Bonjour,
Pour avoir une idée de la pratique de "l'attention juste", voici un extrait de la vision de Roland YUNO Rech...
Pour avoir une idée de la pratique de "l'attention juste", voici un extrait de la vision de Roland YUNO Rech...
L’attention juste :
Pour le Bouddha, l’attention juste, c’était la source de l’éveil. Dans un autre sûtra qui est venu peu après le sermon de Bénarès, le sûtra qu’on appelle le sûtra de Satipatthâna, sur la pratique de l’attention, il parle des quatre types d’attention juste, et à la fin de ce sûtra, il dit : “Si vous pratiquez cela pendant dix ans, vous ne manquerez pas de réaliser la voie”, et puis “si vous le pratiquez pendant un an, vous ne manquerez pas de réaliser la voie.” Et à la fin, il dit : “Et même si vous ne pratiquez cela qu’une semaine, vous ne manquerez pas de réaliser la voie”, c’est-à-dire vous ne manquerez pas de réaliser l’éveil, et il disait qu’il avait réalisé l’éveil en pratiquant cette attention juste.
Pour toutes les pratiques de l’octuple sentier, nous pouvons dire que chacune d’elles inclut toutes les autres. Vous allez le voir avec l’attention juste car l’attention juste, c’est d’abord être attentif à son corps et à sa respiration. Cela inclut donc pour nous la manière de pratiquer zazen. Mais ce n’est pas seulement pendant zazen. C’est d’être parfaitement conscient et centre sur son corps, ses différentes postures, debout, en marchant, assis, allongé, en train de travailler ou en train de se reposer, et d’être présent à chaque instant, n’être dit ni distrait, ni dans la lune, mais corps et esprit complètement “Un” avec ce que nous faisons.
Le Bouddha ne tarit pas d’exemples pour dire que quand un moine pratique l’attention juste, quand il marche, il sait qu’il marche, quand il mange, il sait qu’il mange. En fait, il est parfaitement conscient, attentif, présent dans ce qu’il fait, comme si c’était la chose la plus importante à ce moment- là.
Maître Deshimaru insistait beaucoup sur ce point. Il disait que le Bouddha s’était éveillé en réalisant l’attention à la respiration. Il est vrai que toute sa vie, le Bouddha a donné une très grande attention à la pratique d’Anâpânasati, c’est-à-dire à une totale attention au souffle, à la respiration, qui peut être pratiquée évidemment fondamentalement en zazen, mais aussi dans tous les moments de la vie quotidienne.
Nous pouvons à chaque instant revenir à une conscience de notre respiration et c’est une source d’éveil, de calme, de concentration fondamentale, d’apaisement des émotions. Alors, être attentif à sa respiration, dans un premier temps, c’est observer comment nous respirons.
Est-ce que ma respiration est longue ou courte, profonde ou superficielle ? D’où est-ce que je respire, avec le haut des poumons, avec le ventre ? Est-ce que je respire avec tout le corps ou avec seulement une toute petite partie du corps ? Est-ce que j’expire à fond ou est-ce que je n’expire pas à fond ? C’est cela essayer d’être très attentif à ce qui se passe, non seulement pendant zazen, mais aussi dans tous les moments de la vie quotidienne ; remarquer ce qui se passe lorsque nous sommes confrontés à une émotion, une situation difficile, etc. Qu’est-ce qu’il advient à ce moment- là de notre respiration ? Et si nous revenons à notre respiration, nous nous apercevons que nous arrivons plus rapidement à retrouver un état de calme, de sérénité qui permet de faire face aux situations d’une manière plus appropriée.
L’attention à la respiration ne va donc pas être séparée de l’action juste. Il ne va pas y avoir d’action juste si nous ne sommes pas centrés dans notre respiration parce qu’à ce moment- là, nous allons agir sous l’effet de l’impulsion, d’une émotion, d’une manière mal contrôlée avec des gestes et des paroles désordonnées si nous sommes dans un état d’agitation. Alors que si nous sommes attentifs à notre respiration, concentrés sur notre respiration, bien centrés dans le hara, la réponse a beaucoup plus de chances d’être appropriée, d’être juste. Tout cela, c’est le premier aspect de l’attention juste.
