Troisième et dernier volet de cette réflexion.Lorsqu’il est dit dans le Sutra du Coeur : …
O Sariputra, toute existence a le caractère de Ku, il n'y a ni naissance, ni commencement, ni pureté,ni souillure, ni croissance, ni décroissance.
C'est pourquoi, dans Ku, il n'y a ni forme, ni skandas, ni oeil, ni oreilles, ni nez, ni langue, ni corps, ni conscience.
Il n'y a ni couleurs, ni sons, ni odeur, ni goût, ni toucher, ni objet de pensée.
Il n'y a ni savoir, ni ignorance, ni illusion du déclin et de la mort.
Il n'y a ni origine de la souffrance, ni cessation de la souffrance.
Il n'y a pas de connaissance, ni profit, ni non-profit.
…il n’est pas question ici pour le Bouddha de nous transmettre une énième description de la nature de la réalité, mais bien de formuler le plus directement possible ce qu’est la pensée non cognitive. En effet dire à contrario qu’il y-a des couleurs, des sons ou des odeurs, est déjà le fait d’un travail de réflexion visant la connaissance des choses.
Cette distinction fait une grande différence, car vouloir décrire la nature de la réalité, c’est précisément tenter de la réduire à quelque chose de connaissable. C’est bien l’objet du mental dont la seule fourberie est de nous laisser croire lorsqu’il jouit d’une suprématie, que le seul rapport que nous puissions avoir avec la réalité, soit de l’ordre d’un rapport cognitif.
En revanche si on comprend que le Bouddha évoque directement ici la pensée non cognitive, alors on comprend que lorsqu’il dit par exemple qu’il n-y a ni couleurs, ni sons, ni odeurs, ni, ni… il s’agit de l’évocation
d’un état d’esprit, à savoir, celui de non investigation de ce qu’il nous est donné de percevoir.
En d’autres termes, ceux qui s’insurgeront à la suite de la lecture de ce sutra du fait que le Bouddha affirme l’absence de toutes ces choses (sons, odeurs, couleurs…) ne se situent pas dans la même logique que lui ; disons qu’ils se situeraient d’avantage au niveau du désir de connaissance du monde, alors que le Bouddha, lui, se situe au niveau de l’affirmation de l’état où il n’y-a pas désir de connaître, l’état hishiryo.
Je pense qu’il est nécessaire de terminer cet exposé, en rappelant que le bouddhisme est sensé ouvrir des portes si je puis dire, et non les refermer.
Ainsi, il s’agit de dire que la pensée cognitive et non cognitive ne se font pas obstacle l’une l’autre, que la pensée non cognitive ne s’affirme pas au détriment de la pensée cognitive, mais qu'elle est un enrichissement, une faculté qui est affranchissement de la pensée
exclusivement cognitive.
En somme, c'est comme avoir deux cordes à son arc au lieu d’une.