Doubidou a écrit:C'est vrai que les kusen sont peut-être un peu trop systématiques lors des zazen dans l'AZI mais ils ne sont pas tout le zazen et il y a des zazen sans kusen.
Il est à noter aussi qu'un kusen a ceci de particulier qu'il est censé venir d'un état d'esprit particulier puisqu'il est dit par une personne qui fait zazen. Il est donc, je pense, supposé avoir une teneur plus profonde, plus inspirée qu'un propos tenu dans une simple conversation ou débat, fut-il d'enseignement. Il est aussi peut-être appréciable que le récepteur étant lui aussi en zazen a une réceptivité interessante qui n'est pas celle de l'écoute distraite et prompte à la critique et donc est mieux à même de saisir ce qui vient du plus profond de l'enseignant ("de mon coeur à ton coeur").
On peut peut-être aussi considérer qu'une séance de zazen en groupe soit vue comme quelque chose "d'ordinaire" (notre état "vrai") et donc que l'enseignant y cause est bien normal.
Je suis en opposition. Zazen n'existe que lorsqu'on ne fait "que s'asseoir". Sinon, ce n'est pas zazen. (C'est l'opinion de mon maître et la mienne aussi). Si on est dérangés par des bruits de coups de bâton, le froissement constant des robes de la personne qui se promène derrière, ce n'est plus zazen. Si en plus on se fait prendre la tête par une voix qui nous insinue des choses au moment où on tente justement d'établir en soi le calme, et la pénétration, ce n'est plus zazen.
L'idée qu'on ne doit pas être prompt à la critique par rapport à la conférence d'un enseignant est aussi non-bouddhique, car le Bouddha lui-même disait d'être critique envers ce que lui enseignait. Le kusen est d'aileurs caractéristique de la branche du Sojiji qui a toujours eu plus d'affinités avec l'extrême droite japonaise. On se retrouve: "Le chef a toujours raison!" C'est pourquoi les descendants de maître Nishijima font zazen en silence et sans bâton. Après, si l'enseignant a quelque chose à dire, on se retourne et on écoute. Après, on peut poser des questions. Lors des sesshins de Nishijima (maintenant dirigées par son successeur, Brad Warner) au Tokei-in, on installe des tables, et on prend des notes pendant la conférence. Comme ça, on a des questions à poser, et structurées.
Un correspondant me faisait remarquer l'autre jour que, lors d'une visite du dernier successeur de Kodo Sawaki (le dernier à avoir reçu son shiho), Kishigami,
Un moine japonais (très, très atypique) nous disait récemment
qu'il avait vu évolué deux types de co-disciples : ceux qui se
concentraient uniquement sur la pratique et d'autres qui avaient
poursuivi parallèlement une étude approfondie du bouddhisme. À la
longue, il s'était rendu compte que les seconds étaient devenus plus
modestes que les premiers.
Cela nous avait surpris, dans l'assistance, car on représente
souvent, dans les zen, les « intellos » comme imbus de leur savoir et
perdant le lien avec la réalité. Mais notre bon moine avait insisté,
et à la réflexion, je crois qu'il a raison.
Enfin, trés souvent pour ne pas dire presque toujours à l'AZI, les zazen sont suivis d'un mondo, c'est-à-dire d'une libre discussion entre le dirigeant et les participants du zazen, ainsi ce qui a été dit en kusen peut-être débattu librement et chacun peut exprimer son opinion.
Ce que j'ai toujours observé dans les sesshins azédiques, c'est que, comme ce qu'ils ont entendu était en kusen, les gens n'avaient guère de questions structurées à poser, ce qui aurait été utiles. Et je ne parle pas du cérémonial qui entoure les questions. Cérémonial dont Nishijima (je vous rappelle qu'il était l'élève personnel de Niwa Zenji) n'a strictement rien à foutre. Et des questions intéressantes, là il y en a.
Vous savez, si après le décès de maître Deshimaru le zen français s'était développé comme avant, il serait aujourd'hui bien plus important. Sa stagnation n'est pas, à mon avis, un hasard.