Ky-Miko a écrit:Désolé d'avoir jugé trop vite. Je suis un homme qui se perd souvent dans les théories et j'oublie le moment. J'oublie que d'autre peuvent avoir une autre interprétation que la mienne. Mon coté cartésien du cerveau est beaucoup trop puissant pour être zen.
Permets-moi de te rabrouer, ici. Le "cartésianisme" tel qu'on l'entend en général, n'a que peu à voir avec Descartes, qui insistait sur la nécessité du doute créatif. Ce "cartésianisme" dont tu parles n'est qu'une forme particulièrement dure du rationalisme, attitude qui consiste à refuser tout ce qui se trouve hors de portée des outils dont on dispose.
C'est ce rationalisme qui a permis à Voltaire de tourner en dérision la théorie atomiste. Evidemment, avec les outils intellectuels dont il disposait, le dualisme apparence-essence d'Aristote (qui justifiait la transsubstantiation) était certes plus "raisonnable".
Je dis souvent qu'on aurait pu inventer le tourne-disques dès le XV° siècle: tous les éléments existaient: la cire à cacheter, la connaissance des automates, l'échappement qui permet de réguler un mouvement d'horlogerie, les aiguilles, les pavillons. D'ailleurs, une des premières applications hors horlogerie de l'échappement fut le tourne-broche automatique.
Mais il manquait l'outil intellectuel qui aurait permis de déduire le son de la vibration et inversement.
Se cantonner au rationnalisme, c'est à dire refuser ce que d'autres proposent parce que, intellectuellement, on ne le comprend pas, c'est se condamner à stagner. La véritable démarche scientifique procède autrement.
Mais j'aimerai que quelqu'un m'explique comment qu'un maitre peux vouloir apprendre à un élève le zen ? C'est pas justement à l'opposé même du zen ( essayer d'apprendre le zen ? ).
Il y a quelques années, un de mes amis (maintenant décédé) accordeur de pianos, recevait un stagiaire en apprentissage. Ce garçon avait fait un début de formation dans une école, et devait donc mettre en pratique ses connaissances sur le tas. Si je suis ton raisonnement, ce stage était inutile, et il aurait dû apprendre tout seul à se débrouiller par ses propres moyens, sans pouvoir bénéficier de l'expérience des autres?
Cependant je ne vois pas l'intérêt de méditer. On peux autant être zen lorsqu'on travail que lorsqu'on conduit une voiture ? non ? Est-ce que c'est vraiment parce que des gens le faisait il y a 5000 ans, que c'est efficace ? Je remet en question l'idée que l'expérience à toujours raison...
Réfléchis un peu avant d'écrire. As-tu déjà pensé aux premiers pilotes d'avion? Ceux qui se jetaient en l'air sans savoir piloter: combien en sont morts sans rien pouvoir apporter aux autres? Les pilotes suivant ont pu réduire les risques en apprenant de ceux qui avaient réussi à ne pas en mourir. Souvent, des techniques ont été apprises à la suite d'une intuition de quelqu'un qui voyait bien qu'il allait se crasher, et qui, perdu pour perdu, tentait une manoeuvre idiote qui lui était venue à l'esprit. Lorsque cela marchait, c'était que l'idée n'était pas idiote, mais seulement paradoxale.
Le mot "paradoxe" signifie non pas "absurdité", mais bien "qui va à l'encontre des idées reçues".
L'expérience, c'est vrai, n'a pas toujours raison, mais vouloir s'en priver à ce prétexte est, pour le coup, du gaspillage et de la sottise.
Quand j'avais dix-huit ans, j'ai passé le permis de conduire. Un jour, en hiver, des types du collège ont organisé un rallye. Je devais tenir un check-point. En me rendant sur les lieux, (dans Portneuf), sur une route bien enneigée, je suis arrivé devant une courbe raide à une vitesse trop élevée. Et j'ai fait ce que je savais faire: freiner. Naturellement, la bagnole a fait une belle glissade tout droit sur le poteau de téléphone qu'il y avait en face. J'ai quand même pu redémarrer la voiture, et l'amener au check-point. A la fin de la journée, on est rentrés à Québec en s'arrêtant à tous les garages pour mettre de l'eau dans le radiateur.
C'est alors que ceux qui avaient l'expérience de la conduite sur la neige, dont mon père, m'ont expliqué ce qu'il aurait fallu faire en de telles circonstances. Trop tard, certes, mais néanmoins...
Lorsque, plusieurs années plus tard, je me suis retrouvé un dimanche sur un boulevard (aujourd'hui René Lévesque) sur un magnifique tapis de neige fraîche, à me diriger à cinquante à l'heure pour passer un feu vert (pour moi) et qu'un type m'a grillé la priorité sans même regarder ce qui venait, j'ai évité de lui rentrer dedans, à la hauteur de la portière (ce qui assurait des dégâts maximaux), juste parce qu'à ce moment, j'étais en même temps concentré sur ce que je faisais, et détendu. Ce qu'on m'avait enseigné en paroles s'est traduit en automatismes dans mes bras et jambes, et sans même me rendre compte de ce qui arrivait, j'ai opéré un dérapage contrôlé qui m'a permis d'éviter l'accident de justesse. A un pouce près.
Double conclusion: l'expérience des autres est un don précieux. A ne pas gaspiller, même si on n'a pas à l'ériger en dogme.
Ensuite, ce que les maîtres appellent "l'état normal", qui est celui où l'on ne fait qu'une seule chose à la fois, et qu'on la fait bien, est précieux, et la pratique assise reste un des seuls moyens efficaces de le développer.
Il s'agit d'un principe mal compris: il n'y a pas de différence, ni de séparation, entre le corps et l'esprit. Ce qui veut dire que tout ce qui arrive au corps arrive à l'esprit (quand on a la grippe, par exemple) et que ce qui arrive à l'esprit arrive aussi au corps (sujet d'étude de nombreux médecins sur les relations entre le psychisme et les maladies). C'est pourquoi, de même que tu pourrais faire toutes les études de musicologie que tu voudras, cela ne ferait jamais de toi un musicien, tu pourras spéculer autant comme autant, si tu ne te mets pas à la pratique, cela restera vain.
Vous voyez j'ai peur que certains d'entre vous , vous vous soyez attaché à votre zen . C'est possible de s'attacher au vide ?
C'est sans doute parfois vrai, mais pourrait-on alors réellement parler de "Zen"? Je connais des gens qui se rasent le crâne, revêtent régulièrement des robes blanche, noire et un kesa, qui s'assoient dans des dojos, qui se prosternent, qui tournent en rond d'un air inspiré et qui appellent cela du Zen. Et il y en a d'autres qui, en apparence, font exactement les mêmes choses, et qui, eux, pratiquent le Zen. La différence est souvent infime, mais comme il est dit, "écartez vous d'un millième ou d'un centième de pouce, et vous serez éloignés comme le ciel de la terre".
Même si de telles personnes existent, il faut savoir raison garder et ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain.