Ambapali
16. (...) Ambapali, la courtisane, vint à savoir que le Béni du Ciel était arrivé à Vésali et demeurait dans son bosquet de manguiers. Elle ordonna donc de préparer un grand nombre de belles voitures, monta sur l'une d'entre elles et suivie des autres, se rendit de Vésali à son parc. En arrivant, elle s'approcha à pied du Bienheureux, le salua respectueusement et s'assit à son côté. Et le Béni du Ciel l'instruisit dans le Dharma et l'édifia, et la réjouit.
17. Après quoi Ambapali la courtisane lui parla et lui dit: "Puisse le Béni du Ciel, Monsieur, accepter mon invitation au repas de demain, accompagné de la communauté des moines." Et, par son silence, le Béni du Ciel accepta.
Sure, donc, de son consentement, Ambapali se leva donc, le salua respectueusement, et lui présentant son côté droit, prit congé.
18. (...)
23. Puis, la nuit ayant passé, Ambapali fit préparer des mets de choix, fermes et tendres, et annonça au Bienheureux, "Il est temps, Monsieur, le repas est prêt." Sur ce, le Bienheureux se prépara dans la matinée et, prenant son bol et sa robe, se rendit avec la communauté des moines chez Ambapali et y prit le siège qui lui avait été réservé. Et Ambapali elle-même servit la communauté des moines.
24. Lorsque le Béni du Ciel eut fini son repas et eut enlevé les mains de son bol, Ambapali prit un siège bas et se plaçant au côté du Bienheureux, lui dit: "Ce parc, Monsieur, je l'offre à la communauté des moines commandée par le Bouddha." Et ce dernier accepta le parc. Il instruisit Ambapali, puis se leva et partit.
25. (...)
26. Quand il eut demeuré dans le bosquet d'Ambapali à son gré, il dit au vénérable Ananda, "Viens, Ananda, allons au village de Beluva."
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et ils allèrent demeurer à Beluva.
La maladie qui devait l'emporter
27. A cette époque, le Béni du Ciel s'adressa aux moines et leur dit: "O moines, allez trouver refuge où vous pourrez aux alentours de Vésali où vous êtes les bienvenus, parmi vos connaissances et vos amis, et passez-y la saison des pluies. Quant à moi, je vais la passer ici même, dans ce village de Beluva.."
"Bien, Monsieur," répondirent les moines.
28. Mais alors qu'il avait commencé sa retraite de la mousson, il lui vint une sévère maladie et des douleurs aiguës et horribles. Il les endura patiemment, les comprenant et sans en être troublé.
29. Puis le Bienheureux se dit: "Cela ne serait pas convenable que je décède sans m'adresser à ceux qui m'ont servi, sans prendre congé de la communauté des moines."
30. Et il repoussa la maladie par la force de sa volonté. Sa maladie en fut donc soulagée.
31. Et le Béni du Ciel s'en remit; et peu après il sortit de sa demeure et s'assit à l'ombre de l'immeuble, sur un siège préparé pour lui. Le vénérable Ananda s'approcha alors de lui, le salua respectueusement et s'asseyant d'un côté, lui parla: "Je suis heureux de vous voir remis, Monsieur! Car, à vrai dire, lorsque j'ai vu votre maladie, ce fut comme si mon propre corps s'était trouvé mal, tout s'est assombri et mes sens m'ont fait défaut. Et pourtant, Monsieur, j'ai quand même trouvé du réconfort dans la pensée que le Béni du Ciel ne partirait pas sans donner quelques dernières instructions à la communauté des moines."
32. Le Bienheureux lui répondit: "Quoi d'autre attend de moi la communauté des moines, Ananda? J'ai exposé le Dharma sans faire de distinctions entre doctrine ésotérique et exotérique; il n'est rien, Ananda, à l'égard des enseignements que le Tathagata retienne dans le poing fermé d'un enseignant qui fait de la rétention d'information. Quiconque voudrait penser qu'il doit mener la communauté des moines, ou que celle-ci dépendrait de lui, c'est à lui que j'aurais donné de dernières instructions. Mais, Ananda, le Tathagata n'imagine pas une seconde que ce soit lui qui doit mener la communauté des moines ou que celle-ci devrait dépendre de lui. Donc, quelles instructions voudrais-tu que je donne par rapport à la communauté des moines?
