Il me semble quand même que "ces deux plans" sont des constructions à postériori. Il y a d'abord présence, et c'est la tentative de saisie qui établit ensuite la distinction entre un sujet et un objet, un plan de réception et un plan d'émission. Notre culture nous porte au dualisme, mais notre culture est seconde par rapport à notre existence, elle vient après. De même en méditation, la tentative faite pour "ne pas saisir" n'est pas un travail de synthèse entre deux plans, mais un retour à quelque chose qui est toujours présent : le dharma. Quand, en saisissant quelque chose (Isabelle parle très bien de ce "grasp", saisir en anglais, quand elle dit qu'on peut aussi s'accrocher très fortement à un "I am nothing" (traduction : je ne suis rien / je ne suis aucune chose), quand donc en saisissant quelque chose on crée un dualisme, alors le dualisme apparaît. La méditation ne serait pas un travail de synthèse, mais de retour à l'originel, au visage originel ("quel visage avions-nous avant notre naissance?"), un dévoilement de la nature de Bouddha. C'est dans ce sens que je crois voir une contradiction entre l'exposé d'Isabelle et la pratique zen.
Tout à fait d'accord avec toi sur les attributs "passifs" ou "actifs" de la voie, je me suis bien mal exprimé
EDIT : je ne suis pas sûr d'être clair, je reformule donc mon idée : il peut être intéressant de distinguer deux plans en philosophie, en s'inspirant pourquoi pas du message de Jésus (royaume du Père, monde du Fils), mais alors la Voie du milieu dont parle Isabelle est vue comme seconde, comme un ajustement qu'on ferait.
Pour elle, si j'ai bien compris, il y a d'abord un égo qui se prend pour ses pensées et qui est sur le plan 1 : le monde. Ensuite une prise de conscience (elle parle d'éveil) qui fait passer au plan 2 : le royaume (disparition de l'égo) et enfin un mouvement qui découvre pneuma, le saint-esprit, la voie du milieu, à travers l'amour (retour de l'égo qui accueille tout : "I am everything, je suis toutes choses"))
Or il me semble qu'il n'y a pas d'abord un Royaume, un Monde, et ensuite une Voie entre les deux. Ce que décrit Isabelle est un processus psychologique possible, mais ce faisant les choses se mélangent, et on dirait qu'il y a comme des étapes successives à atteindre, comme si on pouvait cartographier, théoriser l'éveil.
La position bouddhiste me semble plus simple, plus nette, moins alambiquée. Il y a d'abord la Voie, le réel, et ensuite les postures qu'on a vis-à-vis de lui qui font émerger des différences (nirvana et samsara, Royaume ou Monde, corps ou esprit, la liste pourrait être longue...) ; tout a la nature de Bouddha car en dehors d'une saisie tout est dharma, tout est non-duel.
La pratique de zazen va au plus court. On ne passe pas forcément par différents plans conceptuels créés par une réflexion consciente et philosophique. On ne crée pas l'éveil, on ne l'invente pas entre deux ravins, il est toujours là, on a plutôt à l'accueillir.
Bref, peut-être que je coupe des cheveux en quatre pour rien. Je crois, peut-être à tort, que ce que j'écris à un sens, aussi je le publie, en m'excusant néanmoins pour mon ton un peu péremptoire