Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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Yudo, maître zen
Kaïkan
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    L'expérience de zazen, au-delà des illusions.

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    Message par Kaïkan Sam 15 Oct 2016 - 16:24


    L'expérience de zazen, au-delà des illusions.



    Beaucoup de personnes se demandent ce que les gens ressentent ou vivent pendant zazen en pensant que pour rester immobile comme ça pendant des heures ils doivent réciter des prières ou bien méditer sur des sujets très compliqués.
    Ils sont souvent très étonnés quand on leur dit qu'il n'y a pas de prières et aucun sujet de méditation. Que zazen c'est seulement se concentrer sur l'instant présent, être tout simplement assis sans rien d'autre.
    Cependant, les gens qui pratiquent éprouvent toutes sortes de sensations et expérimentent parfois des états psychiques dont ils parlent autour d'eux, parfois en croyant qu'ils ont fait des progrès ou qu'ils ont franchi des niveaux. Tout cela amène à une certaine confusion chez certains qui se sont mis à s'imaginer que la pratique du zen et de zazen étai une sorte de façon d'obtenir des expériences mystiques.
    En fait , le mysticisme et toutes les expériences qui l'accompagnent sont plutôt considérées comme des "maladies" passagères mais ne représentent en rien une réalisation quelconque au sujet du dharma, et n'a donc aucun rapport avec l'éveil ou le satori.

    Quel pourrait donc être l'état de conscience ordinaire au-delà des illusions de ceux qui font zazen ? Pour être le plus clair possible c'est tout d'abord le calme mental lorsque s'arrête le dialogue intérieur. Si en plus le mental devient silencieux on s'aperçoit qu'il monopolisait tout l'espace comme si c'était lui seul le roi de toutes les situations en donnant sans cesse estimations et jugements. On voit que finalement la conscience peut naviguer dans des dimensions largement ouvertes a de nouvelles possibilités. De cet apaisement dans l'équanimité surgit une paix profonde qui est accompagnée d'une joie posée qui n'a rien des joies exubérantes habituelles et qui va de pair avec une posture stable et une respiration douce et imperceptible.

    On voit bien que ce qui est expérimenté pendant zazen tel qu'il est enseigné ne favorise pas un enthousiasme mystique particulier, mais l'harmonisation des énergies dans une posture ferme mais détendue et sereine. Bien sûr il peut surgir pendant la pratique toute sorte de phénomènes et toutes sortes d'états divers selon les personnes, leur passé, leurs conditions physique et psychique et bien d'autres facteurs, cela va de soi. Mais il faut bien comprendre que zazen est avant tout un lâcher-prise, un abandon des attachements au corps et à l'esprit. Par conséquent c'est l'équanimité qui va permettre de positionner l'esprit au-delà du dualisme et de ses illusions. Par la suite le pratiquant du zen aura la possibilité en toutes occasions d'utiliser la dualité ou la non-dualité selon les circonstances et ce qui sera nécessaire dans l'instant.

    J'espère que ces quelques lignes pourront clarifier le questionnement fréquent au sujet de l'attitude zen au-delà des illusions.
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    Message par Yudo, maître zen Sam 15 Oct 2016 - 21:21

    Il faut toujours tenir compte du fait que les gens, face à l'insatisfaction que leur apporte leur vie, fantasment une vie rêvée où ils sont "plus" que le reste de l'humanité. Vieux fantasme de pouvoir.
    C'est assez difficile de leur faire admettre que le vrai merveilleux se trouve dans tout ce qu'il y a de plus ordinaire dans la vie...
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    Message par bulleOcéan Sam 15 Oct 2016 - 22:16

    @yudo
    Effectivement .... tellement difficile
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    Message par Kaïkan Lun 17 Oct 2016 - 15:47


