Le Dhamma de la Forêt
Le Bouddha, c’est l’Esprit
Ajahn Dune Atulo
Traduit par Jeanne Schut
http://www.dhammadelaforet.org/
Les enseignements qui suivent sont extraits du livre « Atulo », écrit par le Vénérable Bodhinandamuni, l’un des plus fidèles disciples d’Ajahn Dune. Ce grand maître, lui-même disciple d’Ajahn Mun, n’a jamais rien écrit, parlait peu et aucun de ses discours n’a été enregistré. Sa méthode d’enseignement était directe, sans détour et le plus souvent orientée vers la vérité ultime, sans fioriture.
Le mot pāli « citta » a été maintenu tout au long du texte car son sens, tel que décrit par Ajahn Dune, est très vaste. Par souci de clarté et de simplification, nous l’avons parfois traduit par le mot « Esprit », comme dans le titre.
Le Bouddha, c’est l’Esprit
Tous les Etres éveillés et tous les êtres qui peuplent ce monde ne sont rien d’autre que le citta, l’Esprit unique. Absolument rien n’existe en dehors du citta. Le citta unique, libre du « moi » conventionnel, n’a jamais été créé et ne pourra jamais être détruit. Il n’a pas de couleur, pas de forme ni d’apparence. Il n’est pas à l’intérieur des choses qui existent ni des choses qui n’existent pas. On ne peut pas supposer qu’il soit récent ou ancien, long ou court, grand ou petit, parce qu’il est au-delà de toute limite, au-delà de toute mesure, au-delà des étiquettes. Il ne laisse aucune trace et ne peut se comparer à rien.
Le citta unique est juste sous nos yeux mais faire usage de la raison pour le concevoir comme un objet ou comme un « moi » est impossible. Essayez et vous verrez ! On tombe aussitôt dans l’erreur. C’est comme un grand vide : il est sans limite et on ne peut ni le concevoir ni le mesurer.
Ce citta unique, voilà ce qu’est le Bouddha ; rien de plus. Il n’y a aucune différence entre le Bouddha et tous les autres êtres, sauf que les autres s’attachent à toutes sortes de choses dans le monde ; ils vont même chercher Buddha bhava, « la nature de Bouddha », en dehors d’eux-mêmes. C’est justement cette quête à l’extérieur qui les empêche de voir la nature de Bouddha. C’est comme utiliser le Bouddha pour trouver le Bouddha ou utiliser l’esprit pour trouver l’esprit. Ils pourront y mettre toute leur énergie pendant des siècles et des siècles, ils ne réaliseront jamais la nature de Bouddha.
Ce qu’ils ne savent pas, c’est que, s’ils cessent de penser et d’imaginer, s’ils mettent fin à la confusion mentale liée à cette quête, « le Bouddha » apparaîtra sous leurs yeux parce que le citta, l’Esprit lui-même, est le Bouddha.
Le Bouddha est simplement tous les êtres vivants. Quand quelqu’un découvre cela, ce n’est pas une mince affaire et quand un Bouddha le voit, ce n’est rien de spécial. Si nous pratiquons les Dix Perfections (paramitta) ou l’une des nombreuses façons d’acquérir des mérites, même au point d’avoir autant de mérites qu’il y a de grains de sable au fond du Gange, nous devons tenir compte de ces choses-là. Si, dans tous nos actes, nous sommes fermement établis dans la Vérité, cela signifie que notre esprit est le citta unique et que, déjà, nous ne faisons qu’un avec tous les Etres éveillés. Nous ne devons pas essayer d’ajouter quoi que ce soit à cela au travers de pratiques qui n’ont aucun sens car tout est déjà là. Si l’occasion se présente, faites ces praiques mais, ensuite, contentez-vous « d’être ».
Si vous ne voyez pas encore clairement et sans le moindre doute, que le citta, cet Esprit unique, est synonyme de « Bouddha », si vous restez attaché aux formes, aux rituels et aux coutumes consistant à accumuler des mérites, c’est que votre vision des choses est encore erronée ; elle n’est pas en accord avec la Voie.
