Huanshen a écrit:
Je profite de l'occasion pour mentionner que mon intention n'est pas de lancer des polémiques,
Je ne l'ai jamais pensé, mais je sais que ces polémiques existent déjà. Ma formation d'historien a toujours tendance à refaire surface à ces moments-là, et comme je sais qu'il est toujours facile, surtout avec des textes en langue étrangère (je ne suis pas moi-même à l'abri de telles erreurs) de passer sur un détail significatif, je préfère mettre le holà pour bien faire voir qu'il ne s'agit pas de s'attacher à une "vérité" historique indubitable, mais d'être attentif à ne pas transformer trop rapidement les doutes légitimes sur ce qu'on connaît d'une époque lointaine, avec la remise en cause systématique.
Je me souviens avoir lu ailleurs que la transmission que Ju-ching (Rujing en pinyin, où le R se prononce, contre toute logique J) était elle-même douteuse.
Je suis personnellement convaincu que la lignée de transmission que j'ai encore récitée ce matin est tout bonnement en grande partie mythique. Ce qui ne veut pas dire qu'elle soit nécessairement fausse. Je crois profondément à cette transmission ininterrompue, seulement, les noms et leur quantité, ainsi que leurs dates, ne sont pas nécessairement celles que nous récitons. (Il y a par exemple des problèmes de chronologie entre le Troisième Patriarche Jiangqi Sengcan, et le Quatrième Daoyi Daoxin). Mais ce n'est pas important. Ce qui reste important, c'est qu'au plan contemporain, nous ne prétendions pas le contraire de ce qui est vrai. Même si des prédécesseurs l'avaient fait, ce ne serait pas une justification pour nous.
Et si, habituellement dans la Sôtôshu, la lignée de ketsumyaku et de shiho sont les mêmes, au moins depuis le XVII° siècle, ils ne peuvent pas l'être pour tous et toutes les époques. Pensons, par exemple, que Shitou (Sekito) est entré au temple du temps de Huineng (Eno) et a reçu la transmission de Qingyuan (Seigen). Et je pense qu'il y a une raison pour que, traditionnellement, ces deux documents diffèrent: l'un est celui de l'entrée, l'autre celui de l'"aboutissement" (pour autant qu'on puisse employer ce mot...)
Un moine demanda au maître Shin de Chosa, "Où est allé Nansen (un maître ancien) après sa mort?"
Maître Shin répond: "Quand il était jeune novice, Sekito a rencontré le 6ème patriarche en personne"
Le moine rétorque : "J'vous ai rien demandé sur le jeune novice! Je vous ai demandé où Nansen était allé après sa mort!"
Maître Shin répondit:"Oh, ça, c'est des questions qui donnent à penser".