"Je suis vieux, âgé et frêle, Ananda, bien avancé en ans. Ceci est ma quatre-vingtième année, et ma vie est finie. De même qu'une vieille charrette, Ananda, ne tient plus qu'avec difficulté, le corps du Tathagata ne fonctionne plus qu'avec des béquilles. Ce n'est, Ananda, que lorsque le Tathagata, négligeant les objets extérieurs, et avec la cessation de certains sentiments, atteint et demeure dans la concentration sans signes de l'esprit que son corps est plus à l'aise.
33. "Donc, Ananda, soyez à vous mêmes des îles, des refuges, n'en cherchant aucun qui vous soit extérieur; ayez le Dharma pour île, le Dharma pour refuge, n'en cherchez pas d'autre.
(...)
34. (...)
Quatrième partie: Le dernier repas
1. Alors le Béni du Ciel, au petit matin, prit son bol et sa robe et s'en alla mendier à Vesali. A son retour, il dit à Ananda: "Ananda, c'est la dernière fois que le Tathagata voit Vesali. Viens, Ananda, allons à Bhandagama."
(...)
5. Quand le Bienheureux eut demeuré à son gré à Bhandagama, il dit au vénérable Ananda: "Viens, Ananda, allons à Hatthigama."
(...)
Et quand le Bienheureux eut demeuré à son gré à Hatthigama, il dit au vénérable Ananda: "Viens, Ananda, allons à Jambugama."
(...)
6. Et quand le Bienheureux eut demeuré à son gré à Jambugama, il dit au vénérable Ananda: "Viens, Ananda, allons à Bhoganagara."
(...)
13. Quand le Bienheureux eut demeuré à son gré à Bhoganagara, il dit au vénérable Ananda: "Viens, Ananda, allons à Pava."
"Qu'il en soit ainisi, Monsieur." Et le Béni du Ciel prit demeure à Pava avec une grande communauté de moines et demeura dans le bosquet de manguiers de Cunda, qui appartenait à une famille de forgerons.
14. Et Cunda le forgeron l'apprit et se rendit auprès du Béni du Ciel et (...) l'invita pour le repas du lendemain, lui et la communauté des moines. Par son silence, le Bienheureux y consentit.
(...)
17. Et Cunda le forgeron, le lendemain, fit préparer des mets de choix, fermes et tendres, dans sa maison et annonça au Bienheureux: "Il est temps, Monsieur, le repas est servi."
18. Sur ce, le Bienheureux se prépara dans la matinée et, prenant son bol et sa robe, se rendit avec la communauté des moines chez Cunda et y prit le siège qui lui avait été réservé. Et il s'adressa à Cunda, en disant: "Tu peux me servir le sukara-maddava que tu as préparé, Cunda, et le reste, tu peux le servir à la communauté des moines."
(...)"Qu'il en soit ainsi, Monsieur."
19. Après quoi le Béni du Ciel dit à Cunda: "Tout ce qui reste du sukara-maddava, enterre le dans un trou. Car je ne vois pas dans tout ce monde, ni dieux ni ascètes ni brahmanes qui pourraient le manger et le digérer entièremen"Qu'il en soit ainisi, Monsieur."t si ce n'est le seul Tathagata."
Et Cunda fit comme on le lui avait demandé.
(...)
21. Peu après ce repas, une épouvantable maladie prit le Bienheureux et il souffrit des douleurs aiguës et atroces. Mais il les endura patiemment, les comprenant et sans en être troublé.
22. Puis le Bienheureux s'adressa au vénérable Ananda, et lui dit: "Viens, Ananda, allons à Kusinara." Et le vénérable Ananda répondit: ""Qu'il en soit ainsi, Monsieur."
24. En chemin, le Béni du Ciel s'écarta de la route et s'arrêta au pied d'un arbre. Et il dit au vénérable Ananda: "Veux tu bien plier ma robe de dessus en quatre, et la poser? Je suis fatigué et je voudrais me reposer."
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et le vénérable Ananda plia la robe en quatre et la posa par terre.
