albertillo a écrit:
Je suis en contact par mail avec un maître mais ce n'est pas pareil que de vivre à ses côtés. Il y a tout ce qui ne passe pas par le langage. Et je ne suis pas sûr que ce qui ne passe pas par le langage passe par Skype.
C'est exact, mais il y a quelque chose qui se passe, lorsqu'on connaît une personne en vrai et qu'on communique avec elle par lettre ou par téléphone. J'ai envoyé à un ami, en Hollande, un livre que j'ai écrit, et que j'avais moi-même traduit en anglais. Il m'a dit au téléphone que c'était amusant, parce qu'en lisant ma prose, il reconnaissait ma façon de m'exprimer.
J'ai longtemps juste correspondu avec Nishijima avant de le rencontrer. Idem avec Mike Luetchford ou Brad Warner. C'est en faisant leur connaissance directe que certaines ambiguïtés ou incompréhensions se résolvaient, tout simplement parce que l'écrit est maigre, alors que le langage parlé (au téléphone, par exemple l'est moins. Néanmoins, il manque à ce dernier le langage corporel, et cela est capital.
Les scientifiques se sont d'ailleurs rendu compte que, en particulier dans les lieux bruyants, nous ne captons qu'une partie de ce que les autres disent, et nous reconstituons en automatique de grandes parties de leur discours, tant le langage corporel est essentiel pour se comprendre. Il n'est que de penser à une conversation téléphonique en milieu bruyant.
Evidemment qu'on peut avoir une relation avec un enseignant à distance. Souvent il n'y a pas d'autre possibilité. Mais la connaissance en personne de l'enseignant est, à un moment ou à l'autre, absolument essentiel. Brad Warner en fait souvent les frais, écrivant, et donnant des conférences par Internet, il est souvent mal jugé à cause de son style incisif. Quand on le connaît en personne, il se produit un re-dimensionnement radical de ce qu'on lit chez lui, qui ne se lit plus comme une provocation (ce que trop de lecteurs font) mais comme une démarche extrêmement sincère de quelqu'un qui n'a pas envie de passer par le filtre du consensuel "zen". A la "vous savez qui", par exemple.
Yudo, maître zen a écrit:
Maîtres qui ont généralement acheté leur transmission...
Dis moi, Yudo, si ce n'est pas indiscret, tu as passé combien de temps au Japon?
Pas particulièrement longtemps, et je vois où tu veux en venir, mais je n'ai pas versé de "cadeau" à maître Nishijima, et je n'ai pas payé la Sôtôshu pour l'inscription et les frais de cérémonie, etc. Je ne prétends nullement que je "méritais" de recevoir la transmission du Dharma [en fait, quand je l'ai reçue, je me suis senti un peu con], mais je l'ai reçue comme elle m'a été donnée, comme un ordre de mission, et j'ai très intimement compris, alors, ce qu'entendait Dôgen en disant qu'il avait l'impression de porter un lourd fardeau sur les épaules. Fardeau que je ne me suis d'ailleurs pas encore tout à fait décidé à épauler.
Mais ma relation avec Nishijima était réelle. Je lui ai servi de chauffeur et de traducteur, et je n'ai jamais demandé à recevoir le shihô. Aucun des maîtres de l'AZI (y compris le seul pour lequel j'aie de l'estime -- limitée certes par le fait que je le connais somme toute peu) n'a eu de lien personnel réel avec son "maître de transmission". Ils ont aboulé le fric, et passé par l'intermédiaire de ce que Nishijima appelait la "ligue des entrepreneurs de pompes funèbres".
Quant à Nishijima lui-même, il a été solliciter Niwa parce que Niwa avait été, quoique d'une promotion bien antérieure à lui, élève au même lycée que lui. Niwa a reçu, m'a-t-il dit, cette demande avec beaucoup d'émotion, et l'a formé pendant trois ans avant de lui donner la transmission. Leur rapport était là aussi très réel. Pas une formalité payée avec les sous de l'association comme pour d'autres.