Kaïkan a écrit:L'impermanence (skt. anitya pal. anicca) (jap : Mujo) est intimement associée à la doctrine de non-soi (skt. Anātman pal. anatta), selon laquelle les choses n'ont pas de nature fixe, d'essence, ou de noumène. Particulièrement, dans le bouddhisme mahayana, car tous les phénomènes sont impermanents, et dans un état de flux, ils sont censés être vides d'une existence-en-soi, intrinsèque (d’où la notion de shunyata jap. ku = vacuité).
L'enseignement sur le principe de coproduction conditionnée nous explique bien je trouve pourquoi précisément les phénomènes semblent à contrario pleins d'une existence-en-soi.
Voici comment a été formulé et traduit ce principe :
« Quand ceci est, cela est ;
Ceci apparaissant, cela apparait.
Quand ceci n'est pas, cela n'est pas ;
Ceci cessant, cela cesse. »
C'est comme si en somme les phénomènes s'appuyaient les uns sur les autres pour mutuellement légitimer leur existence illusoirement intrinsèque et nourrir ce sentiment chez l'individu que lui-même et tous les phénomènes possèdent un soi.
Pour transposer cet exposé à un exemple, prenons la phrase : "je suis triste". On peut reconnaître en analysant cette phrase, la manière dont chacun de ses termes renvoie aux autres termes qui l'accompagnent et auxquels il est structurellement lié, ajoutons, par l'action coercitive de l'expression du sens que cherche à véhiculer cette phrase. En somme chacun des termes de cette phrase légitime la consistance de tous les autres. C'est par là peut-être qu'on dira que les 3 termes de cette phrase se coproduisent.
Voici ce que dévoile l'aspect purement structurel de cette phrase :
-il y'a tristesse, et quelqu'un qui est triste.
-il y'a un je et il doit être caractérisé ( ici il sera caractérisé par la tristesse)
-il y'a l'être (suis) et donc un étant (je)
Ainsi en attribuant le chiffre 1 à
"je", celui de 2 à
"suis" et celui de 3 à
"triste" :
1 conditionne et est conditionné par 2 et 3
2 conditionne et est conditionné par 1 et 3
3 conditionne et est conditionné par 1 et 2
C'est pour cela je pense que Dominique Trotignon note un défaut dans cette traduction (en parlant de la formulation du principe de coproduction conditionnée énoncé plus haut) (...) car dit-il, elle ne met pas en avant l'idée, répandue dans le bouddhisme ancien, de conditions multiples face à celle, plutôt présente dans les interprétations ultérieures, de cause (renvoyant l'idée de cause principale et de chronologie)."
https://fr.wikipedia.org/wiki/Coproduction_conditionn%C3%A9e
Quoi qu'il en soit, revenant un instant sur l'usage de la syntaxe, ce que nous disons et pensons dit toujours plus que ce que cela semble dire. Cet usage consiste en effet à chaque fois en un accord tacite envers le sens inhérent à la structure de la syntaxe.