dire que tout vient tout seul sans aucun effort c'est tromper les gens car l'effort shojin est l'un des points primordiaux de la pratique.  Rien n'est acquis et tous les moines ont pratiqué zazen toute leur vie quotidiennement.
    Maintenant il est vrai que lorsqu'on débute on fait beaucoup d'efforts inutiles et qu'avec le temps on acquiert de la certitude et une façon d'être plus naturelle.


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    Message par Zenoob Lun 14 Juil 2014 - 17:47

    La question est de savoir ce qu'est cet effort et où le placer, peut être ?

    Difficile à dire. On ne peut jamais trop savoir où on en est. Pour ma part j'ai constaté une évolution dans la pratique. Jusqu'à il y a peu je me concentrais sur mon souffle, ou sur la posture, ou sur quelque chose, dès que je me rendais compte que j'étais en train de penser. Mais maintenant je me rends compte qu'en fait, il n'y a rien besoin de forcer : zazen fait que, naturellement, on revient toujours à l'assise, sans avoir à rien faire de spécial. Il y a toujours un moment où on se rend compte qu'on est pris dans un train de pensées. Alors il suffit d'arrêter, ce qui est totalement différent que de penser "j'arrête". On arrête, tout simplement. On lâche tout. Et le cycle recommence. Au début, on croit qu'on doit se forcer à ne pas penser ou se concentrer très fort pour ne pas penser. Alors qu'en fait le "vide" se fait beaucoup mieux lorsqu'il n'y a pas d'effort.

    Evidemment, le truc, c'est qu'il est impossible de savoir si la phase de "concentration" pour apprendre la posture etc. est nécessaire pour connaître cette capacité de reconnaissance et d'arrêt du train de pensées... Je pense que oui, car je n'ai pas toujours été capable d'arrêter un train de pensées aussi facilement que maintenant. Donc il y a peut être de l'entraînement ou quelque chose de ce genre là qui joue, quand même.

    Pour moi, l'effort, c'est s'asseoir en zazen jour après jour. Pendant zazen, moins il y a d'effort, mieux c'est. Evidemment, tout dépend de ce qu'on met derrière ce mot "effort"...
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    Message par Kaïkan Lun 14 Juil 2014 - 18:54


    Bien sûr il faut comprendre ce qu'on entend par effort.
    C'est pour cette raison qu'on dit effort juste ou correct.
    (Pali : viriya) en japonais shojin
    sammā-vāyāma en sanskrit sammã = juste et vayama = "effort", persévérance, "diligence", "zèle" et "énergie". Dans le bouddhisme, il se réfère aussi à la pratique de cultiver la persévérance. Dans sa forme la plus achevée, la pratique correspond à une des six Perfections (paramitas)  : la Perfection de persévérer.

    Le chemin se fait pas à pas, il faut beaucoup de gouttes d'eau pour remplir seulement un verre.
    viriya → l'effort, cela n’a rien à voir avec une forme de tension physique ou mentale, comme l’inclut la définition habituelle du mot « effort ». C’est beaucoup plus subtil. Ce type d’effort, « juste » et sans forcer, vient de « vīriya » en pali. Cet « effort juste » se définit plutôt par une application soutenue de l’esprit.
    On peut dire aussi qu'il y a un "évitement" répété de façon continue à laisser l’esprit suivre ses tendances naturelles qui vont vers l’attachement, le rejet et la confusion. Ce qui permet de développer peu à peu la tranquillité intérieure et une vision juste de la réalité. Avec l’habitude, cela devient un réflexe naturel. C’est pourquoi plus on médite et plus cela devient aisé.
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    Message par Zenoob Lun 14 Juil 2014 - 23:41

    Merci beaucoup pour toutes ces précisions !
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    Message par zanshin Mar 15 Juil 2014 - 8:47

    tao 

    Oui, merci pour ces clarifications  bravo 

       Salut-zen 

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