L’Esprit unique, voilà ce qu’est le Bouddha. Il n’existe aucun autre Bouddha, nulle part ; il n’existe aucun autre Esprit, nulle part. Il est aussi lumineux et parfait que le vide ; il n’a aucune forme, aucune apparence. Si nous n’utilisons notre esprit que pour imaginer et rêver, c’est comme jeter aux ordures ce qui a du sens pour nous attacher aux formes, lesquelles ne sont qu’extérieures. Le Bouddha qui est au-delà du temps n’est pas le Bouddha auquel nous sommes attachés.
Quand on pratique les Six Perfections (générosité, vertu, patience, effort, attention et sagesse) ainsi que toutes les autres méthodes similaires pour devenir un Bouddha, on avance petit à petit. Mais ce n’est pas là que se trouve le Bouddha éternel dont je parle. Atteindre l’état de Bouddha ne s’obtient pas à travers ces pratiques ou méthodes mais en s’éveillant et en ouvrant nos yeux au citta unique. Il n’y a rien à atteindre. Voilà le véritable Bouddha. Ce citta contient à lui seul le Bouddha et toute chose – tout est là. Il n’existe rien en dehors de cela.
Le citta est comme la vacuité : en lui il n’y a ni confusion ni mal. C’est comme lorsque le soleil traverse le vide de l’espace : ses rayons et sa lumière emplissent tous les recoins de la terre parce que, quand le soleil se lève, il illumine toute la terre de manière égale. Le vide ne devient pas plus lumineux et, quand le soleil se couche, le vide ne s’assombrit pas. Lumière et ombre sont interchangeables. La nature du vide ne change jamais.
Le citta, qui est Bouddha et tous les êtres du monde, est ainsi. Si nous considérons le Bouddha comme celui qui a apporté pureté et connaissance, ou si nous considérons les êtres humains comme étant stupides, aveugles et perdus, ces sentiments et ces idées sont le résultat de nos pensées et de notre saisie des apparences. Cette façon de voir nous empêche de réaliser la Vérité ultime. Même si nous pratiquions pendant autant de siècles qu’il y a de grains de sable au fond du Ganges, il ne resterait que le citta, cet Esprit unique. Il n’y aurait rien d’autre, pas même la présence d’un seul atome, parce que le citta est Bouddha.
Si nous, qui sommes des étudiants sur la Voie, n’ouvrons pas les yeux à ce qui est l’essence, le citta, nos idées et nos pensées nous dissimuleront ce citta. Nous rechercherons le Bouddha à l’extérieur et resterons attachés à toutes les apparences, tout en pratiquant aveuglément des rituels pour acquérir des mérites et autres choses de ce genre. Tout cela est dangereux et ne mène aucunement à la connaissance la plus élevée. L’essence de la Vérité ultime est comme du bois ou de la pierre : à l’intérieur, rien ne bouge et, à l’extérieur, c’est le vide illimité, sans barrières. Il ne s’agit ni d’un phénomène mental ni d’un phénomène physique. Le citta ne se pose nulle part, il n’a pas de forme et il ne peut pas disparaître.
Le citta n’est pas l’esprit créé par les pensées. Il est totalement différent ; il n’a aucun lien avec les objets du monde physique. C’est vrai pour tous les Etres éveillés et pour tous les êtres du monde. Tout ce qu’il y a à faire, c’est se libérer des pensées et des opinions et tous nos buts seront atteints ! Le véritable principe du Dhamma est le citta, l’Esprit unique ; tout ce qui lui est extérieur n’est absolument pas un principe du Dhamma. Le citta est le principe du Dhamma ; en dehors de cela, ce n’est pas le citta. Le citta seul n’est pas le citta et, de toute manière, il n’est pas – pas le citta. Si je dis : « Le citta n’est pas le citta », c’est parce que certaines choses, bien qu’elles existent, sont impossibles à exprimer avec le langage conventionnel. Il faut donc complètement cesser de penser et d’expliquer. Quand il n’y aura plus de mots, le citta se révèlera, absolument pur.
