Je vous passe ici encore un autre texte de Brad Warner sur la pratique de Zazen, et les divers intervenants qui se prévalent de différents textes zen pour dire qu'elle n'est pas nécessaire.
Zazen est-il vraiment du Zen? Est-ce que Dôgen a inventé tout e truc? Est-il réellement allé en Chine?
Published by Brad on March 20, 2014
J'ai posté un truc sur Reddit récemment. Je ne suis pas sûr de me qualifier en tant qu'authentique DMNQ (Demandez-Moi N'importe Quoi) vu que ce n'était pas en direct. Been… j'étais vivant quand je l'ai fait, mais je n'ai pas répondu de vive voix sur Internet. Voici le truc.
QUOI QU'IL EN SOIT, une des questions qu'on m'y a posé m'a vraiment tracassé. Elle disait: "Supposons que quelqu'un déclarait que votre lignée et votre maître n'ont aucune relation au Zen parce qu'il y a plusieurs citations de patriarches zen qui dénoncent la méditation assise. Admettriez-vous que votre lignée s'est éloigné du Zen et sinon, que répondriez-vous? ”
J'ai donc répondu: "Je ne connais aucune citation des patriarches Zen qui dénonce la méditation assise. Cela n'aurait aucun sens! Le mot même de Zazen signifie "méditation assise" Za signifie "s'asseoir" et zen est la prononciation japonaise du mot sanscrit "dhyâna" qui signifie "méditation". Je dirais qu'une lignée zen qui dénoncerait la méditation assise se serait éloignée du Zen. Ce serait comme une lignée cycliste qui dénoncerait les véhicules à deux roues dotés de pédales."
Ce qui a provoqué une réaction d'un autre Redditeur qui a déclaré: "Je ne sais pas si je dois être surpris, mais il semble que Brad n'a pas lu les enregistrements des maîtres. L'ambivalence du Zen envers la méditation est célèbre. Ceux dont l'expérience du Zen vient essentiellement de la fréquentation d'un centre de méditation pourront sympathiser avec la réponse de Brad. Néanmoins, il existe une critique zen de la méditation, qui se pose (inconfortablement, peut-être) à côté de la promotion bien connue de la pratique par le Zen."
Me voici donc à lire ceci en hochant la tête et en me disant: "Hein?"
Certes, je ne suis pas le spécialiste le plus fiable des dits enregistrés des anciens maîtres. Mais j'ai quand même lu un bon nombre de livres sur le Zen en mon temps. Je mets un peu la sourdine sur cet aspect lors de mes interventions en ligne parce que je ne veux pas qu'on croie que je suis une sorte d'expert dans la citation du chapitre et du verset. De plus, ce type d'étude n'a jamais été ma priorité. Pour moi, la pratique réelle a toujours été plus importante.
Mais une des raisons qui me fait passer tous les étés à Tassajara, c'est leur bibliothèque qui contient plus de textes sur le Bouddhisme que j'en ai jamais assemblé dans un seul endroit depuis qu'ils ont fermé le Bodhi Tree Bookstore à Los Angeles. Je passe beaucoup de temps à parcourir leurs livres. J'ai moi même un bon nombre de livres sur le Zen et le Bouddhisme en général. Ils tiennent sur deux étagères et demie dans ma bibliothèque à la maison. J'ai donc une petite idée de ce qui a pu se dire au nom du Zen. Si l'ambivalence du Zen en matière de méditation assise était si bien connue, je pense que je serais tombé dessus au cours des trente dernières années.
J'ai donc jeté un oeil au lien donné par le Redditeur qui avait laissé ce commentaire — elle se fait appeler Grass Skirt, "Jupe d'Herbes" (J'assume qu'il s'agit d'une elle, avec un nom pareil, mais on n'est jamais surs!). Voici pour vous:
Les citations qu'elle offre sont comme la suivante, provenant du célèbre spécialiste Carl Bielefeld: “…Il existe un autre sens dans lequel le Bouddhisme zen apparaît comme une école d'‘anti-méditation’. Car, peu importe ce dont peuvent parler en privé des moines zen, lorsqu'ils discutent en public de leur pratique, ils semblent souvent se fendre en quatre pour se distancer des anciens exercices bouddhiques de samadhi et critiquer la culture traditionnelle du dhyâna. Les deux églises japonaises du zen, le Rinzaï et le Sôtô, ont leurs façons caractéristiques d'en parler: la première attaque souvent l'absorption en trance comme étant un quiétisme insensé, parfois appelé "caverne des fantômes (kikatsu) de l'esprit, et prétend la remplacer par une technique plus dynamique de kanna, ou étude des kôans; la seconde rejette l'aspect utilitaire de la technique contemplative, l'effort, comme ils disent, de "faire un bouddha" (sabutsu) et offre à la place ce qu'elle considère comme une pratique moins limitée au plan psychologique, et plus profondément spirituelle de shikantaza, ou "juste s'asseoir".