    Étudier la Voie s’est s’étudier soi-même, s’étudier s’est s’oublier, s’oublier c’est être reconnu par les myriades de dharmas dans tout l’univers.
    Tous ceux qui pratiquent zazen ont entendu ces mots de nombreuses fois. C'est la pratique transmise par Dôgen.
    Il y a dans l’attitude de zazen un abandon, un lâcher prise qui se résume dans "s’oublier".  L'éveil c'est le moment, l'occasion, l'opportunité, et il n'y a pas dans la journée une heure qui soit inutile. Le moment ce n'est pas un moment à venir, ni un moment passé. S'il doit se manifester, ce moment, c'est qu'il est déjà manifesté dans cet instant présent dans ce maintenant où corps et esprit sont rejetés, oubliés. L'éveil c'est s'oublier, la bouddhéité c'est s'oublier. S'étudier et s'oublier,  car courir après les phénomènes pour trouver la réalisation c'est ajouter de l'illusion aux illusions; s'oublier et laisser venir les phénomènes c'est la pratique de l'éveil, c'est actualiser bodaishin l'esprit d'éveil qui est l'éveil lui-même il ne peut y avoir l'ombre d'un doute.
    Il n'y a pas un éveil qui serait un jour passé auquel on se référerait indéfiniment. Croire cela c'est ignorer la pratique bouddhiste, c'est ignorer le dharma transmis. La pratique-réalisation c'est la pratique de l'instant présent, de chaque instant et chacun des instants est opportunité pour manifester bodaishin, pour vivre la réalité telle qu'elle est. Ce n'est pas quelque chose de mystérieux qui demanderait des pouvoirs spéciaux, c'est par la simplicité, par l'abandon des complications qu'on accomplit son cheminement sur la Voie.


    PS : (écrit par Kaïkan après un long zazen.)  Very Happy
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    Message par Fred Mar 18 Oct 2016 - 10:50

    Kaïkan a écrit:courir après les phénomènes pour trouver la réalisation c'est ajouter de l'illusion aux illusions

    C'est effectivement comme chercher à éteindre le feu avec le feu, ou comme poursuivre son ombre.
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    Message par Kaïkan Mar 18 Oct 2016 - 16:13


    Il y a aussi toutes sortes de façon de pratiquer la posture du lotus avec divers objectifs d'ailleurs. La pratique du zen traditionnel est mushotoku c'est-à-dire sans but ni esprit de profit allant vers mokusho (l'illumination silencieuse). Nous pouvons donc trouver des pratiques qui ont des objectifs précis et qui sont donc ushotoku.
    Au plus loin qu'on puisse se pencher dans les écritures, on peut trouver la posture de padmasana ou de siddhasana connue dans l'hindouisme et déjà décrite dans les Védas dont les textes datent de 1600 à 1700 ans B.C. mais dont la tradition orale remonterait à environ 4000 ans B.C.
    Par conséquent il n'est pas étonnant de constater que cette pratique se retrouve dans toutes les écoles de yoga aussi nombreuses soient-elles. Elle est donc utilisée pour les exercices de respirations (pranayama) et bien sur les prières, chants, récitation de mantras (japa), sans oublier les visualisations, et la méditation avec et puis sans objet.
    Il y a aussi une formule de zazen utilisée par les religions comme par exemple le zen chrétien d'Hugo Lassalle qui eut beaucoup de succès d'abord au Japon puis en Europe. Il cumulait les fonctions de prêtre jésuite et de maître zen, ce qui lui permit de faire concrètement un syncrétisme du zen et du christianisme avec des zazen faisant partie intégrante du rituel de la messe.
    J'ai eu personnellement la surprise de voir aussi dans une église orthodoxe de Suisse une pratique de zazen dans une salle réservée à cet usage, une sorte de continuation de ce rapprochement zen et christianisme sous une forme encore nouvelle.
    J'ai aussi rencontré un psychiatre au cours d'une sesshin (période de pratique intensive) et il m'a dit que parfois il invitait ses patients à se relaxer dans une posture sur chaise avec la respiration zen pendant quelques minutes par jour.
    D'autre part il ne faut pas oublier, dans cette liste de l'utilisation de l'assise zen, les nouvelles techniques de bien-être comme par exemple la sophrologie pour en citer une, parmi tant d'autres, dans une palette d'une grande variété.

