Dans un autre fil quelqu'un faisait allusion à certains enseignants médiatisés qui font grand cas de la non-pensée, et de fait, depuis que je pratique, j'ai croisé beaucoup de gens qui croient que le but de zazen est de faire le vide.
A par le fait que zazen est sans but, croire cela, c'est ne pas comprendre et parfois, ne pas vouloir comprendre.
Dans l'article sur le Shôbôgenzô Zazenshin, on y a fait allusion, car c'est dans ce chapitre que maître Dôgen s'étend sur ce sujet. Il y cite le kôan 29 du livre deux du recueil de kôans qu'il avait ramené de Chine, où maître Yakusan Igen dit de ne pas penser pendant zazen. Le maître réplique au moine qui l'interroge (j'en conclus qu'on pouvait donc interroger un maître alors même qu'il était en zazen!) qui lui demande comment on peut "penser à ne pas penser", que "c'est différent de la pensée".
D'autres auteurs traduisent différemment et les versions sont assez innombrables pour suggérer une difficulté, même chez ceux qui comprennent les textes originaux.
Le passage original dit shiryô ko fu-shiryô tei, et a été traduit par "penser la non-pensée", ou "penser l'état concret de non-pensée". La Shasta Abbey donne quelque chose de plus verbeux, mais intéressant: "Ce à quoi je pensais se basait sur le fait de ne pas délibérément penser à quelque chose en particulier".
Quant à la réponse du maître "hi-shiryô", que certains traduisent par "au delà de la pensée" ou "non-pensée" ou "totalement différent de la pensée", le mot reste une pierre d'achoppement pour tous les traducteurs. La traduction de la Shasta Abbey donne (toujours verbeuse): "C'est une affaire où 'ce à quoi je pense' n'a rien à voir".
Je rappelle ce que Brad fait observer et que j'ai déjà à plusieurs reprises mentionné: les mots chinois en jeu ici sont shiryô ou "considération" (par opposition à "pensée"). Pour le nier, il utilise d'abord la négation plus habituelle 不 (fu), et dans le deuxième cas, la négation exceptionnelle 非 (hi), qui, en japonais, a souvent valeur juridique.
Et de fait, le sens de l'échange porte essentiellement sur le fait qu'il ne s'agit pas d'avoir un encéphalogramme plat (Sawaki disait que le seul moment où on a rien à penser, c'est quand on est mort!), mais qu'il s'agit de ne pas entretenir délibérément un train de pensées particulier. On pourrait re-traduire l'expression de Yakusan par "Je pense qu'on s'en fout de ce qui me passe par la tête!"
Néanmoins, dans la paraphrase de Brad Warner, on peut lire que Dôgen dit: "Il y a quand même des débiles qui vont vous dire que zazen est l'affaire d'atteindre un état de quiétude mentale totale et que c'est dans cette totale tranquillité que ça se passe. On ne devrait même pas appeler ce genre de personnes des étudiants du Bouddhisme. On entend beaucoup ce genre de merde, en Chine, et c'est un signe que les choses sont tombées bien bas."
Autrement dit, le problème n'est pas nouveau. Voici ce que dit la version Nishijima/Cross: "Dans la non-pensée, il y a quelqu'un et [ce] quelqu'un se maintient sur, et se fie à moi." Mais la version de la Mount Shasta Abbey dit: "Il y a quelqu'un qui est occupé à ne pas tenter délibérément de penser à quelque chose, et ce quelqu'un maintient et soutient un 'Je'." Brad Warner dit combien la plupart des traducteurs galèrent avec ce passage. En effet, Dôgen écrit: hishiryô ni tare ari, tare ware wo honinsu.
A par le fait que zazen est sans but, croire cela, c'est ne pas comprendre et parfois, ne pas vouloir comprendre.
Dans l'article sur le Shôbôgenzô Zazenshin, on y a fait allusion, car c'est dans ce chapitre que maître Dôgen s'étend sur ce sujet. Il y cite le kôan 29 du livre deux du recueil de kôans qu'il avait ramené de Chine, où maître Yakusan Igen dit de ne pas penser pendant zazen. Le maître réplique au moine qui l'interroge (j'en conclus qu'on pouvait donc interroger un maître alors même qu'il était en zazen!) qui lui demande comment on peut "penser à ne pas penser", que "c'est différent de la pensée".
D'autres auteurs traduisent différemment et les versions sont assez innombrables pour suggérer une difficulté, même chez ceux qui comprennent les textes originaux.