Elle nous cite ensuite ceci, de Linji (Rinzaï): “Il y a un tas de chauves aveugles qui, s'étant goinfrés de riz, s'asseoient dans une pratique de méditation de style Chan, tentant d'arrêter le flux des pensées et les empêcher de surgir, détestant le bruit, exigeant le silence. Mais ce ne sont pas là des façons bouddhiques! Le patriarche Shenhui disait: "Si vous tentez d'arrêter l'esprit et de fixer en silence, d'appeler l'esprit et de le concentrer sur ce qui lui est extérieur, de contrôler l'esprit et de le rendre clair à l'intérieur, de concentrer l'esprit et d'entrer en méditation, toutes les pratiques de ce genre créent du karma.’”
Si c'est là le genre de choses qui constitue une "dénonciation de la méditation assise", je pourrais alors ajouter ceci de maître Dôgen lui-même: “Cette assise en Zazen n'est pas de la méditation. C'est simplement la porte paisible et joyeuse du Dharma. C'est la pratique-et-expérience qui réalise parfaitement l'état de bodhi. L'Univers est ostensiblement réalisé et les restrictions et embarras ne l'atteignent jamais".
Je ne qualifierais aucun de ces textes comme des cas de "dénonciation par les maîtres de la méditation assise", si ce que vous entendez c'est qu'ils dénonçaient la pratique de personnes qui s'assemblent dans une pièce pour s'asseoir jambes croisées et attendre qu'une cloche sonne pour les libérer de leur torture. Je ne suis pas certain que cela soit ce qu'entendaient Grass Skirt et ses amis, mais je peux voir que c'est ce que comprennent certaines des personnes qui lisent leurs posts.
Il faut regarder ces choses en contexte. Tous les maîtres qui ont dit ces choses dirigeaient également des lieux qui avaient tous de grandes pièces derrière où les gens s'assemblaient pour s'asseoir en silence et poser le regard soit sur le mur, soit au centre de la pièce et ce chaque jour, parfois pendant des semaines entières. Il y a une ironie dans ces citations à côté de laquelle on passe si on ignore ce fait.
Ce n'est pas comme s'ils disaient que s'asseoir en silence n'est pas le vrai Zen et que quelque chose d'autre — peut-être quelque chose de bien plus marrant ou au moins de moins chiant — est du vrai Zen. Il s'agit bien plus de ce qu'on fait quand on s'asseoit. Ces phrases visent toutes à évacuer le comportement de recherche d'un objectif qui est si souvent associé à la pratique.
Après cela, il y a tout un fil de discussion ici, sur Reddit, me dit-on (je n'ai pas encore pu le trouver) qui soutient que Dôgen n'est jamais allé en Chine et qu'il a juste inventé ses voyages, voire tout inventé de son truc de Zazen lui-même. C'est des sottises, mais c'est typique.
Chaque fois qu'un sujet spécifique commence à être trop documenté, quelqu'un arrive avec une toute nouvelle théorie qui correspond au moins à certains des faits observés mais conclut de façon échevelée. Comme les types qui soutiennent que JFK a été assassiné par son chauffeur ou par un type caché dans les égoûts. De telles théories exercent une certaine fascination à cause de leur nouveauté, mais elles ne mènent nulle part. Malheureusement pour ceux qui aiments les trucs excitants, l'explication la plus simple colle généralement bien mieux aux faits.
Oui, Dôgen est allé en Chine. Oui, il a reçu la transmission de Tendô Nyôjô. Non il n'a pas tout inventé de Zazen par lui-même
C'est pas mal que Dôgen soit désormais suffisamment important aux USA pour justifier de nouvelles théories de la conspiration. Maintenant, si les gens pouvaient enfin se mettre à lire réellement ce qu'il a écrit, et encore plus important, à le pratiquer...
