Bon, déjà, il n'y a pas que des témoignages négatifs, mais là tu as assisté à un échange où certaines choses se sont dites.
Il faut juste ne pas être dupe.
Tu parles d'image : c'est bien de cela qu'il s'agit, d'image. D'image de marque.
et mon constat, après 19 ans de connaître ce milieu, c'est que les choses se sont dégradées quand la volonté d'avoir une légitimité en terme d'image publique est devenue une préoccupation de plus en plus grande. Ca c'est fait progressivement à partir de 1998-2000, avec une accélération entre 2005-2008 et après. Maintenant on semble ne plus pouvoir aller plus loin, mais le clivage s'est fait entre pratiquants "institutionnalisés", et autres dissidents, clochards célestes, ermites et alterno-zens, et dojos d'autres lignées moins connu(e)s.
Le truc, en ce qui me concerne, n'est pas de taper sur l'AZI : il y existe plein de gens valables. Le problème, comme je l'exprimais, c'est que ces gens moins connus, tout est fait pour qu'ils ne le soient pas plus.
Il faut juste se rappeler, que Deshimaru est resté vivant en France entre 1967 et 1982. Cela fait quinze ans. Sachant que tous n'ont pas commencé dès le début, ceux qui ont pratiqué le plus longtemps avec lui l'ont fait quinze ans. C'est court, d'un point de vue de formation de pratiquant et de relation réelle.
Il faut savoir aussi qu'à sa mort, le groupe s'est auto suffit. Pourquoi pas, mais cela pose un problème d'ouverture sur l'extérieur.
Je comprends à la fois ce phénomène :Deshimaru les avait mis en garde contre le Japon en tant que pouvoir écclésiastique (les instances zen japonaises de la soto shu, pour être précis). Mais cela a fait qu'un climat d'autosuffisance centré autour de l'image du super maître idéal (et absent), s'est aussi développé. C'est le problème de beaucoup de systèmes patriarcaux. Et du deuil!
LA figure patriarcale a été remplacée par un collectif, mais qui remplit la même fonction.
Faut juste savoir que la plupart des pratiquants de la première heure, sont maintenant les représentants de toutes les instances officielles du bouddhisme. Et je pense qu'on s'attache à sa fonction, c'est gratifiant, humain.
Mais c'est un système, et quand la structure et son fonctionnement prend le dessus sur le pourquoi de son établissement et de sa création, alors on perd de vue la vision première.
Et à mon sens, la vision est le premier critère, tout le reste doit être créé (et détruit, et recréé, et redétruit, etc...), autour.
Et à mon sens, peu de gens derrière cela, sont fidèles à une vision qui leur soit propre.
Je pense que les préoccupations de gestion du paquebot, éloigne de l'attention nécessaire à sa subjectivité pour pouvoir comprendre, penser, et énoncer sa vision.
Parce que lire Dogen, c'est bien beau : sa proposition, n'est pas de reproduire ce qu'il dit comme un perroquet. Pour moi Dogen, comme le zen ou toute pratique du genre, est d'ouvrir les questions, pas de les résoudre.
Etudier Dogen, ne veut pas dire le lire et pouvoir le dégueuler par coeur. N'importe quel perroquet peut faire ça, et ce que je dis est valable pour n'importe quel autre personne du type.
Ce qui importe, c'est comprendre le coeur du discours.
Quand j'ai commencé à pratiquer, on nous avait lu l'histoire de Daibai Hojo, du chapitre Gyoji (la pratique des anciens maîtres).
Daibai Hojo, avait eu le satori en entendant MAzu dire "un esprit, un bouddha". Un jour un autre disciple le retrouva dans son ermitage où il vivait seul depuis lors, et lui annonça que Mazu avait changé d'enseignement, et qu'il disait désormais "pas d'esprit, pas de bouddha". Hojo l'envoya paître en disant que lui avait compris à partir de là, et qu'il continuerait à partir de là, et qu'on ne lui embrouille pas l'esprit!
Ca veut dire que comprendre le zen, c'est pas un copier coller normatif....c'est aller au coeur du sens, c'est entrer dans le silence. Dans la montagne de son esprit.
