Je vous offre le dernier Brad Warner sur le désir. Dégustez bien...
Brad Warner a écrit:
I Want a Milkshake
Published by Brad on October 9, 2019
Ma conférence d'hier à la Universalist Unitarian Church de Cleveland Heights s'est très bien passée. Le public a posé des questions géniales.
Quelqu'un a demandé comme le Zen peut-il aider quelqu'un à surmonter le désir.
Comme vous le savez peut-être, la version standard des Quatre Nobles Vérités du Bouddha sont, 1. La vie est souffrance, 2: La cause de la souffrance est le désir, 3: Pour surmonter la souffrance, abandonnez le désir, 4: Le Noble Octuple Sentier est la méthode pour abandonner le désir.
En général, je n'aime guère me montrer académique dans ce genre de conférence. Et si je n'aime pas ça, c'est que je suis assez incompétent là-dedans. J'essaie donc de répondre aux questions à partir de mon expérience personnelle.
Un des effets très pratiques de zazen, ainsi que de mes tentatives pour suivre l'éthique exposée dans l'Octuple sentier (essentiellement, "ne pas être minable"), c'est que les désirs se sont décrochés de l'idée que les satisfaire va améliorer ma vie. C'est extrêmement libérateur. Je ne prends plus la tête sur mes désirs. Je peux désirer tout ce que je veux, et autant que je veux. Et c'est parce que je ressens rarement le besoin de satisfaire les désirs qui me viennent à l'esprit.
Normalement, quand on désire quelque chose, ce désir est ancré à une pensée qui dit: "Si je satisfais ce désir, ma vie va s'améliorer", ou "Je dois satisfaire ce désir, sinon je serai malheureux". On court donc après tout ce qu'on désire dans l'espoir de l'atteindre et donc d'améliorer sa vie ou d'éviter la souffrance.
Quand je parlais aux gens de Cleveland Heights hier soir, j'ai essayé de leur présenter un exemple réel. Voici ce que je leur ai donné.
Je veux un milkshake. C'était vrai. AU moment où je l'ai dit, je voulais vraiment un milkshake. En fait, cela fait à peu près six mois que j'en veux un.
Je pense que j'ai rendu ma copine, la délicieuse Adriana, folle avec ça. Je dis tout le temps que je veux un milkshake. Parce que c'est vrai. J'en veux vraiment un.
Mais à chaque fois qu'on finit quelque part où ils en font, je n'en prends pas. Parfois, nous sortons, et je dis que je veux un milkshake. Et Adriana me dit quelque chose comme: “Shake Shack est au coin de la rue. Ils ne font que ça. Le nom le dit. Mais va t'en chercher un!”
Et moi de dire: "Naaan... Je n'ai pas vraiment besoin d'en prendre un".
Jusqu'à en parler à mon public hier soir, je ne m'étais pas rendu compte que c'est un truc très influencé par le Zen. Il est probable que cela serait encore plus zen si je ne faisais même pas état de mon désir. Je vais y travailler.
Mais quand je dis que je veux un milkshake, c'est sincère. J'en veux vraiment un. Mais je sais aussi qu'en boire un ne va rien régler. Je serai peut-être content pendant quelques minutes, mais après, cela sera fini, j'aurai un tas de calories inutiles en moi, et je vais grossir. Il est aussi probable que je me sentirai gonflé et mal, parce que c'est ainsi que je me sens quand j'en ai bu un. Je veux ce milkshake. Mais tout en le voulant — et là, je veux dire vraiment vraiment — il n'y a pas l'idée correspondante que ce que je désire est ce qui pourrait m'arriver de mieux.
C'est relativement facile quand il s'agit de milkshakes. Ce ne l'est pas autant avec les autres désirs. Mais j'y arrive.
Je n'essaie pas de vous prouver que j'ai surmonté toute forme de désir. Ce n'est pashttp://hardcorezen1.dogensanghalosan.netdna-cdn.com/wp-content/uploads/2019/10/Milkshake-1.jpg le cas.
J'essaie de montrer à quel point il m'a été utile de réussir à détacher le désir de la pensée que le satisfaire serait nécessairement un bonne chose. Cela me permet d'être très libre dans mes désirs.
Le désir ne me colle plus comme un sparadrap. Il est juste là. Comme toute autre pensée, il apparaît dans ma tête, mais alors, si je ne le tripote pas trop, il s'efface. S'il revient, je refais la même chose. Je le laisse tranquille, et je le laisse s'effacer tout seul à son rythme.
Il est difficile de dire exactement comment cela est en rapport avec l'Octuple Sentier du comportement éthique. Mais je vois bien comment c'est en rapport avec Zazen. Quand on est assis en Zazen, ce n'est pas toujours l'activité la plus agréable au monde. En fait, essayer de rester assis très immobile pendant une période étendue peut amener les désirs à surgir de la façon la moins opportune.
Pour moi, le principal désir que me vient à chaque fois que je fais Zazen, c'est: "Je veux faire autre chose. N'importe quoi d'autre!" Je voudrais sauter et sortir de la pièce en courant. Parfois le désir d'arrêter Zazen est si fort que c'en est presque écrasant.
S'asseoir avec ce désir encore, encore et encore, pendant des années et des années entraîne une comportement différent par rapport au désir. Je me suis mis à observer que je n'avais pas vraiment besoin de réagir au désir d'aller voir ailleurs. En fait, ne pas réagir était plus agréable.
Petit à petit, je me suis mis à avoir la même relation avec mes autres désirs. Je pouvais les évaluer de façon plus rationnelle et voir plus clairement lesquels méritaient qu'on tente de les satisfaire, et lesquels ne le méritaient pas.
Mon désir de milkshake est assez évident. Personne n'a réellement besoin d'un milkshake. C'est sûr, ils sont bons, mais ce n'est pas vraiment de la nourriture. Ils ne vous font pas tant de bien que ça.
Mais, quoi qu'il en soit, après la discussion, il y en a qui sont allés chez Tommy, le restaurant du coin, et qui m'ont rapporté un milkshake au beurre de cacahuète.
Il était délicieux!
J'ajoute, à titre personnel, que la version des Quatre Nobles Vérités qu'il cite, était très critiquée par Nishijima. Je ne l'aime pas moi non plus, mais il est vrai que c'est ce qu'on entend le plus souvent. En fait le vrai texte sanscrit ne dit que "Il y a la souffrance; il y a l'accumulation; il y a la libération; il y a le sentier". Dire "il y a la souffrance" n'est pas pareil que dire "la vie n'est que souffrance".