25. Et le Béni du Ciel s'assit sur le siège qui lui avait été préparé, et dit au vénérable Ananda: "Veux-tu bien m'apporter de l'eau, Ananda. J'ai soif et voudrais boire."
26. Et le vénérable Ananda lui répondit: "Mais juste à l'instant, il y a cinq cents charrettes qui sont passées, et l'eau a été troublée par les roues, elle est boueuse. Mais la Kakutthan'est pas loin et ses eaux sont claires, propres et agréables. On peut y arriver rapidement et elle est bien placée. Là vous pourrez étancher votre soif et raffraîchir vos membres."
27-29. Mais le Bienheureux renouvela sa requête et le vénérable Ananda lui répondit la même chose qu'avant. Le Bienheureux lui demanda donc une troisième fois: "Veux-tu bien m'apporter de l'eau, Ananda. J'ai soif et voudrais boire."
30. Le vénérable Ananda lui répondit alors: "Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et il prit le bol et s'en alla au ruisseau.
(...)
32. Il prit de l'eau dans le bol et l'apporta au Bienheureux, qui la but.
(...)
52. Puis le Béni du Ciel se rendit à la rivière Kakuttha avec les autres moines.
53. Il descendit à la rivière et se baigna et but. Et, en sortant de l'eau, il se rendit dans un bosquet de mangues et dit au vénérable Cundaka: "Veux tu bien plier ma robe de dessus en quatre, et la poser, Cundaka? Je suis fatigué et je voudrais me reposer."
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et le vénérable Cundaka plia la robe en quatre et la posa par terre.
(...)
56. Puis le Bienheureux s'adressa au vénérable Ananda, et lui dit: "Il se peut, Ananda, que quelqu'un voudra reprocher ma mort à Cunda le forgeron, en disant: 'C'est de ta faute, Cunda, si le Tathagata a trouvé sa fin à son dernier repas chez toi.' Alors, Ananda, il faudra dissiper ces reproches comme suit: 'C'est d'un grand bénéfice, ami Cunda, que le Tathagata ait pris son dernier repas chez toi. Car, ami, face à face avec le Béni du Ciel, j'ai appris qu'il y a deux offrandes de nourriture qui sont d'égale valeur, et qui sont celle partagée par le Tathagata avant d'être devenu pleinement éveillé, et celle partagée par lui avant de passer dans l'état de nirvâna dans lequel aucun élément d'attachement ne demeure. Par ce don, le valeureux Cunda a accumulaté des mérites qui lui vaudront longue vie, bien être, renaissance céleste et souveraineté.' Ainsi dissiperas-tu les reproches qu'on fera à Cunda le forgeron."
Cinquième partie: à Kusinara
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur."
1. Alors le Béni du Ciel s'adressa au vénérable Ananda, en disant: "Viens, Ananda, traversons la Hiraññavati, et allons au bosquet de sala des Mallas, près de Kusinara."
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur."
2. Et le Bienheureux, accompagné des moines, traversa de l'autre côté de la Hiraññavati, et se rendit au bosquet de salas des Mallas, près de Kusinara. Et là, il demanda au vénérable Ananda:
3. "Veux-tu bien, Ananda, me préparer une couche entre les deux salas, avec la tête vers le nord? Je suis fatigué, Ananda, et je voudrais m'étendre."[41]
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et le vénérable Ananda fit comme le Béni du Ciel lui avait demandé.
Alors le Bienheureux se coucha sur le côté droit, dans la posture du lion, un pied posé sur l'autre, et s'étendit, dans l'attention et la claire compréhension.
4. A cette époque, ce n'était pas la saison, et les salas n'étaient pas en fleurs.
(...)
6.(...) "Ananda, vous devrez vous entraîner ainsi: 'Nous demeurerons dans le Dharma, vivrons correctement dans le Dharma, marcherons sur la voie du Dharma.'"
(...)
24. Alors le vénérable Ananda demanda: "Comment devrons-nous agir, Monsieur, pour respecter le corps du Tathagata?"
"Ne vous fatiguez pas, Ananda, à honorer le corps du Tathagata. Occupez vous plutôt de vous efforcer pour vous mêmes, pour votre propre bien. Il y a d'autres personnes qui s'occuperont de rendre hommage au corps du Tathagata."
