(Extrait d'une conférence de Yuno Rech.)
Le nirvana, du point de vue du bouddhisme Mahayana et du zen, n’est pas la cessation de toute forme d’existence, mais c’est la cessation de l’existence comme cause de souffrance. Ce point est encore extrêmement valable pour l'accompagnement des mourants.
La mort n’est pas la fin de tout.
La mort n’est pas la fin de tout, ça c’est le point important. Lorsque quelqu'un naît, il naît du fait d’une existence antérieure, la cause de la naissance c’est l’existence antérieure et donc c’est la mort précédente.
Et donc ce qui se passe d'une mort à une nouvelle naissance, ce n'est pas la survie d'une âme individuelle, c'est la continuation d'un enchaînement causal, un enchaînement de causes et d'effets, comme une sorte d'onde qui se propage en n’étant pas la même. Cependant, il y a un lien causal entre l'esprit de la personne qui décède et l'esprit de la personne qui est conçue et qui va naître. Et ce lien causal n'est pas produit par le fait qu'il y aurait une âme immortelle qui sortirait d'un corps mourant pour rentrer dans un corps à naître, mais par un esprit. Alors ça c'est vraiment difficile à justifier scientifiquement, du moins pour l'instant, mais il s’agirait d’un esprit qui, tout en n’étant pas substantiel et donc permanent, serait comme une sorte d'onde avec prolongement dans une espèce d'enchaînement causal qui entraîne la nouvelle naissance. Et il y a une énergie, une conscience attachée à la vie voulant vivre pour toutes sortes de raisons. Peut-être aussi que l’on veut continuer à vivre parce qu’on se rend compte que l’on n’a pas réalisé l’essentiel, et qu’il faut donc renaître pour pouvoir enfin s’éveiller.
En tous les cas, il y a une énergie, un désir de vivre, qui est un des anneaux de la chaîne des douze causes interdépendantes et qui provoque une nouvelle naissance. Et ce qui détermine la qualité ou la nature de cette nouvelle naissance sera tout le karma passé de la personne qui décède, mais aussi et d'une manière beaucoup plus déterminante, la dernière pensée avant la mort. C'est une des raisons pour lesquelles les bouddhistes considèrent qu'il faut absolument laisser les mourants, le plus possible dans la paix pour leur permettre d'avoir les meilleurs pensées au moment de mourir, de manière à renaître dans les meilleurs conditions, puisque cette dernière pensée est déterminante pour la suite. La dernière pensée d'un bodhisattva, ce n'est pas le nirvana, ce n'est pas l'extinction définitive, c'est de renaître dans les conditions où il pourra de nouveau continuer à aider les êtres qui souffrent. Et dans la mesure où l’on est capable de faire ce vœu du fond du cœur, on a déjà réalisé le nirvana. Parce que le bodhisattva est déjà libéré de l'ego qui a ses préférences, qui veut ceci, qui ne veut pas cela, et qui s'attache à ses jouissances, etc. Et donc, il n'y a aucune notion de sacrifice ou de renoncement de la part d'un bodhisattva. Il y a simplement la continuation de bodaishin, de l'esprit d'éveil, qui trouvera sa forme d'une manière ou d'une autre dans une nouvelle existence où que ce soit.
En ce qui concerne l'influence du karma par rapport aux renaissances, généralement la consolation des bouddhistes c’est de se dire: "J'ai bien agi dans cette vie, donc j'aurai forcément une bonne renaissance." C'est une consolation que l'on peut apporter si on accompagne un bouddhiste, lui rappeler qu'il a bien pratiqué toute sa vie, qu’il aura forcément une bonne renaissance et donc qu’il n’a pas à s'inquiéter pour l'avenir. C'est un enseignement que Bouddha a donné souvent: "Si vous menez une vie juste, vous aurez une bonne renaissance."
Ceci étant dit, l'enseignement ultime du Bouddha c'était de ne pas renaître. Ne pas renaître du tout, c'est arrêter le cycle du samsara, de la transmigration. Le sens ultime de l'enseignement du Bouddha c'est d'abandonner l'ego qui s'attache aux mérites, au bon karma, dans l'espoir de continuer à exister dans une entité individuelle. Et même si cette théorie des mérites existe, l'enseignement ultime du Bouddha, c'est l'enseignement de mushotoku, c'est-à-dire un enseignement de libération, un enseignement de lâcher prise.
En même temps, c'est réaliser, qu'au fond, il n'y a rien à lâcher. Le lâcher prise est possible parce qu'il n'y a rien à lâcher! Il n'y a personne qui lâche, sinon il n'y aurait pas de lâcher prise possible. On essaierait de se débarrasser de quelque chose qui nous collerait aux doigts, cela nous appartiendrait trop pour qu'on puisse l'abandonner. Comme rien ne nous appartient, y compris le mauvais karma, on peut le lâcher. Et c'est ça qui au fond est l'enseignement ultime du Bouddha par rapport au moment de la mort, c'est de réaliser ce lâcher prise.