Disons d'abord que le samadhi n'est pas indispensable à la bonne compréhension de notre vraie nature. Sur le plan intuitif, on peut parfaitement saisir de quoi il s'agit. Cependant, l'intuition ne permet de voir sa vraie nature mais seulement d'en apercevoir les traces (tableau 2 du dressage du boeuf) ; elle ne met pas en contact direct avec elle. Le samadhi, au contraire, permet de voir sa vraie nature, même si elle n'est pas nécessairement reconnue, pendant l'expérience, comme telle. Pour qu'elle soit reconnue comme telle, il est indispensable de revenir du samadhi et de faire le lien entre cette expérience et le monde duel. On peut réaliser, alors, que le monde ordinaire (duel) est le "samadhi". On n'est alors plus troublé par les phénomènes, qu'ils soient intérieurs ou extérieurs et on "se rend au marché d'un coeur joyeux avec des mains secourables". Mais, autant dire qu'il s'agit là d'un "résumé" un peu rapide. J'ai fait là, volontairement, un bond du tableau 3 au tableau 10, alors que ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Même pour une personne qui fait régulièrement l'expérience du samadhi et qui a une claire compréhension de "sa" nature de Bouddha, arriver au stade ultime (10) où l'on n'est plus troublé par rien et rempli de compassion pour les êtres ne se fait pas en un tournemain.
Quelles sont, à présent, les conditions nécessaires (ou, disons, favorables) pour faire l'expérience du samadhi ?
1) Développer l'esprit de l'éveil (bodhicitta) qu'il faut distinguer du désir d'atteindre l'éveil ou le samadhi, ce qui est égotique et ne mène à rien. L'esprit de l'éveil se développe en pensant à la première noble vérité (la souffrance), à l'impermanence, en pensant qu'on n'a qu'une vie dans ce corps humain et qu'il faut éviter de perdre son temps en vanités. Prendre refuge dans les 3 joyaux (Bouddha, Dharma et Sangha), ce qui signifie qu'on n'est animé d'une foi profonde aux 3 joyaux et qu'on s'en remet à eux pour nous conduire vers l'éveil.
2) Ne pas être troublé par des pensées obsédantes. Pour cela, si on n'a pas l'habitude de s'extraire de ces pensées, éviter toutes les conditions favorables à ces pensées.
3) Prendre la posture correct et "visualiser" (considérer) son corps comme étant le Corps du Bouddha. En ce sens, il représente les 3 joyaux.
4) Se concentrer avec attention sur l'objet de la concentration (ça peut être le souffle, un mantra, un kôan...) en "allumant" le Corps du Bouddha. La concentration n'est pas supportée par le seul mental ; sans quoi, vous perdrez rapidement le contrôle. Elle est portée par le corps entier.
5) Ne pas prendre peur ou ne pas s'occuper des sensations (makyo) qui s'élèvent au début de la pratique. Garder la ferme résolution de "se confondre" (disparaître) dans ce qu'on fait.
6) Poursuivre sans rien attendre en étant simplement concentré (uni à ce qu'on fait).
En faisant cela, on ne peut manquer, avec de la pratique, de faire l'expérience d'un ravissement total et du "non-moi". Le terme "non-moi" est duel et ne doit pas être pris "à la lettre" tout le temps qu'on ne sait pas ce que c'est. On a beaucoup de mal à sortir de cette expérience car on n'a plus vraiment conscience de son corps, de son mental (qui est "fixé"). Ce qui nous fait revenir, on le vérifie aisément, c'est le sentiment de compassion pour tous les êtres qui s'élève alors naturellement.