Le citta est la pure origine du Bouddha (buddhayoni) qui est présent en chacun de nous. Les êtres qui ont des émotions, des pensées et des mouvements, ou bien les Bouddhas et Boddhisattvas, sont tous de la même nature, pas différents les uns des autres. Toutes les différences apparaissent seulement dans nos pensées, ce qui nous conduit à créer à l’infini du karma en tout genre.
Selon la Vérité ultime, notre nature originelle de Bouddha n’a absolument rien à voir avec un soi personnel, pas même dans un seul atome de notre être. Il s’agit du vide qui emplit tout, qui est calme, paisible et intouché. C’est la paix, la tranquillité lumineuse et cachée, et la cessation de toutes choses. On atteint cela en profondeur en y ouvrant les yeux. C’est juste sous nos yeux, absolument complet et parfait. Il n’y a rien en dehors de cela.
Le citta est Bouddha, l’ultime, et tout est inclus dans cette unité, depuis les êtres éveillés au niveau le plus haut jusqu’aux êtres les plus rudimentaires comme les insectes et les créatures rampantes. Tous ont une part égale dans cette existence en Bouddha ; tout est de la même essence que Bouddha. Si seulement nous réussissons à comprendre notre cœur et puis à entrer en contact avec notre véritable nature grâce à cette compréhension, nous n’aurons plus le moindre doute et nous cesserons de chercher.
Si nous atteignons une véritable tranquillité de l’esprit, sans penser ni imaginer quoi que ce soit – car pensée et imagination sont des mouvements du citta – notre véritable nature nous apparaîtra comme étant vacuité. Nous verrons alors qu’elle est libre de toutes formes, qu’elle n’occupe aucun espace, qu’elle n’a pas le moindre atome en elle. On ne peut la catégoriser en disant qu’elle existe ou qu’elle n’existe pas parce qu’elle est inconnaissable par les sens.
Ce citta, qui est notre véritable nature originelle, est la source de notre être. Nul ne l’a créé et nul ne peut le détruire. Dans nos relations avec les différentes choses qui nous entourent, nous observons des changements dans leur aspect et nous les considérons comme des « objets ». Pour simplifier les choses, nous évoquons parfois le citta comme s’il était un « état » d’attention et de sagesse (sati-paññā) ; mais quand le citta n’est pas en train de réagir à des stimuli extérieurs, et en l’absence de l’attention et de la sagesse pour reconnaître ou créer, le citta n’est pas quelque chose dont on peut parler ou que l’on peut considérer comme existant ou non-existant. Même quand il est en train de créer au travers de la raison, c’est encore quelque chose dont nous ne pouvons pas être conscients au moyen de nos sens (vue, ouïe, goût, odorat, toucher ou mental). Si cette vérité est claire pour nous, nous pouvons atteindre le calme dans la vacuité. Nous qui voyageons sur cette route suivie par tous les Etres éveillés, nous devons nous efforcer de faire en sorte que le citta soit immobile et silencieux dans la vacuité absolue.
Les cinq éléments de base (sensation, perception, formations mentales, intention et contact) qui, ensemble, constituent la conscience (viññana) sont absolument vides. Les quatre éléments de base (terre, eau, feu et air) qui constituent le corps physique (rupa-kaya) n’ont rien de personnel, rien appartenant à un « moi ». Le véritable citta n’a pas de forme, il ne va nulle part et ne vient de nulle part. Cette authentique nature originelle est quelque chose qui n’a pas été créé et qui ne meurt pas au moment de la mort. Elle est un Tout, libre de tout mouvement en son cœur véritable.
Notre citta et tout ce qui nous entoure ne sont qu’une seule et même chose. Si nous comprenons vraiment cela, nous obtiendrons la connaissance et la vision claire de ce qui est en un éclair et, par la suite, nous ne nous préoccuperons plus jamais des trois mondes (Tiloka). Nous serons au-dessus des choses de ce monde, complètement libérés de ce qui cause la renaissance. Nous « serons », tout simplement ; libres de toutes les influences qui engendrent la naissance. Nous atteindrons un état qui est au-delà de toute possibilité de création de kamma. Telle est la base du Dhamma.
