Que dirait, par exemple (imaginons !), un maître zen à un esclave qui viendrait le voir en se plaignant de sa condition ? Lui dirait-il de briser ses chaînes, ou alors de s'asseoir et d'accepter ce qu'il est ?
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Zen et engagement social - Faut-il tout accepter ?
Zenoob- vrai fleuron
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Voilà mon questionnement du moment. Comment concilier une révolte qui paraît parfois légitime face aux nombreuses injustices sociales dont nous sommes les spectateurs, et la vision "absolue" de la réalité (avec ses principes d'impermanence, d'interdépendance, qui peuvent mener finalement à se dire que quoi qu'on fasse, tout change, et donc à l'immobilisme ?) que développe la pratique de zazen ?
Que dirait, par exemple (imaginons !), un maître zen à un esclave qui viendrait le voir en se plaignant de sa condition ? Lui dirait-il de briser ses chaînes, ou alors de s'asseoir et d'accepter ce qu'il est ?
Que dirait, par exemple (imaginons !), un maître zen à un esclave qui viendrait le voir en se plaignant de sa condition ? Lui dirait-il de briser ses chaînes, ou alors de s'asseoir et d'accepter ce qu'il est ?
Yudo, maître zen- Admin
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De faire tout ce qui est en son pouvoir pour pouvoir un jour être libéré...
Zenoob- vrai fleuron
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Oui, cet exemple est simple parce que nous avons un point de vue "moderne" pour lequel il est évident que l'esclavage est une saloperie.
Mais une révolution, ou une révolte, implique d'aller complètement contre les idées en place, parfois avec violence ; comment se positionner par rapport à ça ? Imaginons alors, je sais pas moi, une femme dans les années 50, qui se rend compte à quel point elle est exploitée et dénigrée par la société qui l'entoure ; est-ce si évident que ça que de lui conseiller de remettre en cause tout le modèle social qui l'a formatée ainsi, et qui malgré tout fait partie d'elle, alors que tous ou presque (même les femmes) considèrent à ce moment donné de l'histoire qu'il est tout à fait normal qu'une femme reste à la cuisine et torche les gosses ?
En gros, je crois que la question se résume à : est-ce possible de sortir de toutes les conventions et doit on le faire pour pouvoir agir "correctement" ? Ca pose la question de "l'action juste", en fait...
Mais une révolution, ou une révolte, implique d'aller complètement contre les idées en place, parfois avec violence ; comment se positionner par rapport à ça ? Imaginons alors, je sais pas moi, une femme dans les années 50, qui se rend compte à quel point elle est exploitée et dénigrée par la société qui l'entoure ; est-ce si évident que ça que de lui conseiller de remettre en cause tout le modèle social qui l'a formatée ainsi, et qui malgré tout fait partie d'elle, alors que tous ou presque (même les femmes) considèrent à ce moment donné de l'histoire qu'il est tout à fait normal qu'une femme reste à la cuisine et torche les gosses ?
En gros, je crois que la question se résume à : est-ce possible de sortir de toutes les conventions et doit on le faire pour pouvoir agir "correctement" ? Ca pose la question de "l'action juste", en fait...
Kaïkan- Admin
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Zenoob a écrit:Oui, cet exemple est simple parce que nous avons un point de vue "moderne" pour lequel il est évident que l'esclavage est une saloperie.
Mais une révolution, ou une révolte, implique d'aller complètement contre les idées en place, parfois avec violence ; comment se positionner par rapport à ça ? Imaginons alors, je sais pas moi, une femme dans les années 50, qui se rend compte à quel point elle est exploitée et dénigrée par la société qui l'entoure ; est-ce si évident que ça que de lui conseiller de remettre en cause tout le modèle social qui l'a formatée ainsi, et qui malgré tout fait partie d'elle, alors que tous ou presque (même les femmes) considèrent à ce moment donné de l'histoire qu'il est tout à fait normal qu'une femme reste à la cuisine et torche les gosses ?
En gros, je crois que la question se résume à : est-ce possible de sortir de toutes les conventions et doit on le faire pour pouvoir agir "correctement" ? Ca pose la question de "l'action juste", en fait...
C'est plutôt la question de "la question juste".
Il y a dans cette approche beaucoup d'émotions et tellement de comparaisons et de clichés qu'il est difficile de comprendre de quoi il en retourne.
D'abord les révolutions dans la violence ont souvent échoué ou bien n'ont donné qu'un changement de chef mais très peu d'évolution dans les systèmes et quasiment rien pour les populations.
Les révolutions non-violentes ont eu beaucoup plus de résultats probants : voir Gandhi et Martin Luther King.
Pour les révoltes personnelles c'est à chacun de trouver son équilibre. Nous sommes tous confrontés à des injustices et à toutes sortes de contrariétés. Nous pouvons aussi prendre parti pour ou contre les injustices ou les contrariétés des autres et essayer de les défendre ou de les aider.
