par Invité Jeu 27 Aoû 2009 - 17:01
Concernant la dimension verticale de la pratique, elle m'a été indiquée d'emblée, en sanzen (Jyoji n'en parle pas lors des indications collectives). Cela résultait d'une situation un peu particulière car le kôan Mu n'est pas donné d'office par Jyoji aux laics. S'il l'a fait pour moi, c'est parce que nous étions un peu dans une sorte de confrontation (en sanzen) où j'ai été amené à exposer ma compréhension de Mu sans même qu'il me l'ait demandée. Il arrive un moment où il faut prendre les devants. Il m'a écouté et a validé cette compréhension. De fait, il m'a dit de prendre cette compréhension et faire en sorte que ce ne soit pas moi, khât, qui exprime Mu en zazen mais que ce soit Mu qui exprime Mu. Il faut donc bien comprendre par là que ce n'est pas un individu khât qui prononce Mu mais que c'est Mu qui se prononce. Cela signifie que Mu est notre vraie nature et que c'est cette vraie nature qui pratique et non pas un individu X. C'est, comme disait Shunryu Suzuki à propos de zazen : "la sagesse à la recherche de la sagesse". C'est Prajna qui va à la recherche d'elle-même et non un individu X qui cherche Prajna.
La dimension verticale se réalise dès lors qu'on réalise que cette dimension est Mu et rien d'autre que Mu. Tout le temps que nous pensons que c'est un individu X qui pratique Mu, on est dans une dimension horizontale. Au début de la pratique, on n'a pas toujours la bonne orientation. Et si on nous dit de répéter Mu sur l'expiration sans plus d'indication, cela revient, même avec une complète absorption sur le son "Mu", à rester dans une forme de dualité puisqu'il y a d'un côté celui qui répète Mu et, de l'autre côté, le son Mu. A la longue, le son Mu et le méditant se confondent et il en résulte une extase. Mais il n'y a rien, de mon point de vue en tout cas, qui permette de distinguer, quand on est dans la dualité, l'extase par absorption dans le son d'une simple transe hypnotique. C'est là qu'il faut être vigilent et c'est là qu'un maître qualifié est très utile.
La recherche de la verticalité de Mu doit se faire à partir d'une certaine compréhension de Mu qui n'est pas une compréhension intellectuelle. C'est même une "non-compréhension". On doit, en quelque sorte, si j'ose dire, penser les choses ainsi (il s'agit d'indication, pas de "technique") : "Mu, étant ma nature propre, est par delà tout entendement. Quand je cherche Mu, cela revient à me perdre. Quand je veux saisir Mu, cela revient à me délivrer de toute compréhension de Mu. Quand je veux élever la conscience, cela revient à la libérer des pensées..." Bien évidemment, on ne pense pas les choses dites ainsi. Cela, on le sait. C'est au plus profond de soi et cette sorte de recherche qui consiste à se dépouiller devient une forme d'élévation de la conscience. Quand la conscience est au plus bas (parce qu'elle a renoncé), alors elle est au plus haut parce qu'il n'y a plus de différence de potentiel. S'il n'y a plus de différence de potentiel, il y a court-circuit des pensées. Si les pensées sont court-cicuitées, il y a samadhi et s'il y a samadhi, il y a le "non-né".
Qu'il y ait une sensation de bonheur extrême à ce moment là, cela ne fait aucun doute. On peut choisir de s'immerger dans ce bonheur ou bien de ne pas y rester. Quand je dis "On peut choisir", il faut bien comprendre que ce "On" n'est pas le même que ce "je" qui a décidé de s'asseoir en zazen. Il n'est pas le même (il est "non-je") et, en même temps, c'est le même (il est je) puisque, alors qu'il n'en sait (peut-être) rien, je et non-je sont de la même nature (la sagesse du je "à la recherche" de la sagesse non-je). Le symbole de la croix peut aider à comprendre cela. La partie verticale est non-je tandis que la partie horizontale est je. Dans la vie "ordinaire", nous fonctionnons horizontalement. Pour autant, la verticalité n'est jamais absente. Elle est (toujours) présente au croisement. Le point de croisement est notre vie à tous et, si nous appelons karma la dimension horizontale, le karma est partout imprégné de sa dimension verticale ("s'il n'y avait un non-né, aucune sortie du né ne serait possible"). Mu représente très exactement le point de contact (le croisement) des deux dimensions (horizontale et verticale). On peut penser "je suis Mu", mais cette pensée est horizontale. Quand nous ne pensons pas "je suis Mu", nous sommes Mu. Mais nous sommes également Mu quand nous le disons (ou le pensons), mais nous ne vivons pas Mu ; nous le réfléchissons. Mu devient donc un reflet. C'est quelque chose de plus qui perturbe la tranquillité essentielle de sa vraie nature.