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    KU (la vacuité) et l’interdépendance.

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    Message par Kaïkan Mar 28 Mar 2017 - 17:58


    KU (la vacuité) et l’interdépendance.



    Dans le bouddhisme, il y a l’enseignement de sunyata.

    Selon le bouddhisme, tout est en essence vacuité (shûnyatâ ou śūnyatā).
    Shûnyatâ ne signifie pas « vide ». C'est un mot plutôt difficile à comprendre et à définir. C'est souvent traduit par « vacuité ». Une meilleure définition serait plutôt « existence sans noumène ». Donc « Interdépendance », ce qui signifie que toute chose dépend des autres pour exister. Tout est par nature interdépendant et donc vide d'existence propre.
    C’est une notion caractéristique du bouddhisme Mahâyâna. Ce n’est ni du nihilisme ni une approche dualiste mais le développement ultime de la notion de non-soi (anâtma).
    Selon la thèse de la vacuité, les phénomènes se définissent non pas par une "nature propre", une chose en soi qui leur appartiendrait en propre, mais uniquement par l'ensemble des rapports qu'ils ont entre eux.
    Nul phénomène ne peut exister indépendamment du reste de l’univers.
    Le monde de la vérité relative (des phénomènes) et le monde de la vérité absolue (sûnyatâ) n’existent pas séparément, ils sont parfaitement entrelacés et indissociables. Il n’y a donc rien à saisir ou rejeter ni à fuir quoi que ce soit. Chaque existence est manifestation de la Nature-de-Bouddha.

    Dans le sujet : Le concept d'éternité, (peut-on concevoir ce qui est éternel ?)
    On peut voir dans le message de zanshin  :
    zanshin a écrit:https://zen-et-nous.1fr1.net/t2116-le-concept-d-eternite-peut-on-concevoir-ce-qui-est-eternel#37548
    (...)
    D'après Matthieu Ricard :
    « La vacuité n'est ni le néant ni un espace vide distinct des phénomènes ou extérieur à eux. C'est la nature même des phénomènes. Et c'est pour cela qu'un texte fondamental du bouddhisme, le Soûtra du Cœur, dit : "La vacuité est forme et la forme est vacuité". D'un point de vue absolu, le monde n'a pas d'existence réelle ou concrète. Donc, l'aspect relatif, c'est le monde phénoménal, et l'aspect absolu, c'est la vacuité. […] Les phénomènes surgissent d'un processus d'interdépendance de causes et de conditions, mais rien n'existe en soi ni par soi. La contemplation directe de la vérité absolue transcende tout concept intellectuel, toute dualité entre sujet et objet. »

    A la suite de ce message, zanshin a reçu un message de tangolinos que ce dernier demandait de publier. Il disait :
    tango a écrit:Matthieu Ricard a écrit: ‘’rien n'existe en soi ni par soi.’’
    Pour éviter toute confusion, il aurait du écrire: ‘’rien n’existe qu’en soi, ni que par soi.’’
    La réponse de zanshin a ètè de refuser de publier cette vue erronée.
    La réplique de tangolinos:
    - L’erreur est humaine et ni Mathieu, ni moi, ni toi, ni n'importe quel humain, ne peut prétendre échapper à certaines erreurs telles que des maladresses de diction. (sous-entendu Ricard se trompe, je persiste à le dire.)
    La réponse de zanshin est grosso-modo :
    - Matthieu Ricard ne donne pas une impression personnelle, un avis qui lui est propre, mais ce que disent tous les Bouddhistes depuis des millénaires. Toi tu donnes une opinion personnelle.

