J'essaie personnellement de ne pas me perdre dans toutes ces
distinctions, d'états, d'expérience, de compréhension etc. car qui
présentement fait cette distinction, qui cherche à comprendre à classer
etc.
Le samadhi est bien une expérience et il est difficile, voire impossible, d'en parler en termes non-dualistes car, quand on en parle, c'est qu'on est revenu dans le monde duel. Je dis "non-moi" parce que cette expérience a un sens au moment où je la réalise mais le terme "non-moi" est bien un terme dualiste par opposition au moi. Cependant, si j'utilise le terme "non-moi", c'est bien que ce terme fait sens pour moi. Qui fait cette distinction ? cherche à classer ?... C'est la réponse au kôan "Toutes choses retournent à l'Un ; où l'Un retourne-t-il ?" Ne pense pas que je veuille botter en touche en faisant cette réponse. Mais je ne sais pas comment le dire autrement.
Tout ça, ce sont des manière d'agripper par des concepts et des mots la
claire réalité. Mais je ne rejette pas non plus cette manière de
s'agripper, elle est parfois nécessaire puisqu'elle est là. Je m'y
adonne moi même de temps en temps.
Je ne sais pas si le terme "agripper" est convenable. Je ne l'aurais, personnellement, pas utilisé. Mais il est clair qu'on n'a pas d'autre choix que de passer par des concepts quand on change "d'état". Nous ne faisons pas l'expérience de concept mais nous les utilisons quand on veut faire part à un tiers de ce qui est non conceptuel. Nous supposons, par ce moyen, que le tiers en question sache exactement de quoi il retourne. Quand je dis à quelqu'un qui n'a jamais vu la mer que la mer est bleue, ce quelqu'un peu se faire une représentation correcte de la couleur de la mer s'il sait ce qu'est la couleur bleue. Si c'est un aveugle de naissance, c'est rapé.
khât : "le sentiment d'exister comme une personne "à part" est bien une expérience".
Fred : Oui, ainsi que le sentiment d'être semblable aux autres.
Je ne pense pas. Je ne vois pas comment tu peux te considérer "semblable aux autres" autrement que de façon strictement conceptuelle. Mais cela mérite un développement. Quand je dis que le sentiment d'exister comme une personne "à part" est bien une expérience, cela peut vouloir dire "une personne unique". En fait, c'est bien ce qu'il se passe en réalité, mais vient se rajouter, à la réalité, le concept de différence. Et donc, le terme "à part" est très ambigü car il se situe dans le monde "duel" alors que le terme "unique" se situe dans le monde non-duel. Autrement dit, quand je dis que l'être est "unique", cela signfie que la notion d'autres n'existe pas. Alors que dans le monde duel, quand on se dit "semblable", l'autre existe bien mais on est incapable de faire la différence entre lui et nous. C'est le cas typique de la schizophrénie. Bien sûr, j'entends très bien que par "semblable", tu introduis une notion nouvelle qui se situe à un autre plan que la similitude d'objets mais il importe de bien clarifier les choses. Plutôt que de dire les "hommes sont semblables" en ce qu'ils sont tous l'expression de la nature de Bouddha (par exemple), je dis que l'homme est unique et c'est en cela que réside sa nature de Bouddha. Ainsi, l'unicité "s'oppose" à la similitude en ce que la première "nie" l'autre alors que la seconde ne le nie pas mais est incapable de le distinguer de soi. La première est une expérience de type "samadhi" alors que la seconde est un concept au mieux, au pire une schizophrénie.