En clair et pour faire simple, au moment de la naissance (et même avant), la zone du langage du cerveau humain n'est pas exploitée. C'est normal puisqu'il n'y a aucune information permettant de faire un lien entre un objet et le nom qu'on donne à cet objet. Le bébé (ou le phoetus) n'a aucune construction mentale permettant de distinguer un objet d'un autre. Il n'existe donc pas en tant qu'ego. Plus tard, vers l'âge de 2 ans, avec la constitution du fameux "schéma corporel", il y a identification de soi (ego) dans ce corps et des objets ou êtres extérieurs qui sont nommés (papa, maman, les jouets, la maison, la voiture, la télé, le ciel, la terre...). On a pu observer, à l'IRM, que lorsqu'on présente un objet quelconque (mettons une tasse) à un individu, c'est la zone du langage qui s'active. On pourrait présenter son propre reflet dans la glace, ce serait la même zone qui s'activerait préférentiellement. Dit simplement : l'ego est un être de langage et rien d'autre. Sur ce plan Freud avait raison puisque les neurosciences le confirment.
Durant samadhi (ça, Cyrulnik n'en parle pas), la zone du langage est "déconnectée". Il n'y a donc plus activation donc plus de pensées (qui sont toujours associées au langage). De fait, il n'y a pas d'ego et donc il y a non-ego. Les sensations ne sont pas éteintes, mais rien ne permet de les identifier. Quand on quitte cet état là, on réintroduit le langage dans le mental et l'ego se reconstitue. On comprend bien que le principe conscient (ce que Cyrulnik appelle "esprit") est présent hors du langage. Etant présent hors du langage, il n'est naturellement pas enfermé par lui et donc sa naissance ou sa mort n'est pas identifiable. Quand on veut sortir d'un problème, il suffit de se dire qu'on est pris dedans comme un esprit pris dans le langage (d'où : je ne suis pas ceci ; ceci n'est pas mon ego (= je ne suis pas seulement un être de langage). Quand Hui neng demandait "montre moi ton visage avant ta naissance", il ne disait pas autre chose que de sortir de l'ego (en quelque sorte).
La différence entre les neurosciences et le bouddhisme, c'est que la neuroscience place l'esprit dans le cerveau. Sans cerveau, pas d'esprit. Le bouddhisme ne nie pas la neuroscience mais fait du cerveau une représentation de plus liée au langage. En d'autre terme, le cerveau est "créé" par l'esprit dans le langage. A mon avis, on peut s'arranger des deux points de vue. Quand on meurt, on peut considérer que "l'esprit" quitte le corps en ce sens qu'on ne peut plus lire une seule pensée qui habitait l'homme de son vivant. Mais cet esprit ne doit pas être considéré comme une élément de langage (car quand on dit "esprit", c'est déjà une représentation du langage). C'est quelque chose qu'on doit expérimenter en samadhi, donc en dehors du langage pour bien comprendre ce dont il s'agit. Ou alors, et ce qui revient au même, se souvenir du visage d'avant sa naissance (pour le coup, ça donne un deuxième "moyen" de comprendre sans passer par le samadhi "classique ).