Mais je me souviens d'avoir entendu un moine zen dire : "La compassion des Bodhisattvas ne consiste pas seulement à aider les vieilles dames à traverser la rue. Il faut élargir notre vision".
Et puis il y a aussi un ordre logique : pour avoir une action juste il faut partir d'une attitude juste dont la source est probablement une vision juste...
Zenoob- vrai fleuron
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Pardon si c'est un peu obscur. J'ai du mal à formuler ce que je sens être un paradoxe.
Tu as raison de souligner que les révolutions non-violentes sont plus efficaces.
Je crois qu'en fait le problème que je me pose est celui de l'acceptation. Je ne vois pas bien comment, par exemple, s'asseoir en zazen est une attitude qui permet de contester, par exemple, des règles sociales injustes.
Si zazen me mène à accepter "ma vie telle qu'elle est", alors le changement volontaire n'y a plus sa place ; de même, si je réalise pleinement mon interdépendance et mon impermanence, et surtout que mon ego est illusoire, alors il n'y a plus d'action possible, elles deviennent toutes vaines. Je n'ai plus à chercher à améliorer quoi que ce soit puisque tout est comme il est ; donc il n'y a pas d'évolution sociale possible, ni d'engagement : l'esclave reste esclave, l'exploité reste exploité et l'exploiteur reste exploiteur.
Le paradoxe pour moi est dans le fait qu'au contraire, je ressens zazen aussi comme quelque chose de tout à fait radical, qui va au delà des règles et des lois sociales...
Tu as raison de souligner que les révolutions non-violentes sont plus efficaces.
Je crois qu'en fait le problème que je me pose est celui de l'acceptation. Je ne vois pas bien comment, par exemple, s'asseoir en zazen est une attitude qui permet de contester, par exemple, des règles sociales injustes.
Si zazen me mène à accepter "ma vie telle qu'elle est", alors le changement volontaire n'y a plus sa place ; de même, si je réalise pleinement mon interdépendance et mon impermanence, et surtout que mon ego est illusoire, alors il n'y a plus d'action possible, elles deviennent toutes vaines. Je n'ai plus à chercher à améliorer quoi que ce soit puisque tout est comme il est ; donc il n'y a pas d'évolution sociale possible, ni d'engagement : l'esclave reste esclave, l'exploité reste exploité et l'exploiteur reste exploiteur.
Le paradoxe pour moi est dans le fait qu'au contraire, je ressens zazen aussi comme quelque chose de tout à fait radical, qui va au delà des règles et des lois sociales...
Kaïkan- Admin
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Zenoob a écrit:Le paradoxe pour moi est dans le fait qu'au contraire, je ressens zazen aussi comme quelque chose de tout à fait radical, qui va au delà des règles et des lois sociales...
C’est à mon avis déjà un début de vision juste. Je ne vois pas le paradoxe par contre, c’est peut-être que je suis tellement habitué que les paradoxes me paraissent des évidences…
Pour revenir sur « accepter » je n’ai pas non plus un grand attrait pour l’acceptation et je serais même enclin à prôner le refus (neti neti), même si en fin de compte on parle de la même chose et que « paradoxalement » les deux attitudes sont équivalentes.
Peut-être est-il plus judicieux de dire : "laisser-passer", être plus indifférent, plus fluide, éviter "the rough edges" devenir insaisissable.
J’ai, depuis le commencement, pratiqué zazen comme la « Voie de la liberté ». Je ne pense pas avoir été déçu…
Zenoob- vrai fleuron
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Le paradoxe serait le suivant (s'il y en a bien un, peut être que non en effet) :
S'asseoir en zazen permet de voir la vie telle qu'elle est et de ne pas s'en distinguer, ce qui veut dire ne pas lutter pour changer quoi que ce soit. C'est l'attitude de l'esprit, sans but (mushotoku je crois), qui semble incompatible avec une action socialement orientée : on se contente d'être ce qu'on est. Or, en même temps, s'asseoir, c'est changer tout ce qui nous entoure, nous changer nous mêmes, c'est un acte qui va forcément contre l'ordre social, c'est un refus des règles toutes faites. C'est donc à la fois un acte d'acceptation, et en même temps un acte de refus.
S'asseoir en zazen permet de voir la vie telle qu'elle est et de ne pas s'en distinguer, ce qui veut dire ne pas lutter pour changer quoi que ce soit. C'est l'attitude de l'esprit, sans but (mushotoku je crois), qui semble incompatible avec une action socialement orientée : on se contente d'être ce qu'on est. Or, en même temps, s'asseoir, c'est changer tout ce qui nous entoure, nous changer nous mêmes, c'est un acte qui va forcément contre l'ordre social, c'est un refus des règles toutes faites. C'est donc à la fois un acte d'acceptation, et en même temps un acte de refus.