(...)
32. Alors le vénérable Ananda se rendit au monastère, s'appuya contre le linteau de la porte et pleura: "Je ne suis encore qu'un apprenti, et il me faut encore m'efforcer à ma propre perfection. Mais mon maître, hélas, si compatissant envers moi, va s'en aller!"
33. Et le Béni du Ciel demanda à un des moines: "Où est Ananda, moine?"
"Le vénérable Ananda, monsieur, est allé au monastère et pleure dans l'encadrement de la porte et pleure en disant qu'il n'est encore qu'un apprenti, et qu'il lui faut encore s'efforcer à sa propre perfection, mais que son maître, hélas, si compatissant envers lui, va s'en aller!"
34. Le Béni du Ciel demanda alors à un certain moine de lui amener le vénérable Ananda. Et ce moine alla chercher Ananda et lui dit que le Bienheureux l'appelait. Ananda alla le voir, s'inclina devant lui et s'assit sur un côté.
35. Le Béni du Ciel lui dit alors: "il suffit, Ananda! Ne sois pas chagrin, ne te lamente pas! Car n'ai-je pas enseigné depuis le tout début que pour tout ce qui nous est cher il doit y avoir changement et séparation? Que de tout ce qui est né, est venu à être, ce qui est composé et qui est sujet à décomposition, comment pourrait-on dire: 'Fasse que cela ne vienne pas à dissolution!'? Ce genre de choses n'est pas possible. Il y a longtemps, Ananda, que tu sers le Tathagata avec bienveillance en faits, en dits et en pensée, gracieusement, gentiment, de tout coeur et sans compter. Tu en as retiré beaucoup de bien, Ananda! Maintenant, tu devrais mettre ton énergie à ton service et bientôt toi aussi tu seras libre des souillures."
36. Puis le Bienheureux s'adresssa aux moines en disant: "Moines, tous les Eveillés des temps passés ont eu eux aussi des secrétaires excellents et dévoués, comme moi j'ai Ananda. Ainsi en sera-t-il des Eveillés des temps à venir.
37. (...)
38. "Chez Ananda, bhikkhus, on trouve quatre rares qualités superlatives: si une compangie de moines va le voir, ils éprouvent de la joie à le voir; s'il leur parle du Dharma, ils sont réjouis par son discours; et quand il garde le silence, ils sont déçus. Et il en va de même avec les nonnes, les laïcs des deux sexes qui viennent le voir.
45. "Va maintenant, Ananda, rends toi à Kusinara et annonce aux Mallas: 'Aujourd'hui, Vasetthas, à la dernière veille de la nuit, aura lieu le parinirvâna du Tathagat. Approchez, o Vasetthas, approchez! N'allez pas plus tard regretter: "Dans notre village a eu lieu le parinirvâna du Tathagata, mais nous ne lui avons pas rendu visite'"
(...)
47. Alors les Mallas avec leurs enfants, leurs épouses et leur brus furent chagrinés et (...)'Fasse que cela ne vienne pas à dissolution!'?
48. pleins de chagrin, se rendirent au bosquet de salas, le parc des Mallas, là où se trouvait le vénérable Ananda.
(...)
La fin
17. Puis, quand le Béni du Ciel eut rendu son dernier souffle, des moines, non encore libérés de la passion, levèrent les bras au ciel et pleurèrent; certains se jetèrent à terre en se roulant sur le sol, en pleurant (...)
Mais ceux qui étaient libérés se dirent: "Impermanentes sont toutes choses composées. Comment pourrait-il en aller autrement?"
18. Et le vénérable Anuruddha s'adressa aux moines en disant: "Il suffit, mes amis! Ne pleurez pas, ne vous lamentez pas! Car le Bienheureux n'a-t-il pas déclaré que pour tout ce qui nous est cher, il doit y avoir changement et séparation? Que, de tout ce qui est né, est venu à être, est composé et sujet à décomposition, comment pourrait-on dire 'Fasse que cela ne vienne pas à dissolution!'? ."
(...)