L’Eveil total (sammasambodhi), c’est voir véritablement ; il n’y a rien qui ne soit vanité (mogha). Si nous comprenons cette vérité, toutes les illusions ne signifieront rien pour nous. La sagesse, c’est connaître avec clarté ; connaître clairement le citta original sans forme. Si nous comprenons qu’aussi bien celui qui agit que ce sur quoi il agit ne sont que le citta et des objets, et ne font qu’un, nous serons amenés à comprendre la vérité cachée au-delà des mots. C’est cette compréhension qui nous permet d’ouvrir les yeux à la Vérité ultime qui est en nous.
La Vérité ultime en nous ne disparaît pas – même quand nous sommes dans l’obscurité et l’ignorance – pour revenir quand nous atteignons l’Eveil. Elle est tathada, telle quelle, ce qui est. En cela, il n’y a aucune ignorance, aucune Vision Juste, seulement la vacuité qui est la véritable essence du citta unique.
Comment se fait-il que les différents objets que crée le citta, aussi bien objets physiques que mentaux, soient extérieurs à cette vacuité ? Selon les principes de la Vérité, la vacuité est vide de tout ce qui occupe de l’espace, de toutes les illusions, libre des pollutions mentales, du kamma, de l’ignorance, et libre de toute Vision Juste. Nous devons comprendre que, sur le plan ultime, rien n’existe. Il n’y a pas d’êtres humains, il n’y a pas d’Etres éveillés, parce que cette vacuité est vide et la plus infime particule visible ou imaginable ne peut y occuper la moindre place. Cette vacuité ne dépend de rien, n’est reliée à rien. Elle est beauté parfaite, totale ; c’est l’ultime et l’incréé. C’est un bijou inestimable.
http://www.dhammadelaforet.org/
avec metta
gigi
Le Bouddha, c’est l’Esprit
Ajahn Dune Atulo
Traduit par Jeanne Schut
http://www.dhammadelaforet.org/
Les enseignements qui suivent sont extraits du livre « Atulo », écrit par le Vénérable Bodhinandamuni, l’un des plus fidèles disciples d’Ajahn Dune. Ce grand maître, lui-même disciple d’Ajahn Mun, n’a jamais rien écrit, parlait peu et aucun de ses discours n’a été enregistré. Sa méthode d’enseignement était directe, sans détour et le plus souvent orientée vers la vérité ultime, sans fioriture.
Le mot pāli « citta » a été maintenu tout au long du texte car son sens, tel que décrit par Ajahn Dune, est très vaste. Par souci de clarté et de simplification, nous l’avons parfois traduit par le mot « Esprit », comme dans le titre.
Le Bouddha, c’est l’Esprit
Tous les Etres éveillés et tous les êtres qui peuplent ce monde ne sont rien d’autre que le citta, l’Esprit unique. Absolument rien n’existe en dehors du citta. Le citta unique, libre du « moi » conventionnel, n’a jamais été créé et ne pourra jamais être détruit. Il n’a pas de couleur, pas de forme ni d’apparence. Il n’est pas à l’intérieur des choses qui existent ni des choses qui n’existent pas. On ne peut pas supposer qu’il soit récent ou ancien, long ou court, grand ou petit, parce qu’il est au-delà de toute limite, au-delà de toute mesure, au-delà des étiquettes. Il ne laisse aucune trace et ne peut se comparer à rien.
Le citta unique est juste sous nos yeux mais faire usage de la raison pour le concevoir comme un objet ou comme un « moi » est impossible. Essayez et vous verrez ! On tombe aussitôt dans l’erreur. C’est comme un grand vide : il est sans limite et on ne peut ni le concevoir ni le mesurer.