Le passage original dit shiryô ko fu-shiryô tei, et a été traduit par "penser la non-pensée", ou "penser l'état concret de non-pensée". La Shasta Abbey donne quelque chose de plus verbeux, mais intéressant: "Ce à quoi je pensais se basait sur le fait de ne pas délibérément penser à quelque chose en particulier".
Brad Warner a écrit:La raison pour laquelle Nishijima/Cross, et la Shasta Abbey, et moi-même aussi, donnons une traduction un peu plus longue vient du fait que l'original chinois en dit pas mal plus que juste "penser (à) non-penser." Il y a une paire de caractères là-dedans qui indiquent que le maître dit qu'avec ce "non-penser," ce dont il parle est quelque chose de concret. C'est comme la différence entre demander "C'est quoi ça?" et "C'est quoi ce putain de truc?!"
Quant à la réponse du maître "hi-shiryô", que certains traduisent par "au delà de la pensée" ou "non-pensée" ou "totalement différent de la pensée", le mot reste une pierre d'achoppement pour tous les traducteurs. La traduction de la Shasta Abbey donne (toujours verbeuse): "C'est une affaire où 'ce à quoi je pense' n'a rien à voir".
Je rappelle ce que Brad fait observer et que j'ai déjà à plusieurs reprises mentionné: les mots chinois en jeu ici sont shiryô ou "considération" (par opposition à "pensée"). Pour le nier, il utilise d'abord la négation plus habituelle 不 (fu), et dans le deuxième cas, la négation exceptionnelle 非 (hi), qui, en japonais, a souvent valeur juridique.
Et de fait, le sens de l'échange porte essentiellement sur le fait qu'il ne s'agit pas d'avoir un encéphalogramme plat (Sawaki disait que le seul moment où on a rien à penser, c'est quand on est mort!), mais qu'il s'agit de ne pas entretenir délibérément un train de pensées particulier. On pourrait re-traduire l'expression de Yakusan par "Je pense qu'on s'en fout de ce qui me passe par la tête!"
Néanmoins, dans la paraphrase de Brad Warner, on peut lire que Dôgen dit: "Il y a quand même des débiles qui vont vous dire que zazen est l'affaire d'atteindre un état de quiétude mentale totale et que c'est dans cette totale tranquillité que ça se passe. On ne devrait même pas appeler ce genre de personnes des étudiants du Bouddhisme. On entend beaucoup ce genre de merde, en Chine, et c'est un signe que les choses sont tombées bien bas."
Autrement dit, le problème n'est pas nouveau. Voici ce que dit la version Nishijima/Cross: "Dans la non-pensée, il y a quelqu'un et [ce] quelqu'un se maintient sur, et se fie à moi." Mais la version de la Mount Shasta Abbey dit: "Il y a quelqu'un qui est occupé à ne pas tenter délibérément de penser à quelque chose, et ce quelqu'un maintient et soutient un 'Je'." Brad Warner dit combien la plupart des traducteurs galèrent avec ce passage. En effet, Dôgen écrit: hishiryô ni tare ari, tare ware wo honinsu.
Brad Warner a écrit: C'est sûr que c'est un passage bizarre et confus, mais il est important, et c'est pourquoi je m'y attarde longuement. Cela traite de la nature du soi et de sa relation avec la pensée.
La plupart d'entre nous cabotent à travers la vie, tout pareil qu'à l'époque de Dôgen, en imaginant que la pensée est fait par quelque chose que nous appelons notre "Moi". Dôgen tente de nous amener à voir les choses autrement. Il veut que nous remettions profondément en question notre hypothèse à l'effet qu'il y a ce que nous appelons un "moi" qui exécute toute cette pensée, ou cette non-pensée, pour la même raison.
Tous les traducteurs ont du mal avec ce passage, à cause de la façon dont Dôgen s'exprime. Il place le mot tare (qui/quelqu'un) et ware (moi/je) côte à côte, ce qui est grammaticalement bizarre en Japonais. Nishijima et Cross le personnalisent en écrivant "[ce] quelqu'un se fie à moi," alors que les autres le tournent à l'envers, en disant que ce mystérieux quelqu'un "maintient le moi." En japonais, c'est délibérément ambigu entre ce "quelqu'un" qui maintient "moi" ou ce "moi" qui soutient "quelqu'un".
Tout cela fait partie de la façon qu'a Dôgen de tenter de nous arracher à nos pré-conceptions sur la nature de nous mêmes et de la réalité. Ce que j'appelle "moi" n'est peut-être pas ce que j'imagine.