Kaïkan- Admin
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Zenoob a écrit:Le paradoxe serait le suivant (s'il y en a bien un, peut être que non en effet) :
S'asseoir en zazen permet de voir la vie telle qu'elle est et de ne pas s'en distinguer, ce qui veut dire ne pas lutter pour changer quoi que ce soit. C'est l'attitude de l'esprit, sans but (mushotoku je crois), qui semble incompatible avec une action socialement orientée : on se contente d'être ce qu'on est. Or, en même temps, s'asseoir, c'est changer tout ce qui nous entoure, nous changer nous mêmes, c'est un acte qui va forcément contre l'ordre social, c'est un refus des règles toutes faites. C'est donc à la fois un acte d'acceptation, et en même temps un acte de refus.
Exact, c'est un paradoxe sans en être un.
Je le reformulerais volontiers en reprenant les mêmes mots ou presque :
S'asseoir en zazen c'est être la vie et c'est donc aussi la "voir", la comprendre intimement sans être obligé de lutter ou d'essayer de changer quoi que ce soit.
Cette attitude du corps-esprit présent ici et maintenant est sans but d'obtention; elle peut donc s'adapter à toute action sans aucune discrimination.
On est assis tel qu'on est mais en même temps zazen influence tout l'univers et nous changeons nous-mêmes d'instant en instant au-delà de toutes normes ou conventions mentales sociales humaines ou autres.
Zazen est donc un acte révolutionnaire qui ne dérange personne. Il représente donc bien l'ahimsa entre autres choses...
Fred- Animateur
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zenoob :
C'est l'attitude de l'esprit, sans but (mushotoku je crois), qui semble incompatible avec une action socialement orientée : on se contente d'être ce qu'on est.
Bonjour,
Je pense que s'il nous apparaît comme juste de mener une action socialement orientée, ce n'est pas zazen qui devrait nous en empêcher.
/\
lausm- 無為 - mui -
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Le problème de trop de révolutions, c'est qu'elles sont faites contre quelque chose ou quelqu'un.
Retirez l'oppresseur, et que reste-t-il comme moteur de l'élan vital, si on n'apprend qu'à se construire en résistance à quelque chose??
C'est pour ça que je souscris complètement à ce que disait Deshimaru quand il parlait de révolution, en disant qu'elle ne serait ni politique ni sociale ni technologique ni plein d'autres trucs, mais que la véritable révolution serait spirituelle, serait de "tourner le regard à 180 degrés, de tourner le regard vers l'intérieur."
Retirez l'oppresseur, et que reste-t-il comme moteur de l'élan vital, si on n'apprend qu'à se construire en résistance à quelque chose??
C'est pour ça que je souscris complètement à ce que disait Deshimaru quand il parlait de révolution, en disant qu'elle ne serait ni politique ni sociale ni technologique ni plein d'autres trucs, mais que la véritable révolution serait spirituelle, serait de "tourner le regard à 180 degrés, de tourner le regard vers l'intérieur."
Zenoob- vrai fleuron
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Date d'inscription : 08/09/2011
D'accord Lausm, mais quand même : quand on souffre par exemple à cause d'une oppression politique très forte, ne faut-il pas réagir contre ça ? Dire à un homme qui bosse dans une mine pour que dalle alors que son patron s'engraisse de "tourner le regard à 180°" (pour faire un peu de Germinal), ça me paraît un peu limite ! Mais en même temps, s'asseoir et arrêter de travailler, de façon non violente, peut être une action de révolte efficace...
Il y a un point de vue intéressant aussi dans un bouquin de Dainin Katagiri, "Returning to silence", où il parle d'"incarner la paix". Il dit en gros qu'on ne peut pas espérer de changement positif dans une situation de tension sociale (voire de guerre) si on n'incarne pas la paix, dans son attitude, dans son être. Il cite une histoire apparemment connue, dans laquelle le pays de Bouddha se fait envahir par un seigneur de guerre brutal, et notre pote Bouddha se contente de s'assoir au bord de la route par laquelle passe l'armée de l'envahisseur. Si quelqu'un connaît cette histoire et où je pourrais en lire une version, ça m'intéresse !
Il y a un point de vue intéressant aussi dans un bouquin de Dainin Katagiri, "Returning to silence", où il parle d'"incarner la paix". Il dit en gros qu'on ne peut pas espérer de changement positif dans une situation de tension sociale (voire de guerre) si on n'incarne pas la paix, dans son attitude, dans son être. Il cite une histoire apparemment connue, dans laquelle le pays de Bouddha se fait envahir par un seigneur de guerre brutal, et notre pote Bouddha se contente de s'assoir au bord de la route par laquelle passe l'armée de l'envahisseur. Si quelqu'un connaît cette histoire et où je pourrais en lire une version, ça m'intéresse !
Fred- Animateur
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zenoob :
Que dirait, par exemple (imaginons !), un maître zen à un esclave qui viendrait le voir en se plaignant de sa condition ? Lui dirait-il de briser ses chaînes, ou alors de s'asseoir et d'accepter ce qu'il est ?
Yudo, maître zen a écrit:De faire tout ce qui est en son pouvoir pour pouvoir un jour être libéré...
J'aime bien la réponse de Yudo.