Ce citta unique, voilà ce qu’est le Bouddha ; rien de plus. Il n’y a aucune différence entre le Bouddha et tous les autres êtres, sauf que les autres s’attachent à toutes sortes de choses dans le monde ; ils vont même chercher Buddha bhava, « la nature de Bouddha », en dehors d’eux-mêmes. C’est justement cette quête à l’extérieur qui les empêche de voir la nature de Bouddha. C’est comme utiliser le Bouddha pour trouver le Bouddha ou utiliser l’esprit pour trouver l’esprit. Ils pourront y mettre toute leur énergie pendant des siècles et des siècles, ils ne réaliseront jamais la nature de Bouddha.
Ce qu’ils ne savent pas, c’est que, s’ils cessent de penser et d’imaginer, s’ils mettent fin à la confusion mentale liée à cette quête, « le Bouddha » apparaîtra sous leurs yeux parce que le citta, l’Esprit lui-même, est le Bouddha.
Le Bouddha est simplement tous les êtres vivants. Quand quelqu’un découvre cela, ce n’est pas une mince affaire et quand un Bouddha le voit, ce n’est rien de spécial. Si nous pratiquons les Dix Perfections (paramitta) ou l’une des nombreuses façons d’acquérir des mérites, même au point d’avoir autant de mérites qu’il y a de grains de sable au fond du Gange, nous devons tenir compte de ces choses-là. Si, dans tous nos actes, nous sommes fermement établis dans la Vérité, cela signifie que notre esprit est le citta unique et que, déjà, nous ne faisons qu’un avec tous les Etres éveillés. Nous ne devons pas essayer d’ajouter quoi que ce soit à cela au travers de pratiques qui n’ont aucun sens car tout est déjà là. Si l’occasion se présente, faites ces praiques mais, ensuite, contentez-vous « d’être ».
Si vous ne voyez pas encore clairement et sans le moindre doute, que le citta, cet Esprit unique, est synonyme de « Bouddha », si vous restez attaché aux formes, aux rituels et aux coutumes consistant à accumuler des mérites, c’est que votre vision des choses est encore erronée ; elle n’est pas en accord avec la Voie.
L’Esprit unique, voilà ce qu’est le Bouddha. Il n’existe aucun autre Bouddha, nulle part ; il n’existe aucun autre Esprit, nulle part. Il est aussi lumineux et parfait que le vide ; il n’a aucune forme, aucune apparence. Si nous n’utilisons notre esprit que pour imaginer et rêver, c’est comme jeter aux ordures ce qui a du sens pour nous attacher aux formes, lesquelles ne sont qu’extérieures. Le Bouddha qui est au-delà du temps n’est pas le Bouddha auquel nous sommes attachés.
Quand on pratique les Six Perfections (générosité, vertu, patience, effort, attention et sagesse) ainsi que toutes les autres méthodes similaires pour devenir un Bouddha, on avance petit à petit. Mais ce n’est pas là que se trouve le Bouddha éternel dont je parle. Atteindre l’état de Bouddha ne s’obtient pas à travers ces pratiques ou méthodes mais en s’éveillant et en ouvrant nos yeux au citta unique. Il n’y a rien à atteindre. Voilà le véritable Bouddha. Ce citta contient à lui seul le Bouddha et toute chose – tout est là. Il n’existe rien en dehors de cela.
Le citta est comme la vacuité : en lui il n’y a ni confusion ni mal. C’est comme lorsque le soleil traverse le vide de l’espace : ses rayons et sa lumière emplissent tous les recoins de la terre parce que, quand le soleil se lève, il illumine toute la terre de manière égale. Le vide ne devient pas plus lumineux et, quand le soleil se couche, le vide ne s’assombrit pas. Lumière et ombre sont interchangeables. La nature du vide ne change jamais.