L’attention juste porte ensuite sur les sensations, qui peuvent être agréables, désagréables ou neutres. C’est être bien conscient de ce qui se passe en nous maintenant. Si c’est agréable, ne pas s’attacher à l’agréable, si c’est désagréable, ne pas nécessairement rejeter le désagréable, mais être capable de reconnaître la sensation et de la traverser, d’aller au-delà. C’est ne pas constamment courir après l’agréable et fuir le désagréable, mais être capable, comme le disait Tôsan, d’avoir complètement chaud quand il fait chaud et d’avoir complètement froid quand il fait froid. C’est-à-dire au lieu d’être dans des réactions de rejet par rapport à ce qui se passe, être un avec ce qui arrive, être dans l’acceptation de ce qui est là. S’il fait chaud, il fait chaud, s’il fait froid, il fait froid, et ne pas être de mauvaise humeur par exemple parce que la météo n’est pas bonne. C’est reconnaître ce que cela nous fait, qu’il y a de l’agréable et du désagréable, donc ne pas être insensible. Néanmoins, c’est ne pas dramatiser de ce qui arrive, et en même temps, en tenir compte. La pratique de la voie du Bouddha n’est pas un idéal stoïcien et nous pouvons aussi nous appuyer sur nos sensations pour nous rendre compte que si nous éprouvons quelque chose de désagréable, il y a peut-être aussi quelque chose de réellement toxique dans la situation et qu’il vaut mieux changer ce qui se passe. Ce n’est pas seulement se changer soi-même.
Toute la pratique de l’octuple sentier est essentiellement axée sur le fait de se changer soi-même.
La voie spirituelle n’est pas faire la révolution et changer le monde. Le monde est tel qu’il est, le monde de la nature nous dépasse, nous n’allons pas totalement le maîtriser. Par contre, le monde humain qui est le monde dans lequel nous vivons est essentiellement conditionné par les attitudes de chacun, et donc nous y pouvons beaucoup, mais seulement si nous commençons par nous- même, puisque nous sommes un des éléments de la situation.
Ainsi nous sommes coresponsables de toutes les situations dans lesquelles nous faisons partie, de part l’interdépendance. Par conséquent, être soi- même concentré et attentif, va être un élément de changement de la situation extérieure. Il ne s’agit pas d’être dans une attitude purement stoïque de “je me change moi-même et je ne m’occupe pas du monde”, mais de se dire que soi et le monde sont complètement interdépendants et que si nous avançons un tant soi peu sur la voie, nous faisons avancer également le monde dans lequel nous vivons.
L’attention aux sensations ne consiste donc pas seulement à les traverser, mais également à s’interroger sur ce que ces sensations nous disent de la situation. Elles sont aussi un signe (comme les émotions) qui peut nous guider vers le fait qu’il y ait quelque chose à faire. Par exemple, la compassion est toujours déclenchée au départ par une émotion de sympathie pour l’autre. Mais cette compassion est beaucoup plus active et n’est pas limitée à une émotion que pourrait donner la pitié. Dans la compassion, il y a l’action, il y a la recherche d’un moyen habile pour résoudre la souffrance.
Le troisième aspect de la pratique de l’attention juste va être la compréhension de nos différents états d’esprit. C’est essentiellement la compréhension de “est-ce que je suis maintenant concentré ou dispersé, agité ou calme ? “Être capable d’être très rapidement conscient de l’émotion dans laquelle nous nous trouvons de manière à nous demander de quoi nos émotions, comme nos sensations, sont le signe. Parfois, la colère peut être justifiée parce qu’il y a quelque chose d’injuste. Mais être conscient de ses émotions, c’est surtout éviter de réagir impulsivement, car cela produit généralement de très mauvais résultats et c’est même dangereux. La pratique de zazen nous enseigne que quelle que soit l’émotion, la sensation ou la pensée qui nous anime, lorsque nous faisons zazen, nous restons immobiles, ce qui nous donne donc cette capacité de prise de conscience, et en même temps, de pouvoir différer la réaction, et donc de pouvoir agir non pas justement en réaction, mais avec un réel engagement
A partir éventuellement d’une émotion qui nous aura fait sentir quelque chose, nous allons pouvoir examiner si nous voulons vraiment nous engager dans une action ou laisser passer.
Si nous nous engageons dans une action, à ce moment là, nous devons le faire avec un esprit juste.
Enfin, le quatrième aspect de la pratique de l’attention, c’est ce que nous appelons l’attention aux objets mentaux, c’est-à-dire en gros, à toutes les pensées. C’est un champ extrêmement vaste. Le Bouddha y incluait même toutes les pensées qui concernent le Dharma, c’est-à-dire qu’il mettait dans l’attention aux objets mentaux, l’attention aux quatre nobles vérités, ce qui signifie qu’un moine doit être constamment attentif et se rappeler les quatre nobles vérités.
Nous voyons donc bien dans cet exemple que la pratique de l’attention, qui est un des huit aspects de l’octuple sentier, inclut en elle- même la totalité de la voie du Bouddha.
Roland Yuno Rech