Que doit faire un esclave qui souffre de sa condition : il doit tout faire pour se libérer. C'est simple, direct, plein de bon sens. Une philosophie ou une pratique qui s'interposerait par l'intermédiaire de conseils comportementaux type théoriques face à cette évidence de l'esclave face à sa souffrance, serait une philosophie qui aurait sans doute délaissé son ancrage à la réalité.
Mais, il me semble, que nous devons voir aussi de notre propre point de vue, ce que nous cherchons lorsque nous projettons des situations types, telle que celle de l'esclave.
Il me semble que nécessairement s'il y'a difficulté à faire que s'embrassent notre compréhension de la pratique avec une situation type, c'est sans doute que la pratique en question, celle dont nous parlons, n'est pas, à l'instar de la situation type qui n'existe pour nous qu'en termes idéalisés, la véritable pratique. C'est toujours une idée de la pratique qui affronte une idée d'une situation type, ce n'est pas le réel de Soi assis sur un zafu, et ce n'est pas le réel d'un esclave qui souffre véritablement de sa propre situation d'esclave.
Zenoob- vrai fleuron
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Oui Fred tu as raison, de même que le maître, dans cet exemple, est une projection, l'esclave aussi, etc. Mais je crois aussi que tout ordre social est une projection, une représentation de l'ordre du symbole : les règles sociales qui nous lient tous ne sont pas absolues, même si elles donnent l'illusion de l'être. Pourtant ça fait aussi partie de notre réalité puisque nous sommes des êtres de relations, des êtres sociaux, et que zazen s'inscrit aussi par certains côtés dans la société (la pratique en groupe, l'institution religieuse, etc.).
Donc il est difficile de parler de zazen et de la société sans faire des projections ; les deux semblent appartenir à deux registres différents, même si ce n'est pas réellement le cas...
En tout cas on peut faire l'hypothèse que zazen permet, par exemple, de prendre conscience du "social en nous", c'est à dire des contraintes sociales qui pèsent sur la pratique (culpabilité de "ne rien faire", par exemple ; fierté de "ne pas faire comme les autres" ; et tous les petits trucs qu'on ressent quand on pratique en groupe, etc.), ce qui est déjà une forme de progrès social, puisque la prise de conscience est la condition sine qua non de la libération, il me semble !
Donc il est difficile de parler de zazen et de la société sans faire des projections ; les deux semblent appartenir à deux registres différents, même si ce n'est pas réellement le cas...
En tout cas on peut faire l'hypothèse que zazen permet, par exemple, de prendre conscience du "social en nous", c'est à dire des contraintes sociales qui pèsent sur la pratique (culpabilité de "ne rien faire", par exemple ; fierté de "ne pas faire comme les autres" ; et tous les petits trucs qu'on ressent quand on pratique en groupe, etc.), ce qui est déjà une forme de progrès social, puisque la prise de conscience est la condition sine qua non de la libération, il me semble !
Fred- Animateur
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En tout cas on peut faire l'hypothèse que zazen permet, par exemple, de prendre conscience du "social en nous", c'est à dire des contraintes sociales qui pèsent sur la pratique :
Telle que je comprends la pratique, aucune contrainte ne peut peser sur elle, cela parce qu'on ne peut la distinguer des contraintes sociales elles mêmes. Ainsi quand nous pratiquons zazen, nous pratiquons les contraintes sociales.
ce qui est déjà une forme de progrès social, puisque la prise de conscience est la condition sine qua non de la libération, il me semble !
On peut dire également à mon sens que la pratique et la libération ne peuvent être distinguées. Ainsi ne pouvons nous accéder à aucune forme de liberté grâce à zazen, ce qui en soi est précisément liberté.
On pourrait appeler cette liberté "la perle brillante", ou le "tel quel".
Yudo, maître zen- Admin
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Prenons deux exemples:
Dans l'Antiquité où les lois prévoyaient l'affranchissement de l'esclave, ceux qui l'étaient l'étaient en général parce qu'ils avaient avantageusement servi leur patron, avec fidélité et empathie. Il y avait certes toutes sortes de restrictions à la condition de l'affranchi, mais ces restrictions étaient largement moindres pour sa descendance.
Ces mesures, à Rome, ont été élargies précisément pour éviter les révoltes type Spartacus, parce qu'un esclave qui n'a aucune porte de sortie est perçu comme plus dangereux qu'un autre.
Dans les Etats-Unis d'avant la Guerre de Sécession, l'affranchissement n'existait pratiquement pas. Quand bien même eût-il existé qu'il serait resté l'obstacle du racisme. La solution était alors la fuite, pour ceux qui se sentaient de l'envisager. On peut imaginer qu'il n'est guère évident de traverser tout le territoire du Sud au Nord pour atteindre le Canada. Pour les autres, il ne leur restait qu'à espérer tomber sur des propriétaires plus humains. Mais, encore une fois, il est bien vain, de notre situation à nous, de spéculer sur ce qui pouvait être juste pour ces gens-là.