Zazen est-il vraiment du Zen? Est-ce que Dôgen a inventé tout e truc? Est-il réellement allé en Chine?
Published by Brad on March 20, 2014
J'ai posté un truc sur Reddit récemment. Je ne suis pas sûr de me qualifier en tant qu'authentique DMNQ (Demandez-Moi N'importe Quoi) vu que ce n'était pas en direct. Been… j'étais vivant quand je l'ai fait, mais je n'ai pas répondu de vive voix sur Internet. Voici le truc.
QUOI QU'IL EN SOIT, une des questions qu'on m'y a posé m'a vraiment tracassé. Elle disait: "Supposons que quelqu'un déclarait que votre lignée et votre maître n'ont aucune relation au Zen parce qu'il y a plusieurs citations de patriarches zen qui dénoncent la méditation assise. Admettriez-vous que votre lignée s'est éloigné du Zen et sinon, que répondriez-vous? ”
J'ai donc répondu: "Je ne connais aucune citation des patriarches Zen qui dénonce la méditation assise. Cela n'aurait aucun sens! Le mot même de Zazen signifie "méditation assise" Za signifie "s'asseoir" et zen est la prononciation japonaise du mot sanscrit "dhyâna" qui signifie "méditation". Je dirais qu'une lignée zen qui dénoncerait la méditation assise se serait éloignée du Zen. Ce serait comme une lignée cycliste qui dénoncerait les véhicules à deux roues dotés de pédales."
Ce qui a provoqué une réaction d'un autre Redditeur qui a déclaré: "Je ne sais pas si je dois être surpris, mais il semble que Brad n'a pas lu les enregistrements des maîtres. L'ambivalence du Zen envers la méditation est célèbre. Ceux dont l'expérience du Zen vient essentiellement de la fréquentation d'un centre de méditation pourront sympathiser avec la réponse de Brad. Néanmoins, il existe une critique zen de la méditation, qui se pose (inconfortablement, peut-être) à côté de la promotion bien connue de la pratique par le Zen."
Me voici donc à lire ceci en hochant la tête et en me disant: "Hein?"
Certes, je ne suis pas le spécialiste le plus fiable des dits enregistrés des anciens maîtres. Mais j'ai quand même lu un bon nombre de livres sur le Zen en mon temps. Je mets un peu la sourdine sur cet aspect lors de mes interventions en ligne parce que je ne veux pas qu'on croie que je suis une sorte d'expert dans la citation du chapitre et du verset. De plus, ce type d'étude n'a jamais été ma priorité. Pour moi, la pratique réelle a toujours été plus importante.
Mais une des raisons qui me fait passer tous les étés à Tassajara, c'est leur bibliothèque qui contient plus de textes sur le Bouddhisme que j'en ai jamais assemblé dans un seul endroit depuis qu'ils ont fermé le Bodhi Tree Bookstore à Los Angeles. Je passe beaucoup de temps à parcourir leurs livres. J'ai moi même un bon nombre de livres sur le Zen et le Bouddhisme en général. Ils tiennent sur deux étagères et demie dans ma bibliothèque à la maison. J'ai donc une petite idée de ce qui a pu se dire au nom du Zen. Si l'ambivalence du Zen en matière de méditation assise était si bien connue, je pense que je serais tombé dessus au cours des trente dernières années.
J'ai donc jeté un oeil au lien donné par le Redditeur qui avait laissé ce commentaire — elle se fait appeler Grass Skirt, "Jupe d'Herbes" (J'assume qu'il s'agit d'une elle, avec un nom pareil, mais on n'est jamais surs!). Voici pour vous:
Les citations qu'elle offre sont comme la suivante, provenant du célèbre spécialiste Carl Bielefeld: “…Il existe un autre sens dans lequel le Bouddhisme zen apparaît comme une école d'‘anti-méditation’. Car, peu importe ce dont peuvent parler en privé des moines zen, lorsqu'ils discutent en public de leur pratique, ils semblent souvent se fendre en quatre pour se distancer des anciens exercices bouddhiques de samadhi et critiquer la culture traditionnelle du dhyâna. Les deux églises japonaises du zen, le Rinzaï et le Sôtô, ont leurs façons caractéristiques d'en parler: la première attaque souvent l'absorption en trance comme étant un quiétisme insensé, parfois appelé "caverne des fantômes (kikatsu) de l'esprit, et prétend la remplacer par une technique plus dynamique de kanna, ou étude des kôans; la seconde rejette l'aspect utilitaire de la technique contemplative, l'effort, comme ils disent, de "faire un bouddha" (sabutsu) et offre à la place ce qu'elle considère comme une pratique moins limitée au plan psychologique, et plus profondément spirituelle de shikantaza, ou "juste s'asseoir".
