@Peaceful, et qui veut.
Le zen dont on t'a fait état, probablement dans un dojo de l'AZI, t'a été raconté d'une façon tronquée par le responsable.
ce serait intéressant de savoir où (je tiens une cartographie des lieux pathologiques pour prévenir les usagers des forums : il y a des lieux avec des responsables super, et des lieux où ça déconne grave). Mais en privé.
Je n'ai pas envie de suivre la critique faite par Yudo du monopole que fait l'AZI sur le zen, même si je la comprends et qu'elle a une source objective réelle : en même temps, c'est nous qui donnons le pouvoir à l'autre ou pas.
Je vois un thérapeute, qui a été dans un groupe zen de l'AZI. C'est lui qui me rappelle qu'on donne le pouvoir à l'autre. Lui est parti parce qu'un jour il a questionné le responsable, la pratique, le responsable à propos de la pratique. Et la réponse étant : "le zen, c'est comme ça...."bla bla, mais sans vraiment entendre sa question, ne lui a pas été.
Pourtant, j'ai appris le zen au sein de l'AZI.
Mais celui qui a appris le zen, qui s'est mis face au mur, c'est moi, et moi seul.
Avec les autres, avec le système en place, avec les gens qui étaient là.
J'ai été à fond dans l'illusion et la vérité de cette situation, et la vérité n'est pas univoque : elle s'infiltre au sein de l'illusion, et réciproquement.
Moi aussi, il y a trois ans, au temple de la Gendronnière, j'ai entendu des gens dire "quand on ira au Japon...bla bla", ou dire "oui, mais si t'es pas réordonné, tu ne pourras pas pratiquer au Japon..."
Et ça, c'est grave que des moines et nonnes disent cela dans le temple qu'a fondé maître Deshimaru, ou que des gens croient qu'il sont aussi bien que des japonais, parce qu'ils pensent qu'ils sont mieux que nous.
Ils n'ont pas lu Deshimaru. Moi, ne l'ayant pas connu, mais l'ayant donc lu comme seul contact (et aussi écouté ce que racontent de lui ceux qui l'ont connu), j'ai très clairement compris à ses propos qu'il disait une chose : le vrai zen est ici, dans ce dojo, pas au Japon. Il disait que certains croient que le vrai zen est au Japon, et qu'ils y partaient...et se faisaient fasciner par les formes, le ritualisme, la hiérarchie.
C'est dans ce putain de piège que sont tombés bien de ses disciples. Ils avaient besoin d'une légitimation officielle, car leur foi, leur pratique, ne leur semblait pas suffisante. A cet égard, ils se sont lourdés gravement : cela a engendré sectarisme, comportements exclusifs (monopolisants), et une fascination pour le zen japonais, alors que les japonais n'ont jamais soutenu Deshimaru (sauf des amis du zen Obaku et Rinzai, mais pas du tout du zen soto qu'il pratiquait), sauf quand sa mission a commencé à prendre de l'ampleur (vers 1975).
Donc ces gens auxquels tu as affaire, n'ont pas appris à être capable de parler à partir de ce qu'ils sentent. Ils ont besoin d'un cadre de référence, d'un discours préconstruit. Moi, j'ai appris ça tout seul, par la force des choses (surtout de ma souffrance et de l'urgence de ne pas m'y enfoncer), aussi parce que celui qui m'a formé pensait par lui-même (même s'il n'a pas à mon sens fait le deuil du père-maître), et parce que j'ai toujours été allergique à l'asservissement (même si je ne suis pas un révolutionnaire né).
Qu'on trouve une terminologie japonaise, est difficilement évitable à notre génération de pratique. Par contre, ce qu'on peut en faire (et que pour ma part j'ai toujours fait de par un besoin de sens), c'est de savoir ce que signifie ce qu'on entend, ce qu'on dit. C'est à mon sens le seul moyen d'arriver à extraire ce qui est universel de cette pratique...qui l'est de par nature : un genou japonais touche la même terre que le mien, dirigé vers le même centre, et nos tètes vers le même ciel. Tout le reste est du discours...par à rejeter, mais pas auquel adhérer non plus.
Donc oui, la question est d'importance, car elle est d'autant plus importante que des gens portant le titre de maîtres l'évitent. C'est plus facile d'utiliser des termes que personne ne comprend vraiment, pour donner l'importance de maîtriser quelque chose. Moi, je me fais un défi personnel de dépouiller mon discours de ces termes là, et de le dire en français normal. Ca éradique la fascination de l'exotisme, donc ça nous renvoie à un truc bien plus prosaiquement ordinaire de nous. C'est moins sexy, mais c'est plus proche de notre réalité. Alors, on comprend que si Deshimaru a pu dire ceci ou cela, c'est fondamentalement pareil dans l'essence, que l'enseignement d'un Nishijima ou d'un autre...la manière de le dire diffère sur des détails, chacun a un style différent...mais au fond ils pointent la même chose.
Il faut en finir avec la tour de Babel et le langage qui sépare.
Donc la question est surtout : notre pratique nous met-elle à côté de la plaque, ou pas? Avons-nous un enseignant ou un enseignement qui nous recentre, ou qui nous fout en l'air???
Elles sont là nos questions.
On ne doit pas se payer de demi vérités, et on doit mettre les enseignants le dos au mur. En Chine il y a plus de mille ans, ils se seraient pris des baffes véritables. Un moine qui faisait plus de cinq cent bornes à pied n'avait pas envie qu'on lui raconte des bourres, et qu'on le prenne pour un rigolo!!
Et les enseignants, devraient surtout de mettre face au mur et la fermer, et parler à partir de là.
Face au mur et se taire, n'est pas un dogme : c'est une réalité pratique vécue. Ca devient du dogme quand on y pense seulement. Pas quand on le fait ou qu'on laisse cette pratique nous travailler au corps et à l'esprit. Il faut parfois un peu de temps pour voir que ça continue de faire effet en nous à d'autres moments, d'autres lieux que le zazen. C'est une question de confiance, et c'est difficilement justifiable, car ça s'expérimente, et l'expérimenter accroît la certitude que ça marche. Et pratiquer, encore, encore.
Le "truc" de zazen, si truc il y a, est cette tentative permanente de conscience qu'on met en oeuvre, en se concentrant dans sa posture, en s'observant...en voulant être conscient, sans cesse , encore, et encore...en voulant être éveillé. A force, ça finit pas devenir automatique, de plus en plus...et parfois par marcher sans qu'on le veuille consciemment.
Pour rester zen, il faut abandonner la volonté de rester zen : on reste zen car on accepte d'être tout ce qui est là...sans suivre aveuglément, ni rejeter l'expérience qui se présente.
On reste zen car on ne s'accroche pas au zen...car on ne cherche pas à rester zen.
J'ai un jour rencontré un pratiquant hollandais, qui me dit tout de go dans une discussion "I am the master" (ce qu'il n'était pas). je pense qu'il s'éclatait aussi et avait la meilleure ambition à avoir dans ce cas.
J'en ai connu un autre, qui lui, va le devenir, maître...et qui ne s'éclatait pas dans la pratique, du tout. Et moi non plus en sa présence!...
Je comprends que les Ikkyu et autre Ryokan se soient tirés du milieu monastique!
http://faceaumur.over-blog.com/