Ce qui reste bien évident, à mes yeux, c'est que souvent, la seule chose qui reste à notre portée est la parole. J'ai beaucoup entendu dénigrer la parole. Certes, comme dans l'histoire d'Esope, la langue est la pire et la meilleure des choses, et on peut parler à vide, parler pour rien dire, parler "à travers son chapeau" (expression québécoise qui veut dire parler de ce qu'on ne connait pas), et cela discrédite la parole. Mais on peut parler sincèrement de ce qu'on pense, et bien des attitudes reçues sur un sujet ou l'autre (racisme, sexisme, etc.) ont pu être ébranlées par une prise de parole opportune et bien placée.
Dans l'Antiquité où les lois prévoyaient l'affranchissement de l'esclave, ceux qui l'étaient l'étaient en général parce qu'ils avaient avantageusement servi leur patron, avec fidélité et empathie. Il y avait certes toutes sortes de restrictions à la condition de l'affranchi, mais ces restrictions étaient largement moindres pour sa descendance.
Ces mesures, à Rome, ont été élargies précisément pour éviter les révoltes type Spartacus, parce qu'un esclave qui n'a aucune porte de sortie est perçu comme plus dangereux qu'un autre.
Dans les Etats-Unis d'avant la Guerre de Sécession, l'affranchissement n'existait pratiquement pas. Quand bien même eût-il existé qu'il serait resté l'obstacle du racisme. La solution était alors la fuite, pour ceux qui se sentaient de l'envisager. On peut imaginer qu'il n'est guère évident de traverser tout le territoire du Sud au Nord pour atteindre le Canada. Pour les autres, il ne leur restait qu'à espérer tomber sur des propriétaires plus humains. Mais, encore une fois, il est bien vain, de notre situation à nous, de spéculer sur ce qui pouvait être juste pour ces gens-là.
Ce qui reste bien évident, à mes yeux, c'est que souvent, la seule chose qui reste à notre portée est la parole. J'ai beaucoup entendu dénigrer la parole. Certes, comme dans l'histoire d'Esope, la langue est la pire et la meilleure des choses, et on peut parler à vide, parler pour rien dire, parler "à travers son chapeau" (expression québécoise qui veut dire parler de ce qu'on ne connait pas), et cela discrédite la parole. Mais on peut parler sincèrement de ce qu'on pense, et bien des attitudes reçues sur un sujet ou l'autre (racisme, sexisme, etc.) ont pu être ébranlées par une prise de parole opportune et bien placée.
Fred- Animateur
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Yudo :
Ces mesures, à Rome, ont été élargies précisément pour éviter les révoltes type Spartacus, parce qu'un esclave qui n'a aucune porte de sortie est perçu comme plus dangereux qu'un autre.
Juste pour revenir à une pensée en rapport avec le fait de se connaître soi-même ou le fait de tourner son regard à 180°; il m'apparaît que c'est en imaginant des issues de sortie que nous nous rendons nous même objet d'une certaine forme d'esclavage mental. Ainsi, imaginons-nous un ailleurs, un autrement, un au delà.
Réalisant le "Sans issue" pourtant nous devenons comme l'animal pris au piège et qui sait qu'il ne peut rien faire pour éviter la mort. C'est à ce moment là qu'il lâche prise et se confie aux mains de son destin.
Une fois, j'ai vu l'exécution d'un mouton au Mali. Il était tellement ficelé, il était tellement impossible pour lui de bouger, de remuer ne serait-ce qu'une oreille, qu'on a entendu son souffle s'apaiser, il était prêt à mourir, il n'y avait plus pour lui d'échappatoire. S'asseoir en zazen, c'est peut-être cela en quelque sorte, c'est voir qu'il n'y a nulle part où aller...pas de liberté à conquérir, pas de super pouvoir à découvrir.
Kodo Sawaki :
Et dis-moi, puisque tu ne te trouves pas bien là où tu es, où exactement veux-tu aller?
Rien, pas d'échappatoire
PS : Désolé, je suis un peu HS là
Zenoob- vrai fleuron
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Fred a écrit:Juste pour revenir à une pensée en rapport avec le fait de se connaître soi-même ou le fait de tourner son regard à 180°; il m'apparaît que c'est en imaginant des issues de sortie que nous nous rendons nous même objet d'une certaine forme d'esclavage mental. Ainsi, imaginons-nous un ailleurs, un autrement, un au delà.
C'est exactement cette approche qui, moi, me questionne et est à l'origine de ce fil. Cette attitude n'est-elle pas quelque part un frein au progrès social ? Si personne n'imaginait jamais que les choses pourraient être autrement, alors on aurait encore des rois en France, il n'y aurait pas eu de résistance pendant la 2de guerre mondiale, pas d'homme sur la lune, etc etc... Je conçois bien ce que tu dis Fred, et j'y adhère d'un certain côté : il est vrai que s'imaginer autre chose que ce qu'on vit peut être douloureux et que la liberté n'est possible qu'en ne faisant qu'un avec ce qu'on est ici et maintenant ; mais d'un autre côté, si cela veut dire refuser l'imagination pour cautionner le fait que le soumis reste soumis, je ne suis pas sûr d'être d'accord avec ça.
