J'avais envie d'ouvrir un nouveau sujet, dans "causeries philosophiques", pour réfléchir ensemble, avec du recul (d'où le choix de cette catégorie) aux phénomènes contemporains de contestation politique, et principalement le mouvement "gilets jaunes". Une certaine tension monte depuis un paquet de semaines, et entre l'urgence climatique, la défense peut-être un peu égotique d'un "pouvoir d'achat", la nécessité d'instaurer une véritable équité, des actions violentes (pour l'instant de l'ordre du sabotage uniquement), il est difficile, je trouve, d'y voir clair.
Il ne s'agit pas de parler de politique et de savoir si c'est bien ou mal, qui a raison ou tort. Mais plutôt de se demander de quelle manière peut-on penser le rapport entre bouddhisme et engagement politique contestataire ? Quels précédents historiques ?
On peut penser à Thích Quảng Đức qui s'est immolé pour protester contre les répressions et persécutions du sud-Vietnam envers les bouddhistes.
Dans ce cas-là, peut-être extrême, on peut voir un premier mouvement se dessiner : agir sur soi plutôt que sur autre chose. Une grande violence mais assumée seul...
Quels types d'engagements (ou de désengagements) politiques sont sous-tendus par une pensée bouddhiste ? Vraiment une question ouverte, mais qui vise à interroger la pratique : peut-on simplement se changer soi-même, se contenter de la simplicité, être donc dans une forme douce de non-agir et attendre que des conséquences positives s'en dégagent naturellement ? Ou, si une urgence amène à penser qu'il y a nécessité à accentuer la portée d'un acte contestataire, se sacrifier plutôt que de s'associer à des comportements que l'éthique du noble sentier octuple prohibe ? Quid des moyens habiles ?
Je ne crois pas que l'on puisse attendre des réponses toutes faites venant de la tradition et des anciens, mais peut-être un éclairage, une certaine prise de recul...
Bonne et agréable journée à tous.
EDIT : Je viens juste de tomber sur un passage relié à ce questionnement, dans "Les maîtres zen" de Jacques Brosse, édition Albin Michel, collection Spiritualité vivantes, p.53-54 : à propos du trosième patriarche chinois, Seng Ts'an, auteur présumé du Sing Sing Min (Inscription sur la Foi en l'Esprit) :
"Les textes racontent que lors des persécutions contre les bouddhistes ordonnées par l'empereur Wou de la dynastie des Tcheou du Nord en 574 et en 577, Seng-ts'an dut simuler la folie et rester caché pendant dix ans sur le mont Wan-kong. Sa seule présence aurait suffi à empêcher les tigres qui y vivaient de continuer à terroriser les populations des villages voisins. (...)"
Ce qui dessine une autre approche : préserver le dharma et l'enseignement quitte à ruser, attendre une époque plus favorable, et profiter des fruits possibles (ici un peu magiques ou allégoriques avec l'idée des tigres éloignés) de la pratique ici-maintenant sans trop se soucier des manigances mondaines du politique.