Il semble que Zenoob n'a besoin de personne pour défendre son cas avec art!
Je dois dire que ça fait plaisir de voir une capacité à argumenter sans éluder le problème ni le rejeter par la violence.
Je me rappelle il y a une vingtaine d'années, Jacques Salomé parlait de la relation klaxon, celle qui consiste à dire à quelqu'un : "tu...ceci, tu...cela", et on l'enferme dans la définition qu'on a de lui-même.
Il me semble, et ne le prends pas à charge, Peaceful, que c'est ce que tu fais depuis un moment, et qui me mets moi aussi mal à l'aise, car je pense qu'on ne peut forcer quelqu'un à l'éveil ni à la guérison malgré lui. Et comme te le dis clairement Zenoob, tu le diagnostique et le passe au crible des grilles d'évaluation qui sont avant tout les tiennes, sans te questionner sur ta subjectivité propre, sur la façon dont ton regard influence ta propre perception de ce qu'il est.
Ce qui à mon sens est le sens premier de la pratique du zen, de l'observation, de la méditation.
Ce que Kaikan rappelle dans ce terme très simple et ô combien difficile à pratiquer de tourner son regard à 180 degrés, se regarder soi-même.
Ce n'est pas grave en soi, et il est presque naturel d'avoir ce mouvement de recul et de saisie psychique de l'autre, c'est ce que font tous les soignants, médecins, quelque part : on doit objectiver le problème.
Mais attention : c'est aussi avant tout une personne dont il s'agit : attention de ne pas confondre le problème et la personne! La personne n'est pas son diagnostic : le diagnostic est un outil provisoire qui permet de prendre une décision thérapeutique, d'élaborer une stratégie thérapeutique. Il n'est pas une fin en soi.
Or la tentation est grande de vouloir se tester, et se prouver qu'on avait raison, en utilisant l'autre pour cela. Je sais de quoi je parle par expérience, je suis soignant, donc confronté tout le temps à ce problème.
Il faut donc simplement rester vigilant à garder cette distance, à ne pas croire que parce qu'on le pense on a raison, mais confronter ce qu'on pense et sent, à la réalité. Exercice subtil et dioffioile à laquelle notre culture ne nous habitue pas.
Mais la réflexion de Zenoob sur les thérapies comportementales, les TCC, me paraît réellement pertinente et me confirme un vécu personnel de cela il y a moins d'un an, où j'ai ressenti la même gène vis à vis d'un thérapeute : il semble donc qu'il y ait là un lien, une explication à cette façon d'appréhendre les choses, et c'est bien de le voir et le comprendre. Je voulais faire une tranche de thérapie, pour avoir une aide que je sentais nécessaire.
Je suis tombé sur quelqu'un de super brillant, et là me semble être le problème : très intelligent, mais très dans l'esprit de saisie. Et du coup, au bout de quelques mois d'un travail où j'avais l'impression qu'on restait au bord du bain sans y aller, et où je me sentais en fait obligé de me conformer à ses propres besoins par rapport à sa conception du cadre thérapeutique, j'ai cessé d'y aller, quand après avoir fait une sesshin avec TOkuda, et eu un diagnostic en médecine chinoise de sa part, il m'a résumé en deux phrases l'état dans lequel j'étais, sauf que là la position thérapeutique me paraissait non ambigüe, et j'ai alors compris que je n'avais pas envie de suivre une thérapie où il fallait d'abord que je me plie au besoin du thérapeute, qu'il ne reconnaissait pas lui-même, où je sentais tout plein de normes dites et non dites liées à son cursus, une volonté de me maîtriser (normal, j'ai de la bouteille, donc de potentielles fortes résistances liées au fait d'une exigence et de peurs autres que celle du candide).
Pour dire, un jour il m'a dit que dans les réunions qu'il faisait avec ses collègues, en parlant de moi et d'un truc que je lui avait dit (à savoir que je payais le prix d'exister en le payant, ce qui l'avait fait bondir), ça les avait fait bien rire. Le tout dit en étant debout et passant derrière moi, et moi assis. Ce qui pour moi s'apparentait à une attitude de domination.
Et un jour il me parla de zen, qu'il a tenté, tentant de me faire comprendre qu'il avait vu les limites du truc, là où je pense qu'il n'a pas vu l'illimite du truc.
Le problème des TCC, c'est qu'à mon avis elles renforcent l'ego, et ne travaillent pas sur l'autre versant, celui de prendre un peu de distance avec celui-ci.
j'ai découvert que je n'avais pas envie qu'on me dise qui je suis, mais d'avoir un espace où l'on me laisse advenir, ce que j'ai trouvé avec un de ses collègues qui, lui, travaille en massage biodynamique. Ce qui à mon avis crée une profonde différente : on ne travaille pas à partir d'idées et de paroles, pas seulement, mais de la concrète expression de la pulsion. Cela fait toute la différence pour moi, et j'ai eu le sentiment de franchir un cap récemment avec ce thérapeute, dans la possibilité du maintien de la relation, là où je n'ai pu avec le thérapeute précédent, où je suis resté avec un goût amer, et en plus de la culpabilité d'avoir rompu la relation, et rien dit de tout cela. Mais je n'avais pas envie de payer 50 euros pour lui dire que je n'étais pas satisfait, ni continuer à se branler le kiki en tournant autour de ma névrose sans la travailler vraiment.
Bon, j'ai digressé, mais tout ça pour dire que les TCC, c'est bien, mais qu'il ne faut pas oublier que ça n'empèche pas qu'il faut aussi garder à l'esprit la non substantialité de notre petit ego chéri. Donc que quand on cause à quelqu'un de sa névrose, c'est bien d'en même temps observer que nos paroles sont le fruit de nos pensées qui sont le fruit d'un contact de nos organes des sens (mental compris) avec ce qui nous entoure, dont n'ont aucune valeur absolue, mais toujours relatives, reliées à un ensemble dynamique circonstanciel.
MAis l'expérience me montre que parfois seulement énoncer ce qu'on perçoit de cet ensemble dynamique lié à causes et conditions, a une action thérapeutique profonde dans le simple sens que la personne, alors, se situe dans cet ensemble parce qu'on l'énonce, le formule. On n'a rien fait, mais la personne peut se regarder dans le miroir, et se situer, et alors souvent elle trouve toute seule les réponses pour sortir de l'ornière.
Juste être là suffit parfois, sans rien faire de spécial. C'est bien plus fort que l'on ne croit.