16. (...) Ambapali, la courtisane, vint à savoir que le Béni du Ciel était arrivé à Vésali et demeurait dans son bosquet de manguiers. Elle ordonna donc de préparer un grand nombre de belles voitures, monta sur l'une d'entre elles et suivie des autres, se rendit de Vésali à son parc. En arrivant, elle s'approcha à pied du Bienheureux, le salua respectueusement et s'assit à son côté. Et le Béni du Ciel l'instruisit dans le Dharma et l'édifia, et la réjouit.
17. Après quoi Ambapali la courtisane lui parla et lui dit: "Puisse le Béni du Ciel, Monsieur, accepter mon invitation au repas de demain, accompagné de la communauté des moines." Et, par son silence, le Béni du Ciel accepta.
Sure, donc, de son consentement, Ambapali se leva donc, le salua respectueusement, et lui présentant son côté droit, prit congé.
18. (...)
23. Puis, la nuit ayant passé, Ambapali fit préparer des mets de choix, fermes et tendres, et annonça au Bienheureux, "Il est temps, Monsieur, le repas est prêt." Sur ce, le Bienheureux se prépara dans la matinée et, prenant son bol et sa robe, se rendit avec la communauté des moines chez Ambapali et y prit le siège qui lui avait été réservé. Et Ambapali elle-même servit la communauté des moines.
24. Lorsque le Béni du Ciel eut fini son repas et eut enlevé les mains de son bol, Ambapali prit un siège bas et se plaçant au côté du Bienheureux, lui dit: "Ce parc, Monsieur, je l'offre à la communauté des moines commandée par le Bouddha." Et ce dernier accepta le parc. Il instruisit Ambapali, puis se leva et partit.
25. (...)
26. Quand il eut demeuré dans le bosquet d'Ambapali à son gré, il dit au vénérable Ananda, "Viens, Ananda, allons au village de Beluva."
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et ils allèrent demeurer à Beluva.
La maladie qui devait l'emporter
27. A cette époque, le Béni du Ciel s'adressa aux moines et leur dit: "O moines, allez trouver refuge où vous pourrez aux alentours de Vésali où vous êtes les bienvenus, parmi vos connaissances et vos amis, et passez-y la saison des pluies. Quant à moi, je vais la passer ici même, dans ce village de Beluva.."
"Bien, Monsieur," répondirent les moines.
28. Mais alors qu'il avait commencé sa retraite de la mousson, il lui vint une sévère maladie et des douleurs aiguës et horribles. Il les endura patiemment, les comprenant et sans en être troublé.
29. Puis le Bienheureux se dit: "Cela ne serait pas convenable que je décède sans m'adresser à ceux qui m'ont servi, sans prendre congé de la communauté des moines."
30. Et il repoussa la maladie par la force de sa volonté. Sa maladie en fut donc soulagée.
31. Et le Béni du Ciel s'en remit; et peu après il sortit de sa demeure et s'assit à l'ombre de l'immeuble, sur un siège préparé pour lui. Le vénérable Ananda s'approcha alors de lui, le salua respectueusement et s'asseyant d'un côté, lui parla: "Je suis heureux de vous voir remis, Monsieur! Car, à vrai dire, lorsque j'ai vu votre maladie, ce fut comme si mon propre corps s'était trouvé mal, tout s'est assombri et mes sens m'ont fait défaut. Et pourtant, Monsieur, j'ai quand même trouvé du réconfort dans la pensée que le Béni du Ciel ne partirait pas sans donner quelques dernières instructions à la communauté des moines."
32. Le Bienheureux lui répondit: "Quoi d'autre attend de moi la communauté des moines, Ananda? J'ai exposé le Dharma sans faire de distinctions entre doctrine ésotérique et exotérique; il n'est rien, Ananda, à l'égard des enseignements que le Tathagata retienne dans le poing fermé d'un enseignant qui fait de la rétention d'information. Quiconque voudrait penser qu'il doit mener la communauté des moines, ou que celle-ci dépendrait de lui, c'est à lui que j'aurais donné de dernières instructions. Mais, Ananda, le Tathagata n'imagine pas une seconde que ce soit lui qui doit mener la communauté des moines ou que celle-ci devrait dépendre de lui. Donc, quelles instructions voudrais-tu que je donne par rapport à la communauté des moines?