De plus, est-on sûr qu'il faille en zazen rejeter tout ce qui est pensée ou imagination ? Ca fait partie de la vie humaine, comme le reste, non ? L'important est de ne pas en être l'esclave ou de ne pas y être attaché, mais je crois (j'espère) que rien n'interdit de rêver !
Fred- Animateur
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Je crois que l’idée de ne pas se perdre dans un idéal « d’ailleurs », « d’autrement », « d’au-delà », touche à un aspect particulier : celui de l’avidité. Il touche l’espoir reposant sur l’idée d’une obtention illusoire faite d’une idée particulière de la liberté, d’une idée d’un soi, goûtant enfin à un bonheur sans trêve fait d’exaltation infinie etc. enfin, chacun son fantasme plus ou moins réaliste selon les cas.
Quoi qu'il en soit, je pense qu’on trouvera chez bon nombre des personnes qui se dirigent vers le zen et les religions, des idéalistes insatisfaits croyant voir dans la notion d’éveil par exemple, un quelque chose d’extraordinaire qu’ils pourraient un jour posséder et qui les dédoineraient de vivre les difficultés de la vie. Or si le zen peut nous être utile, c’est bien dans le sens qu’il peut nous aider à vivre, à vivre cette vie pleine de difficultés : On ne fait pas zazen pour aller au paradis, non, zazen doit nous aider à avoir une coque solide pour affronter la rudesse de l’océan de cette vie.
Je dirais que le « sans issue », c'est juste comprendre que c'est avec cette vie faite de difficultés qu'il nous faut dealer et comprendre également par là même qu'il n'existe aucun "ailleurs" susceptible de nous exonérer de cela.
Ce serait plutôt donc l’idée d’obtention de quelque chose, cette obtention idéalisée par l’esprit avide, qui serait limitative quant à nos actions dans l’ordinaire, puisqu’il apparaîtra que c’est cette même idée qui pourra s’avérer éventuellement comme antinomiques avec ce qu’exige l’ordinaire. Quand l’idée limitative d’obtention par la pratique d’un quelconque paradis disparaît et qu’il ne reste plus que l’ordinaire dont au passage, la pratique fait partie, il n’y aura plus de raison de ne pas faire ce qu’il y’a à faire, plus de raison de s’interdire d’agir vers ce qui nous semblerait juste, plus de raison de rêver tel l'esclave, à un avenir meilleur et à s'en donner les moyens si on le souhaite du fond du coeur et qu'on en a la force etc...
Enfin, c’est mon avis bien sûr, j’espère m’être exprimé clairement.
Quoi qu'il en soit, je pense qu’on trouvera chez bon nombre des personnes qui se dirigent vers le zen et les religions, des idéalistes insatisfaits croyant voir dans la notion d’éveil par exemple, un quelque chose d’extraordinaire qu’ils pourraient un jour posséder et qui les dédoineraient de vivre les difficultés de la vie. Or si le zen peut nous être utile, c’est bien dans le sens qu’il peut nous aider à vivre, à vivre cette vie pleine de difficultés : On ne fait pas zazen pour aller au paradis, non, zazen doit nous aider à avoir une coque solide pour affronter la rudesse de l’océan de cette vie.
Je dirais que le « sans issue », c'est juste comprendre que c'est avec cette vie faite de difficultés qu'il nous faut dealer et comprendre également par là même qu'il n'existe aucun "ailleurs" susceptible de nous exonérer de cela.
Ce serait plutôt donc l’idée d’obtention de quelque chose, cette obtention idéalisée par l’esprit avide, qui serait limitative quant à nos actions dans l’ordinaire, puisqu’il apparaîtra que c’est cette même idée qui pourra s’avérer éventuellement comme antinomiques avec ce qu’exige l’ordinaire. Quand l’idée limitative d’obtention par la pratique d’un quelconque paradis disparaît et qu’il ne reste plus que l’ordinaire dont au passage, la pratique fait partie, il n’y aura plus de raison de ne pas faire ce qu’il y’a à faire, plus de raison de s’interdire d’agir vers ce qui nous semblerait juste, plus de raison de rêver tel l'esclave, à un avenir meilleur et à s'en donner les moyens si on le souhaite du fond du coeur et qu'on en a la force etc...
Enfin, c’est mon avis bien sûr, j’espère m’être exprimé clairement.
Zenoob- vrai fleuron
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Oui oui, ce que tu dis me va tout à fait. Si je te suis bien, tu fais une différence entre une action destinée à "obtenir", et une action destinée à mettre fin à la souffrance, qui se produirait tout naturellement dans la pratique (= dans la réalité, dans l'ordinaire).
Donc la révolte d'un esclave serait "ok" du moment qu'elle correspondrait pour lui à une action dépourvue de volonté d'obtenir quelque chose, mais destinée à mettre fin à la souffrance.
