Effort vs Lâcher-prise...

J'ai réalisé une petite analyse sémiotique sur le thème de l'effort vs lâcher-prise, en me basant sur le carré sémiotique, cela fait ressortir des polarités,
que l'on rencontre souvent dans nos conversations...


Il me semble que la sérénité de l'éveillé résulte d'un subtil équilibre entre effort désintéressé et lâcher prise...N'hésitez pas à écrire ce que ce tableau vous inspire...

Fa

Bravo! Très beau travail. Ces deux ailes me semblent aussi exprimer l’essence (vide et paisible) et la fonction (lumineuse et attentive) de l’esprit, l’équilibre subtil de shamatha et vipashyana.

Comme je le vois, l'essence du Zen de Huineng, Huan-po ou Huai-hai consiste essentiellement à libérer l'esprit de sa tendance à saisir les pensées et les objets des cinq sens. Ainsi, la non-pensée du Zen traditionnel de la dynastie Tang consistait essentiellement à opérer un subtil 'effort' de non-distraction pour ramener la conscience à sa source par un 'lâcher prise' continu. L’objectif de cette méthode qui est aussi une absence de méthode consiste uniquement à libérer l’esprit, soit lui faire perdre sa fâcheuse habitude d'identification aux objets des sens. Gagnant ainsi en liberté, il atteint la qualité de 'non-fixation' pour atteindre le 'sans-demeure' du Soutra du Diamant qui constitue le point central de l’enseignement de Huineng.

Ainsi, l'essence de zazen consiste simplement à demeurer non-distrait dans la nature de l'esprit, soit de demeurer ouvert et attentif pour lâcher prise dès que l'esprit s'accroche ou se laisse emporter et ce, non seulement dans la posture assise mais tout au long de la journée. On ne peut pas être plus clair que Pai Chang Huai Hai à ce sujet. Je constate aussi que le célèbre Ajahn Chah n'enseignait que ça.

Je m’y essaie depuis ce matin. C’est à la fois simple et élégant. La forte impression de redevenir un homme simple et sans affaires, une pure conscience fluide, vide et lumineuse, détachée du corps et des pensées, qui entre et sort par la porte de la vue.

Belle représentation qui a le mérite de simplifier les choses sans des tonnes d'explications.

Oui effectivement...Cela a le mérite de faire apparaître, derrière la polarité initiale ( Effort - Lâcher-prise ), les complémentarités, et les nuances...
Bien sûr mon schéma est orienté vers la problématique Bouddhiste. Un non-bouddhiste aurait peut-être trouvé d'autres mots pour compléter le schéma.
Cela peut aussi être un outils pour élargir la vision, et pour voir les relations entre les polarités, plutôt que de se focaliser sur une seule polarité...
Cela rejoint un peu la subtilité du Zen, qui bien souvent a l'art et la manière de transcender les oppositions, de s'accommoder des ambiguïtés...

Je trouve ça génial. En plus ça à un petit côté geeky à la Shinzen Young.

Merci Huanshen,

C'est quoi le geeky à la Shinzen Young ?

Une petite observation concernant le graphe. Le terme "sérénité" est ici opposé (en regard tout au moins), en quelque sorte, à "ignorance". Je n'aurais, personnellement pas choisi "sérénité" même si, bien évidemment, celle-ci accompagne nécessairement la réalisation (au sens du bouddhisme).

Excuse-moi Fa, je réalise que c'est un peu cryptique pour ceux qui ne connaissent pas Shinzen Young.

Initiallement ordonné dans l'école Shingon au Japon, Shinzen Young est un élève de très longue date du maître Zen Joshu Sasaki (école rinzai branche Myoshin-ji).

Ayant par la suite obtenu un doctorat en mathématique, il arrive à synthétiser la pratique de la méditation bouddhiste (avant tout Vipassana en ce qui le concerne) sous forme de formules mathématiques ou de 'flow charts' du type:

http://www.shinzen.org/Retreat%20Reading/5%20Ways%206%20Themes%20Diagrams.pdf

Un geek ([giːk]) est une personne passionnée, voire obsédée, par un domaine précis. C'est un terme emprunté à l'anglais. Le terme "geek" est employé dans le domaine de l'informatique et plus largement tout ce qui touche aux technologies si bien que de nombreuses personnes font l'amalgame entre les geeks passionnés de hautes technologies (les technophiles) et les geeks en général.

Geeky est l'adjectif tiré de 'geek'.

La notion de geek bouddhiste a été consacrée par Vince Horn qui a lancé l'exellent site 'Buddhist Geeks' qui offre des interviews de personnalités du monde bouddhiste anglo-saxon sous la forme de podcasts:

http://personallifemedia.com/podcasts/236-buddhist-geeks

Merci,, Huanshen, pour cette information. Ça me fait penser aussi à D.T. Suzuki dans "le non mental selon la pensée zen" qui, pour donner une explication "simple" (ou plutôt concise) des relations entre la nature de Bouddha, Prajna, le mental, l'Inconscient (no-mind) et l'inconscient (au sens psychologique), utilise ce type de schéma, l'un statique, l'autre dynamique.

khât ! a écrit:Une petite observation concernant le graphe. Le terme "sérénité" est ici opposé (en regard tout au moins), en quelque sorte, à "ignorance". Je n'aurais, personnellement pas choisi "sérénité" même si, bien évidemment, celle-ci accompagne nécessairement la réalisation (au sens du bouddhisme).

A la place de sérénité tu aurais mis : "Réalisation" c'est cela ? Oui cela me semble également très juste !

Merci pour ces précisions, Huanshen , très intéressant...

Effectivement, "Réalisation" me paraît plus adéquat que "Sérénité".

Pour ceux qui comprennent l'anglais, je recommande vivement les videos de Shinzen Young sur YouTube. Ces CDs "The science of enlightenment" sont par ailleurs remarquables.

Pour les amis du sanskrit, je note que le contraire de l'ignorance (avidya) est vidya (la connaissance) ou jnana. C'est aussi le sens de prajna (de pra=lumière et jna=connaissance). Prajna et l'aspect réalisation et Samadhi l'aspect sérénité de notre nature originelle. Les deux sont inséparables comme la lampe et sa lumière.

Pour les amis du Zen rinzai (ardéchois ou japonais tendance Shofuku-ji), je viens de recevoir les Teishos de Mumon Yamada Roshi sur les tableaux du dressage du buffle donnés en 1955 au monastère de Shofuku-ji à Kobe. Cet ouvrage (Lectures on The Ten Oxherding Pictures) m'a été recommandé par un ami comme étant l'un des rares très bons ouvrages modernes sur le Zen. A première vue, il n'a pas tort. Mumon Yamada était à l'évidence un maître exceptionnel.