"Je suis vieux, âgé et frêle, Ananda, bien avancé en ans. Ceci est ma quatre-vingtième année, et ma vie est finie. De même qu'une vieille charrette, Ananda, ne tient plus qu'avec difficulté, le corps du Tathagata ne fonctionne plus qu'avec des béquilles. Ce n'est, Ananda, que lorsque le Tathagata, négligeant les objets extérieurs, et avec la cessation de certains sentiments, atteint et demeure dans la concentration sans signes de l'esprit que son corps est plus à l'aise.
33. "Donc, Ananda, soyez à vous mêmes des îles, des refuges, n'en cherchant aucun qui vous soit extérieur; ayez le Dharma pour île, le Dharma pour refuge, n'en cherchez pas d'autre.
(...)
34. (...)
Quatrième partie: Le dernier repas
1. Alors le Béni du Ciel, au petit matin, prit son bol et sa robe et s'en alla mendier à Vesali. A son retour, il dit à Ananda: "Ananda, c'est la dernière fois que le Tathagata voit Vesali. Viens, Ananda, allons à Bhandagama."
(...)
5. Quand le Bienheureux eut demeuré à son gré à Bhandagama, il dit au vénérable Ananda: "Viens, Ananda, allons à Hatthigama."
(...)
Et quand le Bienheureux eut demeuré à son gré à Hatthigama, il dit au vénérable Ananda: "Viens, Ananda, allons à Jambugama."
(...)
6. Et quand le Bienheureux eut demeuré à son gré à Jambugama, il dit au vénérable Ananda: "Viens, Ananda, allons à Bhoganagara."
(...)
13. Quand le Bienheureux eut demeuré à son gré à Bhoganagara, il dit au vénérable Ananda: "Viens, Ananda, allons à Pava."
"Qu'il en soit ainisi, Monsieur." Et le Béni du Ciel prit demeure à Pava avec une grande communauté de moines et demeura dans le bosquet de manguiers de Cunda, qui appartenait à une famille de forgerons.
14. Et Cunda le forgeron l'apprit et se rendit auprès du Béni du Ciel et (...) l'invita pour le repas du lendemain, lui et la communauté des moines. Par son silence, le Bienheureux y consentit.
(...)
17. Et Cunda le forgeron, le lendemain, fit préparer des mets de choix, fermes et tendres, dans sa maison et annonça au Bienheureux: "Il est temps, Monsieur, le repas est servi."
18. Sur ce, le Bienheureux se prépara dans la matinée et, prenant son bol et sa robe, se rendit avec la communauté des moines chez Cunda et y prit le siège qui lui avait été réservé. Et il s'adressa à Cunda, en disant: "Tu peux me servir le sukara-maddava que tu as préparé, Cunda, et le reste, tu peux le servir à la communauté des moines."
(...)"Qu'il en soit ainsi, Monsieur."
19. Après quoi le Béni du Ciel dit à Cunda: "Tout ce qui reste du sukara-maddava, enterre le dans un trou. Car je ne vois pas dans tout ce monde, ni dieux ni ascètes ni brahmanes qui pourraient le manger et le digérer entièremen"Qu'il en soit ainisi, Monsieur."t si ce n'est le seul Tathagata."
Et Cunda fit comme on le lui avait demandé.
(...)
21. Peu après ce repas, une épouvantable maladie prit le Bienheureux et il souffrit des douleurs aiguës et atroces. Mais il les endura patiemment, les comprenant et sans en être troublé.
22. Puis le Bienheureux s'adressa au vénérable Ananda, et lui dit: "Viens, Ananda, allons à Kusinara." Et le vénérable Ananda répondit: ""Qu'il en soit ainsi, Monsieur."
24. En chemin, le Béni du Ciel s'écarta de la route et s'arrêta au pied d'un arbre. Et il dit au vénérable Ananda: "Veux tu bien plier ma robe de dessus en quatre, et la poser? Je suis fatigué et je voudrais me reposer."
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et le vénérable Ananda plia la robe en quatre et la posa par terre.
