J'en profite pour vous traduire ce petit texte que j'ai trouvé sur le Net, où un nommé Lao Bendan sur son blog Essentially Nothing explique que
Une des choses que je trouve intéressantes dans le début du Sûtra du Coeur est l'utilisation du nom Kanjizai (顴自在) Bosatsu pour Avalokiteshvara. Au Japon, il semble que partout ailleurs, il/elle est appelé(e) Kannon (観音) Bosatsu à la place.
Les kanjis pour Kannon impliquent un bodhisattva (bosatsu) qui perçoit (観) activement les sons (音) du monde. Quelqu'un qui écoute les cris de détresse et les supplications de tous nous autres, êtres mortels pris dans le samsara et qui appelons à l'aide, et qui fait voeu d'utiliser tous les moyens possibles pour soulager notre détresse et notre souffrance.
Pour moi, cependant, les kanjis pour Kanjizai dessinent une autre image. Certes, on ne pourra jamais enlever le message "celle qui écoute les cris du monde" de tout discours sur Kanjizai Bosatsu, mais en regardant les kanjis, on découvre une autre facette de qui est ce bodhisattva.
Kan (顴) signifie toujours percevoir; plus que juste entendre, signifiant plus largement percevoir avec n'importe lequel des six sens. Ji (自) signifie soi-même; pointer du doigt directement vers son propre coeur (ou nez, au Japon) et remarque que l'on ne parle jamais que de soi-même. Zai, or Sai, par soi-même (在) signifie exister, existence.
Donc, Kanjizai Bosatsu (顴自在菩薩) peut être le bodhisattva qui perçoit directement sa propre existence. Le bodhisattva qui perçoit d'une façon directe, sans obstacle, et inconditionnelle, la façon dont il/elle existe réellement. Comment fait-il/elle cela? Dans la phrase du sûtra qui suit, 行深般若波羅蜜多時 (gyô ji haramita ji), il voit la vérité de l'existence au cours de sa pratique profonde, immergé qu'il est dans la Prajñâ Pâramitâ.
Pour moi, cela altère ma connaissance de Kannon lorsque je lis le Sûtra du Coeur. Il/elle n'est plus une divinité éloignée, inapprochable "quelque part par là-bas" qui voudrait bien m'aider lorsque j'arrive au point d'ébullition et que je hurle de douleur. Non, ce(tte) Kanjizai est une version avancée de vous et moi, un être qui a commencé avec les mêmes chaînes que celles que nous portons, mais qui, au cours du temps, et grâce à des efforts innombrables, a surmonté son conditionnement et est finalement arrivé(e) à comprendre qui et quoi au juste il/elle était réellement. Qui est quoi il/elle n'est justement pas. Qui s'est montré(e) capable de trancher tout son conditionnement, a pu ramper à travers les espaces entre les pensées, et a finalement pu rester là quand et aussi longtemps qu'il/elle le désire.
L'oeuf a été couvé, pour ainsi dire. Lorsqu'il/elle a brisé sa coquille, une nouvelle vie est venue à être; de même que le ver à soie quitte son cocon et que c'est un papillon qui en sort, on échange une vie pour une autre, même si cette vie est toujours la même qu'avant.
Et c'est avec cette vie nouvelle, cette nouvelle façon d'être, cette nouvelle capacité à simplement être sans tous les "trucs" conditionnés qui nous enferment en ce moment, que Kanjizai a pu s'asseoir et percevoir ce qu'est réellement l'existence. Et c'est avec cette vie nouvelle que toute souffrance ou infortune va disparaître.
Et ce n'est que lorsque l'on arrive à ce point qu'on peut honnêtement dire qu'on perçoit que la forme n'est pas différente de la vacuité (et vice versa) et que la forme est exacttement la vacuité (et vice versa), et qu'il en va aussi de même pour les quatre autres skhandas. Tant qu'on ne sera pas arrivé à ce point, cependant, tout ça ne sera jamais qu'un entendement intellectuel, qui n'est pas la Prajñâ.
Quand j'entends "Kannon," j'imagine une divinité autre que moi-même qui propose son aide. Quand j'entends "Kanjizai," je m'imagine moi, assis sur mon zafu, immergé dans la Prajñâ Pâramitâ, et un jour m'extirpant du cocon. Juste avec les tout premiers kanjis, le Sûtra du Coeur fait de ceci un périple très, très personnel.
Et tout cela correspond bien à ce que je dis toujours, que "Notre Dame des Sons" est ce qu'il y a de meilleur en nous. Lorsque nous l'invoquons, c'est à cela que nous faisons appel.