Elle nous cite ensuite ceci, de Linji (Rinzaï): “Il y a un tas de chauves aveugles qui, s'étant goinfrés de riz, s'asseoient dans une pratique de méditation de style Chan, tentant d'arrêter le flux des pensées et les empêcher de surgir, détestant le bruit, exigeant le silence. Mais ce ne sont pas là des façons bouddhiques! Le patriarche Shenhui disait: "Si vous tentez d'arrêter l'esprit et de fixer en silence, d'appeler l'esprit et de le concentrer sur ce qui lui est extérieur, de contrôler l'esprit et de le rendre clair à l'intérieur, de concentrer l'esprit et d'entrer en méditation, toutes les pratiques de ce genre créent du karma.’”
Si c'est là le genre de choses qui constitue une "dénonciation de la méditation assise", je pourrais alors ajouter ceci de maître Dôgen lui-même: “Cette assise en Zazen n'est pas de la méditation. C'est simplement la porte paisible et joyeuse du Dharma. C'est la pratique-et-expérience qui réalise parfaitement l'état de bodhi. L'Univers est ostensiblement réalisé et les restrictions et embarras ne l'atteignent jamais".
Je ne qualifierais aucun de ces textes comme des cas de "dénonciation par les maîtres de la méditation assise", si ce que vous entendez c'est qu'ils dénonçaient la pratique de personnes qui s'assemblent dans une pièce pour s'asseoir jambes croisées et attendre qu'une cloche sonne pour les libérer de leur torture. Je ne suis pas certain que cela soit ce qu'entendaient Grass Skirt et ses amis, mais je peux voir que c'est ce que comprennent certaines des personnes qui lisent leurs posts.
Il faut regarder ces choses en contexte. Tous les maîtres qui ont dit ces choses dirigeaient également des lieux qui avaient tous de grandes pièces derrière où les gens s'assemblaient pour s'asseoir en silence et poser le regard soit sur le mur, soit au centre de la pièce et ce chaque jour, parfois pendant des semaines entières. Il y a une ironie dans ces citations à côté de laquelle on passe si on ignore ce fait.
Ce n'est pas comme s'ils disaient que s'asseoir en silence n'est pas le vrai Zen et que quelque chose d'autre — peut-être quelque chose de bien plus marrant ou au moins de moins chiant — est du vrai Zen. Il s'agit bien plus de ce qu'on fait quand on s'asseoit. Ces phrases visent toutes à évacuer le comportement de recherche d'un objectif qui est si souvent associé à la pratique.
Après cela, il y a tout un fil de discussion ici, sur Reddit, me dit-on (je n'ai pas encore pu le trouver) qui soutient que Dôgen n'est jamais allé en Chine et qu'il a juste inventé ses voyages, voire tout inventé de son truc de Zazen lui-même. C'est des sottises, mais c'est typique.
Chaque fois qu'un sujet spécifique commence à être trop documenté, quelqu'un arrive avec une toute nouvelle théorie qui correspond au moins à certains des faits observés mais conclut de façon échevelée. Comme les types qui soutiennent que JFK a été assassiné par son chauffeur ou par un type caché dans les égoûts. De telles théories exercent une certaine fascination à cause de leur nouveauté, mais elles ne mènent nulle part. Malheureusement pour ceux qui aiments les trucs excitants, l'explication la plus simple colle généralement bien mieux aux faits.
Oui, Dôgen est allé en Chine. Oui, il a reçu la transmission de Tendô Nyôjô. Non il n'a pas tout inventé de Zazen par lui-même
C'est pas mal que Dôgen soit désormais suffisamment important aux USA pour justifier de nouvelles théories de la conspiration. Maintenant, si les gens pouvaient enfin se mettre à lire réellement ce qu'il a écrit, et encore plus important, à le pratiquer...