25. Et le Béni du Ciel s'assit sur le siège qui lui avait été préparé, et dit au vénérable Ananda: "Veux-tu bien m'apporter de l'eau, Ananda. J'ai soif et voudrais boire."
26. Et le vénérable Ananda lui répondit: "Mais juste à l'instant, il y a cinq cents charrettes qui sont passées, et l'eau a été troublée par les roues, elle est boueuse. Mais la Kakutthan'est pas loin et ses eaux sont claires, propres et agréables. On peut y arriver rapidement et elle est bien placée. Là vous pourrez étancher votre soif et raffraîchir vos membres."
27-29. Mais le Bienheureux renouvela sa requête et le vénérable Ananda lui répondit la même chose qu'avant. Le Bienheureux lui demanda donc une troisième fois: "Veux-tu bien m'apporter de l'eau, Ananda. J'ai soif et voudrais boire."
30. Le vénérable Ananda lui répondit alors: "Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et il prit le bol et s'en alla au ruisseau.
(...)
32. Il prit de l'eau dans le bol et l'apporta au Bienheureux, qui la but.
(...)
52. Puis le Béni du Ciel se rendit à la rivière Kakuttha avec les autres moines.
53. Il descendit à la rivière et se baigna et but. Et, en sortant de l'eau, il se rendit dans un bosquet de mangues et dit au vénérable Cundaka: "Veux tu bien plier ma robe de dessus en quatre, et la poser, Cundaka? Je suis fatigué et je voudrais me reposer."
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et le vénérable Cundaka plia la robe en quatre et la posa par terre.
(...)
56. Puis le Bienheureux s'adressa au vénérable Ananda, et lui dit: "Il se peut, Ananda, que quelqu'un voudra reprocher ma mort à Cunda le forgeron, en disant: 'C'est de ta faute, Cunda, si le Tathagata a trouvé sa fin à son dernier repas chez toi.' Alors, Ananda, il faudra dissiper ces reproches comme suit: 'C'est d'un grand bénéfice, ami Cunda, que le Tathagata ait pris son dernier repas chez toi. Car, ami, face à face avec le Béni du Ciel, j'ai appris qu'il y a deux offrandes de nourriture qui sont d'égale valeur, et qui sont celle partagée par le Tathagata avant d'être devenu pleinement éveillé, et celle partagée par lui avant de passer dans l'état de nirvâna dans lequel aucun élément d'attachement ne demeure. Par ce don, le valeureux Cunda a accumulaté des mérites qui lui vaudront longue vie, bien être, renaissance céleste et souveraineté.' Ainsi dissiperas-tu les reproches qu'on fera à Cunda le forgeron."
Cinquième partie: à Kusinara
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur."
1. Alors le Béni du Ciel s'adressa au vénérable Ananda, en disant: "Viens, Ananda, traversons la Hiraññavati, et allons au bosquet de sala des Mallas, près de Kusinara."
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur."
2. Et le Bienheureux, accompagné des moines, traversa de l'autre côté de la Hiraññavati, et se rendit au bosquet de salas des Mallas, près de Kusinara. Et là, il demanda au vénérable Ananda:
3. "Veux-tu bien, Ananda, me préparer une couche entre les deux salas, avec la tête vers le nord? Je suis fatigué, Ananda, et je voudrais m'étendre."[41]
"Qu'il en soit ainsi, Monsieur." Et le vénérable Ananda fit comme le Béni du Ciel lui avait demandé.
Alors le Bienheureux se coucha sur le côté droit, dans la posture du lion, un pied posé sur l'autre, et s'étendit, dans l'attention et la claire compréhension.
4. A cette époque, ce n'était pas la saison, et les salas n'étaient pas en fleurs.
(...)
6.(...) "Ananda, vous devrez vous entraîner ainsi: 'Nous demeurerons dans le Dharma, vivrons correctement dans le Dharma, marcherons sur la voie du Dharma.'"
(...)
24. Alors le vénérable Ananda demanda: "Comment devrons-nous agir, Monsieur, pour respecter le corps du Tathagata?"
"Ne vous fatiguez pas, Ananda, à honorer le corps du Tathagata. Occupez vous plutôt de vous efforcer pour vous mêmes, pour votre propre bien. Il y a d'autres personnes qui s'occuperont de rendre hommage au corps du Tathagata."