Le citta, qui est Bouddha et tous les êtres du monde, est ainsi. Si nous considérons le Bouddha comme celui qui a apporté pureté et connaissance, ou si nous considérons les êtres humains comme étant stupides, aveugles et perdus, ces sentiments et ces idées sont le résultat de nos pensées et de notre saisie des apparences. Cette façon de voir nous empêche de réaliser la Vérité ultime. Même si nous pratiquions pendant autant de siècles qu’il y a de grains de sable au fond du Ganges, il ne resterait que le citta, cet Esprit unique. Il n’y aurait rien d’autre, pas même la présence d’un seul atome, parce que le citta est Bouddha.
Si nous, qui sommes des étudiants sur la Voie, n’ouvrons pas les yeux à ce qui est l’essence, le citta, nos idées et nos pensées nous dissimuleront ce citta. Nous rechercherons le Bouddha à l’extérieur et resterons attachés à toutes les apparences, tout en pratiquant aveuglément des rituels pour acquérir des mérites et autres choses de ce genre. Tout cela est dangereux et ne mène aucunement à la connaissance la plus élevée. L’essence de la Vérité ultime est comme du bois ou de la pierre : à l’intérieur, rien ne bouge et, à l’extérieur, c’est le vide illimité, sans barrières. Il ne s’agit ni d’un phénomène mental ni d’un phénomène physique. Le citta ne se pose nulle part, il n’a pas de forme et il ne peut pas disparaître.
Le citta n’est pas l’esprit créé par les pensées. Il est totalement différent ; il n’a aucun lien avec les objets du monde physique. C’est vrai pour tous les Etres éveillés et pour tous les êtres du monde. Tout ce qu’il y a à faire, c’est se libérer des pensées et des opinions et tous nos buts seront atteints ! Le véritable principe du Dhamma est le citta, l’Esprit unique ; tout ce qui lui est extérieur n’est absolument pas un principe du Dhamma. Le citta est le principe du Dhamma ; en dehors de cela, ce n’est pas le citta. Le citta seul n’est pas le citta et, de toute manière, il n’est pas – pas le citta. Si je dis : « Le citta n’est pas le citta », c’est parce que certaines choses, bien qu’elles existent, sont impossibles à exprimer avec le langage conventionnel. Il faut donc complètement cesser de penser et d’expliquer. Quand il n’y aura plus de mots, le citta se révèlera, absolument pur.
Le citta est la pure origine du Bouddha (buddhayoni) qui est présent en chacun de nous. Les êtres qui ont des émotions, des pensées et des mouvements, ou bien les Bouddhas et Boddhisattvas, sont tous de la même nature, pas différents les uns des autres. Toutes les différences apparaissent seulement dans nos pensées, ce qui nous conduit à créer à l’infini du karma en tout genre.
Selon la Vérité ultime, notre nature originelle de Bouddha n’a absolument rien à voir avec un soi personnel, pas même dans un seul atome de notre être. Il s’agit du vide qui emplit tout, qui est calme, paisible et intouché. C’est la paix, la tranquillité lumineuse et cachée, et la cessation de toutes choses. On atteint cela en profondeur en y ouvrant les yeux. C’est juste sous nos yeux, absolument complet et parfait. Il n’y a rien en dehors de cela.
Le citta est Bouddha, l’ultime, et tout est inclus dans cette unité, depuis les êtres éveillés au niveau le plus haut jusqu’aux êtres les plus rudimentaires comme les insectes et les créatures rampantes. Tous ont une part égale dans cette existence en Bouddha ; tout est de la même essence que Bouddha. Si seulement nous réussissons à comprendre notre cœur et puis à entrer en contact avec notre véritable nature grâce à cette compréhension, nous n’aurons plus le moindre doute et nous cesserons de chercher.
Si nous atteignons une véritable tranquillité de l’esprit, sans penser ni imaginer quoi que ce soit – car pensée et imagination sont des mouvements du citta – notre véritable nature nous apparaîtra comme étant vacuité. Nous verrons alors qu’elle est libre de toutes formes, qu’elle n’occupe aucun espace, qu’elle n’a pas le moindre atome en elle. On ne peut la catégoriser en disant qu’elle existe ou qu’elle n’existe pas parce qu’elle est inconnaissable par les sens.