Mais l'ombre du zen, c'est que ça peut être très normatif : quoi de plus rassurant qu'un cadre aux coins bien carrés, avec des règles à suivre, des fonctions et responsables identifiés? Ca peut très bien convenir aux personnes en mal de structure.
MAis ça peut attirer aussi des gens à tempérament soumis à la règle, aux normes.
Le risque étant de laisser croire que n'importe quel emportement du responsable a un sens caché.
D'ailleurs, sur le site de Michel Yudo, il y a un texte qui décrit une sesshin qui eut réellement lieu, où la responsable pèta réellement les plombs. Les gens qui étaient là y ont projeté un enseignement secret, au sens profond qu'ils ne pouvaient comprendre : on est prèt parfois à tout pour nier que le maître (ou Papa-Maman) puisse déconner complètement. On peut arriver à abdiquer de son esprit critique. C'est un danger de notre pratique. et j'ai pu constater d'expérience combien les gens ont du mal à entendre remettre en question ce cadre, ou l'enseignant....et pour moi cela ne témoigne pas d'une sécurité intérieure bien profonde!
Aux Etats Unis, de gros scandales ont eu lieu qui ont fait réfléchir depuis bien plus longtemps que nous les pratiquants sur ce qu'il faut observer pour ne pas en revenir là.
Chez nous, le rapport au pouvoir est quand même un gros attachement, des deux côtés :ceux qui l'ont n'ont pas envie de le laisser. Ceux qui ne l'ont pas ont envie d'avoir un chef.
Mais qui a envie d'assumer sa liberté sans avoir quelqu'un qui lui dicte quoi penser?
au dojo où j'allais, j'entendais trop souvent, quand quelqu'un se posait une question : "mais tu en as parlé à BIIIIIIP?" Et moi, je pensais que si on était vraiment responsable, on n'avait pas à demander à BIIIIIP ce qu'il pensait, mais essayer de vivre par soi-même, sans attendre ses réponses à lui, mais trouver les nôtres à nous. Mais des liens de dépendance mutuelles se créent, et après faut les dénouer, et ça peut être long. Ou douloureux.
Dogen énonce clairement qu'il faut respecter les anciens, etc....ok.
Mais Dogen était le fruit d'une culture, et il faut remettre ses écrits dans la perspective des conditions qui l'ont motivé. A ses yeux trop de moines étaient corrompus par le pouvoir, etc....d'où des critiques acerbes. Il faut savoir avoir un regard critique :Dogen peut être profond, il n'en vivait pas moins à une époque où certaines attitudes l'on influencé dans son discours, sa façon d'enseigner.
Le problème, c'est quand certains lisent et commentent Dogen en prétendant savoir, sans donner les clés de lecture à ceux qui entendent. Or, un enseignant propose son interprétation. Subjective.
Il ne faut juste pas l'oublier, et ne pas déposer sa subjectivité dans les mains d'un autre, aussi compétent soit-il. Car on lui donne alors le pouvoir sur sa vie, sa conscience.
Et si on lui donne ce pouvoir, il se pourrait qu'il s'en serve!....Peut-on l'accuser de se servir du pouvoir si on le lui donne?
C'est pour cela qu'il est important de se connaître, d'assumer ses limites, de ne pas donner son pouvoir n'importe comment.
Je pense que de toutes façons, un véritable enseignant apprend à chacun à récupérer son propre pouvoir sur lui-même.
Mais l'expérience me montre combien en fait beaucoup ont peur de cela (et je le vois sur moi déjà!), et préfèrent parfois retourner dans l'ombre d'une autorité qui les affranchit des risques qui incombent à ceux qui tentent d'assumer leur liberté.
Donc voilà, il faut juste ne pas oublier que les déconnages du monde peuvent entrer aussi dans le monde du zen, il faut juste ne pas être dupe, et voir avec qui on pense qu'on peut pratiquer le mieux sans risque.
Et ne jamais oublier qu'on est le premier responsable de soi-même et du pouvoir qu'on laisse à autrui.
Suffit de voir combien les français peuvent gueuler contre celui pour qui ils ont voté! Pourtant ça a été un choix!