(...)
32. Alors le vénérable Ananda se rendit au monastère, s'appuya contre le linteau de la porte et pleura: "Je ne suis encore qu'un apprenti, et il me faut encore m'efforcer à ma propre perfection. Mais mon maître, hélas, si compatissant envers moi, va s'en aller!"
33. Et le Béni du Ciel demanda à un des moines: "Où est Ananda, moine?"
"Le vénérable Ananda, monsieur, est allé au monastère et pleure dans l'encadrement de la porte et pleure en disant qu'il n'est encore qu'un apprenti, et qu'il lui faut encore s'efforcer à sa propre perfection, mais que son maître, hélas, si compatissant envers lui, va s'en aller!"
34. Le Béni du Ciel demanda alors à un certain moine de lui amener le vénérable Ananda. Et ce moine alla chercher Ananda et lui dit que le Bienheureux l'appelait. Ananda alla le voir, s'inclina devant lui et s'assit sur un côté.
35. Le Béni du Ciel lui dit alors: "il suffit, Ananda! Ne sois pas chagrin, ne te lamente pas! Car n'ai-je pas enseigné depuis le tout début que pour tout ce qui nous est cher il doit y avoir changement et séparation? Que de tout ce qui est né, est venu à être, ce qui est composé et qui est sujet à décomposition, comment pourrait-on dire: 'Fasse que cela ne vienne pas à dissolution!'? Ce genre de choses n'est pas possible. Il y a longtemps, Ananda, que tu sers le Tathagata avec bienveillance en faits, en dits et en pensée, gracieusement, gentiment, de tout coeur et sans compter. Tu en as retiré beaucoup de bien, Ananda! Maintenant, tu devrais mettre ton énergie à ton service et bientôt toi aussi tu seras libre des souillures."
36. Puis le Bienheureux s'adresssa aux moines en disant: "Moines, tous les Eveillés des temps passés ont eu eux aussi des secrétaires excellents et dévoués, comme moi j'ai Ananda. Ainsi en sera-t-il des Eveillés des temps à venir.
37. (...)
38. "Chez Ananda, bhikkhus, on trouve quatre rares qualités superlatives: si une compangie de moines va le voir, ils éprouvent de la joie à le voir; s'il leur parle du Dharma, ils sont réjouis par son discours; et quand il garde le silence, ils sont déçus. Et il en va de même avec les nonnes, les laïcs des deux sexes qui viennent le voir.
45. "Va maintenant, Ananda, rends toi à Kusinara et annonce aux Mallas: 'Aujourd'hui, Vasetthas, à la dernière veille de la nuit, aura lieu le parinirvâna du Tathagat. Approchez, o Vasetthas, approchez! N'allez pas plus tard regretter: "Dans notre village a eu lieu le parinirvâna du Tathagata, mais nous ne lui avons pas rendu visite'"
(...)
47. Alors les Mallas avec leurs enfants, leurs épouses et leur brus furent chagrinés et (...)'Fasse que cela ne vienne pas à dissolution!'?
48. pleins de chagrin, se rendirent au bosquet de salas, le parc des Mallas, là où se trouvait le vénérable Ananda.
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La fin
17. Puis, quand le Béni du Ciel eut rendu son dernier souffle, des moines, non encore libérés de la passion, levèrent les bras au ciel et pleurèrent; certains se jetèrent à terre en se roulant sur le sol, en pleurant (...)
Mais ceux qui étaient libérés se dirent: "Impermanentes sont toutes choses composées. Comment pourrait-il en aller autrement?"
18. Et le vénérable Anuruddha s'adressa aux moines en disant: "Il suffit, mes amis! Ne pleurez pas, ne vous lamentez pas! Car le Bienheureux n'a-t-il pas déclaré que pour tout ce qui nous est cher, il doit y avoir changement et séparation? Que, de tout ce qui est né, est venu à être, est composé et sujet à décomposition, comment pourrait-on dire 'Fasse que cela ne vienne pas à dissolution!'? ."
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