    Alors bien-sûr, il n'est pas étonnant de voir parfois sur un site comme "Zen et nous" surgir des personnes qui ont une pratique n'ayant souvent que peu de points communs avec le zen traditionnel. C'est une possibilité d'échanger des idées et de faire connaître cette particularité du zen sôtô qui est finalement parfois assez méconnue dans ses spécificités par le grand public. Il est d'ailleurs plutôt difficile d’exposer certains principes, comme ceux de Dôgen, à ceux qui n'ont pas vraiment une pratique solide de "shikantaza" (être assis seulement). Par contre il est important de comprendre que le prosélytisme n'a pas cours dans le bouddhisme de façon générale et donc qu' il n'y a pas de volonté de recruter des adeptes comme c'est le cas  dans les diverses religions.
    La démarche consistant à faire connaître la pratique du zen est donc aussi une action sans but ni profit, visant seulement à exposer une voie qui aide les êtres à dépasser l'insatisfaction inhérente au fait d'exister. Ceux qui essaient d'accomplir cette tâche sur ce site sont pour la plupart des pratiquants assidus et souvent des bonzes confirmés ou aspirants. Il est bien entendu évident qu'ils se donnent la peine de donner des explications à ceux qui le désirent de façon altruiste et bienveillante. Par contre si des intervenants essaient d'imposer leurs points de vue en prétendant que eux seuls comprennent ce qu'est la voie et ce qu'il faut comprendre, malgré leur grande patience, les membres qui enseignent ne peuvent incessamment répéter à ceux qui dérivent que leurs vues sont erronées.
    Par conséquent il y a dans ce forum des sections pour les discussions générales ainsi que pour d'autres formes de bouddhisme comme le vajrayana et le bouddhisme ancien, ainsi qu'une section réservée au taoïsme.  
    Il y a également une section : Causeries philosophiques  et un forum particulier pour vos contributions (zen ou pas).
    Au sein de cette diversité, il est possible à toute personne de bonne volonté de s'insérer dans les sujets débattus sur tout les sites, du moment qu'on veut actualiser son intérêt pour les thèmes qui se déroulent…

    La liste des différentes façons de pratique l'assise avec ou sans but n'est pas exhaustive, mais elle donne déjà une idée de la variété des utilisations qui donne un aperçu de la richesse contenue dans la pratique de seulement une posture.

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    Message par Zenoob Mar 18 Oct 2016 - 17:17

    Merci beaucoup pour ces précisions.

    Je trouve qu'un bon indicateur que l'on se trompe d'attitude (car il est très facile, sans le vouloir et complètement inconsciemment, de se retrouver dans une pratique orientée vers un but - en tout cas, cela m'arrive fréquemment) est quand on se met à aimer zazen ou à le détester, qu'il nous frustre ou nous comble. Cela signifie invariablement qu'on y associe quelque chose en particulier, qu'on cherche à accomplir quelque chose.

    Par exemple, en ce qui me concerne, souvent, lorsque ma vie professionnelle me stresse, j'ai tendance à me dire que zazen va me détendre. Et lorsque ce n'est pas le cas, je suis frustré et je me dis même parfois "tout ces zazen pour rien !"... Il me faut en général un moment pour me rendre compte que je me trompe moi même... C'est quand, enfin, je prends conscience de cette erreur et que je reviens à la "bonne" attitude, c'est à dire laisser tout comme c'est et ne rien toucher, ne pas essayer de me détendre ou de faire quoi que ce soit, que, paradoxalement, les choses se dénouent.

    En bref : si on a peur de zazen, si on déteste zazen, si on adore zazen, c'est un signal d'alarme : on est dans l'erreur à mon avis.
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    Message par Fred Mer 19 Oct 2016 - 0:47

    De toute façon, zazen illumine toutes les attitudes.
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    Message par zanshin Mer 19 Oct 2016 - 7:06

    Zenoob a écrit:En bref : si on a peur de zazen, si on déteste zazen, si on adore zazen, c'est un signal d'alarme : on est dans l'erreur à mon avis
    C'est de toute façon des émotions qui surgissent et qu'on peut laisser passer. L'erreur serait de s'accrocher et de polariser sur une de ses opinions. Je crois qu'il faut rester indifférent et avoir confiance que tout est transitoire. Comme dit Fred : "zazen illumine toutes les attitudes" parce que c'est toujours zazen qu'on répète malgré les opinions ou sentiments qui surgissent inévitablement. On se dit : j'ai fait un bon zazen ou bien c'était difficile aujourd'hui et puis on oublie. Smile

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