Ce citta, qui est notre véritable nature originelle, est la source de notre être. Nul ne l’a créé et nul ne peut le détruire. Dans nos relations avec les différentes choses qui nous entourent, nous observons des changements dans leur aspect et nous les considérons comme des « objets ». Pour simplifier les choses, nous évoquons parfois le citta comme s’il était un « état » d’attention et de sagesse (sati-paññā) ; mais quand le citta n’est pas en train de réagir à des stimuli extérieurs, et en l’absence de l’attention et de la sagesse pour reconnaître ou créer, le citta n’est pas quelque chose dont on peut parler ou que l’on peut considérer comme existant ou non-existant. Même quand il est en train de créer au travers de la raison, c’est encore quelque chose dont nous ne pouvons pas être conscients au moyen de nos sens (vue, ouïe, goût, odorat, toucher ou mental). Si cette vérité est claire pour nous, nous pouvons atteindre le calme dans la vacuité. Nous qui voyageons sur cette route suivie par tous les Etres éveillés, nous devons nous efforcer de faire en sorte que le citta soit immobile et silencieux dans la vacuité absolue.
Les cinq éléments de base (sensation, perception, formations mentales, intention et contact) qui, ensemble, constituent la conscience (viññana) sont absolument vides. Les quatre éléments de base (terre, eau, feu et air) qui constituent le corps physique (rupa-kaya) n’ont rien de personnel, rien appartenant à un « moi ». Le véritable citta n’a pas de forme, il ne va nulle part et ne vient de nulle part. Cette authentique nature originelle est quelque chose qui n’a pas été créé et qui ne meurt pas au moment de la mort. Elle est un Tout, libre de tout mouvement en son cœur véritable.
Notre citta et tout ce qui nous entoure ne sont qu’une seule et même chose. Si nous comprenons vraiment cela, nous obtiendrons la connaissance et la vision claire de ce qui est en un éclair et, par la suite, nous ne nous préoccuperons plus jamais des trois mondes (Tiloka). Nous serons au-dessus des choses de ce monde, complètement libérés de ce qui cause la renaissance. Nous « serons », tout simplement ; libres de toutes les influences qui engendrent la naissance. Nous atteindrons un état qui est au-delà de toute possibilité de création de kamma. Telle est la base du Dhamma.
L’Eveil total (sammasambodhi), c’est voir véritablement ; il n’y a rien qui ne soit vanité (mogha). Si nous comprenons cette vérité, toutes les illusions ne signifieront rien pour nous. La sagesse, c’est connaître avec clarté ; connaître clairement le citta original sans forme. Si nous comprenons qu’aussi bien celui qui agit que ce sur quoi il agit ne sont que le citta et des objets, et ne font qu’un, nous serons amenés à comprendre la vérité cachée au-delà des mots. C’est cette compréhension qui nous permet d’ouvrir les yeux à la Vérité ultime qui est en nous.
La Vérité ultime en nous ne disparaît pas – même quand nous sommes dans l’obscurité et l’ignorance – pour revenir quand nous atteignons l’Eveil. Elle est tathada, telle quelle, ce qui est. En cela, il n’y a aucune ignorance, aucune Vision Juste, seulement la vacuité qui est la véritable essence du citta unique.
Comment se fait-il que les différents objets que crée le citta, aussi bien objets physiques que mentaux, soient extérieurs à cette vacuité ? Selon les principes de la Vérité, la vacuité est vide de tout ce qui occupe de l’espace, de toutes les illusions, libre des pollutions mentales, du kamma, de l’ignorance, et libre de toute Vision Juste. Nous devons comprendre que, sur le plan ultime, rien n’existe. Il n’y a pas d’êtres humains, il n’y a pas d’Etres éveillés, parce que cette vacuité est vide et la plus infime particule visible ou imaginable ne peut y occuper la moindre place. Cette vacuité ne dépend de rien, n’est reliée à rien. Elle est beauté parfaite, totale ; c’est l’ultime et l’incréé. C’est un bijou inestimable.
http://www.dhammadelaforet.org/
avec metta
gigi