Effectivement, on revient de samadhi. J'ai dit, dans un post précédent, que je n'en connaissais pas les raisons et j'avais évoqué une possible cause karmique. De mon point de vue, ces causes karmiques génèrent une modification ou un changement d'état de l'hôte qui, de fait, se "transforme", en quelque sorte, en invité. En fait, pour donner une représentation physique à peu près correcte de ce que je veux dire, je dirai que c'est un peu comme quand, en électricité, on branche un circuit sur une batterie. Le courant électrique dans le circuit est généré par une différence de potentiel. L'invité est, en quelque sorte, généré par une différence de potentiel (qui est l'équivalent d'une énergie karmique) dans un circuit neuronal. Et donc, l'invité existe potentiellement dans le samadhi mais n'est pas activé (le courant ne "circule" pas). Pour l'activer, il faut un circuit (neuronal chez nous) qui soit fermé. La concentration consiste bien évidemment à ouvrir ce circuit pour que "l'invité se taise". Une fois que le circuit est ouvert, la concentration est maintenue sans effort et l'invité est muet, si j'ose dire. Mais il ne peut se taire indéfiniment. Comme il n'a aucune réalité propre (un courant électrique n'existe pas sans le circuit fermé et la différence de potentiel), je pense qu'il y a
épuisement des capacités de concentration (parce qu'il s'agit d'un acte conditionné par le mental, à la base, et donc soumis à l'impermanence d'état) et donc réactivation de l'invité.
Alors, je sais bien les limites de mon parallèle avec l'électricité, mais je pense que ça permet de faire comprendre que l'invité n'est pas une entité à part de l'hôte ; il est une expression de celui-ci dans le cadre d'un mouvement énergétique. Un peu comme on dirait qu'un torrent de montagne est fait de la même eau que celle du lac tranquille d'où il prend sa source, mais il est évidemment nettement plus turbulent (peut-être un parallèle avec l'hydraulique est effectivement plus parlant qu'un parallèle avec l'électricité).
Mais je comprends bien qu'on puisse placer l'hôte au-delà de la relation esprit au repos et esprit en mouvement. Pourtant, si je me réfère au texte tch'an de Hsu Yun dont je relève un extrait donné par unsui dans le lien sur le thread que j'ai donné plus haut, il me semble bien que c'est dans cette optique d'état (il parle de "
condition de Bhûtatathtâ (ainsité, quiddité)") qu'il faut placer la notion d'hôte et de visiteur :
Hsu Yun a écrit:« Comment commencer l’entraînement Ch’an (Zen) ? Dans l’assemblée du
Shûrangama, l’arya Ajnâtakaudinya prononçait les mots suivants : «
Poussière étrangère ». C’est exactement là qu’il nous faut commencer
notre entraînement.
L’arya disait : « Par exemple, un voyageur
s’arrête dans une auberge où il passe la nuit et prend un repas, après
quoi il refait sa valise et continue son voyage, n’ayant pas le temps
de rester plus longtemps. Quant à l’hôte de l’auberge, il n’a nulle
part ou aller. J’en déduis que celui qui ne reste pas est le voyageur
et que celui qui reste est l’hôte. Par conséquent, une chose est
étrangère quand elle ne reste pas. Ou bien, figurons nous un ciel clair
lorsque le soleil se lève et qu’un de ses rayons entre dans la maison
par une fenêtre. On voit la poussière danser dans le rayon de lumière
mais l’espace vide demeure immobile. Donc, ce qui est immobile est le
vide et ce qui bouge est la poussière. »
« Poussière étrangère »
illustre la pensée erronée et le vide illustre la nature propre qui est
l’hôte permanent qui ne suit pas le voyageur dans ses allées et venues.
Ceci sert à illustrer la nature propre éternelle et immobile qui ne
suit pas la pensée erronée dans ses apparitions et ses disparitions
soudaines. Donc, on dit : « Si l’on oubli toutes choses, on ne sera pas
embarrassé au milieu des choses. » Dire que la poussière bouge toute
seule et n’embarrasse pas le vide qui est tout à fait immobile,
c'est-à-dire que la pensée erronée paraît et disparaît d’elle-même et
ne gêne pas la nature propre qui est immuable en sa condition de
Bhûtatathtâ (ainsité, quiddité). C’est ce que veut dire la phrase : «
Si le mental ne s’élève pas, toutes les choses sont irréprochables. »
Le
sens du mot étranger est grossier et celui de « poussière » est fin. Il
faut que les débutants comprennent clairement la différence entre «
hôte » et « voyageur ». Ainsi, ils ne seront pas égarés par la pensée
erronée. En avançant ils comprendront mieux le « vide » et la «
poussière » et ne seront donc pas embarrassés par la pensée erronée.
Il
a été dit : « Quand la pensée erronée est reconnue, il n’y a pas de
mal. » Si vous considérez soigneusement tout cela et que vous le
comprenez, plus de la moitié de ce qui constitue l’entraînement va
s’éclairer pour vous. »