Mais tu admettras que la frontière est ténue : difficile de dire si un esclave qui se révolte est dans l'action juste destinée à mettre fin à la souffrance ou dans l'esprit d'obtention d'un état de liberté qu'il fantasme... Les deux semblent presque indissociables !
Donc la révolte d'un esclave serait "ok" du moment qu'elle correspondrait pour lui à une action dépourvue de volonté d'obtenir quelque chose, mais destinée à mettre fin à la souffrance.
Mais tu admettras que la frontière est ténue : difficile de dire si un esclave qui se révolte est dans l'action juste destinée à mettre fin à la souffrance ou dans l'esprit d'obtention d'un état de liberté qu'il fantasme... Les deux semblent presque indissociables !
Fred- Animateur
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Date d'inscription : 17/11/2008
En fait, je fais la différence entre, viser une vie idéale fantasmagorique exempte de toute difficulté, qui serait une forme de paradis qu'on atteindrait idéalement au futur grâce à notre pratique, et viser jour après jour à agir pour le mieux selon la situation donnée qu’on aura reconnu et acceptée comme faisant partie du tel quel, de ce qui est, même malgré ce qui nous dérange dans cette situation.
C'est d'un côté, la pratique visant un idéal et de l'autre, la pratique de l'ordinaire, qui effectivement parfois, nécessite que nous agissions dans tel ou tel sens.
Mais en fait...je suis en train un peu de me perdre dans tout cela. J'ai l'impression qu'on est en train de compliquer un truc qui en soi est assez simple
Bon et puis il est tard aussi. Demain j'ai un train à prendre pour Paris...Je préfèrerais me téléporter, mais bon ce n'est pas possible
Bonne nuit
C'est d'un côté, la pratique visant un idéal et de l'autre, la pratique de l'ordinaire, qui effectivement parfois, nécessite que nous agissions dans tel ou tel sens.
Mais en fait...je suis en train un peu de me perdre dans tout cela. J'ai l'impression qu'on est en train de compliquer un truc qui en soi est assez simple
Bon et puis il est tard aussi. Demain j'ai un train à prendre pour Paris...Je préfèrerais me téléporter, mais bon ce n'est pas possible
Bonne nuit
Yudo, maître zen- Admin
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Date d'inscription : 13/04/2008
C'est aussi pour cela que j'apprécie beaucoup la lecture quadripartite mise de l'avant par Nishijima. Ce n'est pas que l'idéalisme s'oppose au matérialisme: c'est qu'ils sont tous deux les deux faces d'une même pièce, et que leur interface, c'est l'action.
L'idéalisme permet d'imaginer autre chose. La tête dans les nuages.
Le matérialisme permet d'observer ce qui est. les deux pieds sur terre.
L'ange ne peut rien faire: il est immatériel. La bête ne peut pas penser: elle est liée à ses pulsions.
Marier l'ange et la bête permet d'agir de façon appropriée au bon moment.
Une grande partie de ce débat est d'ordre strictement théorique. On pourrait donc aisément le rejeter du revers de la main au prétexte que ce ne sont que des mots.
Mais lorsque je commençais à conduire, je me suis retrouvé sur une route de campagne enneigée, dans Portneuf, et, face à un tournant un peu brusque, j'ai bêtement appliqué les freins et la voiture s'est arrêtée sur un poteau de téléphone.
Après quoi, on m'a bien expliqué la manoeuvre à faire dans de telles circonstances: avec une propulsion, on ne freine surtout pas! On braque les roues et on accélère.
Lorsque, des années après, je me suis retrouvé au volant sur une neige bien fraîche, et qu'un inconscient m'a coupé la route, alors que j'étais bien à ma conduite ("présent"), j'ai fait, sans réfléchir ce qu'on m'avait expliqué, et j'ai évité l'accident et ses conséquences.
Si on se retrouve dans un contexte, quel qu'il soit, qu'on a un minimum de préparation, et qu'on est là au sens locatif et au sens temporel, alors l'action se met en place, sans bavure, et ce qui était prévisible change.
L'esclave qui ne voit pas de porte de sortie, le mouton qui n'en voit plus lui non plus, peuvent vivre ce qui leur reste sereinement. Pour l'esclave, cela peut aussi vouloir dire que lorsque l'occasion se présentera et qu'il y sera présent, alors il la prendra. Il ne s'agit pas de se résigner, ni d'être fataliste. Il s'agit d'agir avec ce qu'on a et non pas avec ce qu'on souhaiterait avoir.
L'idéalisme permet d'imaginer autre chose. La tête dans les nuages.
Le matérialisme permet d'observer ce qui est. les deux pieds sur terre.
L'ange ne peut rien faire: il est immatériel. La bête ne peut pas penser: elle est liée à ses pulsions.
Marier l'ange et la bête permet d'agir de façon appropriée au bon moment.
Une grande partie de ce débat est d'ordre strictement théorique. On pourrait donc aisément le rejeter du revers de la main au prétexte que ce ne sont que des mots.
Mais lorsque je commençais à conduire, je me suis retrouvé sur une route de campagne enneigée, dans Portneuf, et, face à un tournant un peu brusque, j'ai bêtement appliqué les freins et la voiture s'est arrêtée sur un poteau de téléphone.
Après quoi, on m'a bien expliqué la manoeuvre à faire dans de telles circonstances: avec une propulsion, on ne freine surtout pas! On braque les roues et on accélère.
Lorsque, des années après, je me suis retrouvé au volant sur une neige bien fraîche, et qu'un inconscient m'a coupé la route, alors que j'étais bien à ma conduite ("présent"), j'ai fait, sans réfléchir ce qu'on m'avait expliqué, et j'ai évité l'accident et ses conséquences.
Si on se retrouve dans un contexte, quel qu'il soit, qu'on a un minimum de préparation, et qu'on est là au sens locatif et au sens temporel, alors l'action se met en place, sans bavure, et ce qui était prévisible change.
L'esclave qui ne voit pas de porte de sortie, le mouton qui n'en voit plus lui non plus, peuvent vivre ce qui leur reste sereinement. Pour l'esclave, cela peut aussi vouloir dire que lorsque l'occasion se présentera et qu'il y sera présent, alors il la prendra. Il ne s'agit pas de se résigner, ni d'être fataliste. Il s'agit d'agir avec ce qu'on a et non pas avec ce qu'on souhaiterait avoir.
Zenoob- vrai fleuron
- Nombre de messages : 1232
Date d'inscription : 08/09/2011
C'est vraiment ce que je ressens aussi, l'action comme interface entre matérialisme et idéalisme. Je deviens de plus en plus nishijimiste !
Kaïkan- Admin
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Age : 77
Localisation : Jura-alsacien
Emploi/loisirs : Moine zen enseignant, disciple de T. Deshimaru depuis -1978 -
Humeur : insaisissable
Date d'inscription : 19/11/2009
Esclave ou libéré...?
(Take these chains from my heart and set me free)
Take these chains from my heart and set me free
You've grown cold and no longer care for me
All my faith in you is gone but the heartaches linger on
Take these chains from my heart and set me free
Take these tears from my eyes and let me see
Just a spark of the love that used to be
If you love somebody new, let me find a new love, too
Take these chains from my heart and set me free
Give my heart just a word of sympathy (sympathy)
Be as fair to my heart as you can be (you can be)
Then if you no longer care for the love that's beating there
Take these chains from my heart and set me free
Take these chains from my heart and set me free (set me free)
lausm- 無為 - mui -
- Nombre de messages : 1500
Date d'inscription : 08/02/2010
Zenoob a écrit:D'accord Lausm, mais quand même : quand on souffre par exemple à cause d'une oppression politique très forte, ne faut-il pas réagir contre ça ? Dire à un homme qui bosse dans une mine pour que dalle alors que son patron s'engraisse de "tourner le regard à 180°" (pour faire un peu de Germinal), ça me paraît un peu limite ! Mais en même temps, s'asseoir et arrêter de travailler, de façon non violente, peut être une action de révolte efficace...
Il y a un point de vue intéressant aussi dans un bouquin de Dainin Katagiri, "Returning to silence", où il parle d'"incarner la paix". Il dit en gros qu'on ne peut pas espérer de changement positif dans une situation de tension sociale (voire de guerre) si on n'incarne pas la paix, dans son attitude, dans son être. Il cite une histoire apparemment connue, dans laquelle le pays de Bouddha se fait envahir par un seigneur de guerre brutal, et notre pote Bouddha se contente de s'assoir au bord de la route par laquelle passe l'armée de l'envahisseur. Si quelqu'un connaît cette histoire et où je pourrais en lire une version, ça m'intéresse !
C'était ce que je voulais dire.
Il y a, me semble-t-il, dans beaucoup de mouvements révolutionnaires, une question d'ego et donc de pouvoir, qui fait qu'en fin de compte on se révolte plus pour affirmer un pouvoir contre un autre, que pour une vraie justice.
Quand je parle de tourner le regard 180 degrés, qui était la révolution dont parlait Desshimaru, il s'agit avant tout de redevenir conscient de qui l'on est essentiellement, et pas de partir en lutte contre une idée d'injustice.
Car si il y a bien une pratique qui nous montre que souvent nos idées sont d'abord un leurre contre le fait de voir la réalité dans son ensemble et sa nudité, alors on peut supposer que souvent, un discours idéologique est...une idée à défendre, et donc souvent une justification théorique d'une forme de pouvoir et de violence.
C'est pour cela que parfois, ne rien faire est plus puissant qu'agir impulsivement.
Cela ne signifie pas ne rien dire, ne rien faire, mais agir avec sagesse, ce qui est très difficile quand la charge émotionnelle et le ressentiment sont là.
Il suffit de regarder partout dans le monde où ça pète, se révolte...à la fin souvent on ne sait plus d'où ça vient ni pour défendre quoi, et souvent c'est récupéré par des gens qui utilisent ce mouvement pour se mettre en place.