    J’ai décidé d’accéder quand même au désir de tangolinos de faire connaître son opinion personnelle.
    Premièrement parce que c'est un moyen d'approfondir ce qu'est une vue erronée.
    Deuxièmement afin qu’il puisse voir où il se trompe et comment son opinion va à l’encontre de toute la doctrine bouddhiste d’une part et d’autre part de toute logique.
    L’interdépendance n’est pas un dogme mais une constatation logique de l’observation des phénomènes de l’univers.
    Donc écrire :
    Matthieu Ricard a écrit: ‘’rien n'existe en soi ni par soi.’’ Pour éviter toute confusion, il aurait du écrire: ‘’rien n’existe qu’en soi, ni que par soi.’’
    C’est rejeter le bouddhisme de façon claire.
    Donc la question se pose : qu’elle est la raison de la présence de tangolinos sur ce forum. Il semblerait qu’il nous veuille du bien en cherchant à nous inciter à repenser tout le bouddhisme suivant sa façon à lui en s’appuyant sur ce « moment » grâce auquel il aurait tout compris.
    Par conséquent la démarche de tangolinos ne serait pas autre chose qu’un désir de nous aider.
    Pourtant il semble bien que tous ses interlocuteurs sur le forum n’aient aucunement l’intention de changer la version officielle du bouddhisme par la version tangoliniesque. Cela lui a maintes fois été répété.
    Finalement il nous aide à pratiquer ninniku (kshanti ; la patience, la tolérance)

    Quoi qu'il en soit ce sujet n'a pour but que de clarifier la notion de śūnyatā c'est-à-dire Ku en japonais.
    Notre nature originelle est Ku. C'est-à-dire que c'est la Nature-de-Bouddha, et cela est valable pour tous les êtres.
    Cette notion liée à l'interdépendance n'est pas toujours comprise facilement. Ce sujet est une occasion de développer notre compréhension de cet aspect fondamental du Bouddhisme.

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    Message par lausm Mer 29 Mar 2017 - 1:14

    Interroger une formulation, en quoi cela serait rejeter le bouddhisme intégralement de façon claire?
    A mes yeux, l'interrogation qu'adopte Tangolinos (dont de toute évidence la légitimité de la présence sur ce forum est contestée, alors que moi il ne me dérange absolument pas, car il est fort courtois et toujours de bonne grâce-et aussi fervent pratiquant de Ninniku, je trouve), n'est rien moins que celle à laquelle le Bouddha lui-même invitait tous ses auditeurs, en disant de ne même pas croire ce qu'il disait sur parole, mais à le mettre à l'épreuve de l'investigation personnelle.
    D'ailleurs, au vu de la foultitude de pages ayant été publiées sur le sujet, et des nombreuses divergences de vues concernant la vacuité selon les écoles, et même parfois entre les pratiquants et maîtres de mêmes écoles, on peut se demander, en tout cas je me le demande, si il est possible de pouvoir déterminer qu'il n'y ait qu'une seule vision de la vacuité en vigueur au sein du bouddhisme.

    Et de toute évidence, il semble que ce n'est justement pas si évident que cela et que les faits montrent que la réponse peut difficilement être positive (et quand je dis cela, je ne dis pas que la réponse est négative-ceci pour prévenir toute interprétation hâtive de ce que j'énonce-et la nuance, subtile, est néanmoins importante : ne pas être pour ne signifie pas être contre).

    Et que le questionnement de Tango concernant la formulation a quand même quelques raisons d'être. Donc pour être sûr, j'ai été chercher quelques infos bouddhistes autorisées, pour justifier mon argumentation.
    Sachant, pour résumer ad anteriori, que Matthieu Ricard a été disciple d'un maître tenant de la tradition Nyingmapa, mais fréquente de près le Dalai Lama, qui est Guelugpa, depuis longtemps et qu'il y a de toute évidence des divergences de lecture de la vacuité entre ces deux écoles, sachant que le Nyingmapa a été influencé par le chan, comme l'explique l'extrait de ce bouquin:

    https://books.google.fr/books?id=dRp_BAAAQBAJ&pg=PT96&lpg=PT96&dq=nyingmapa+vacuit%C3%A9&source=bl&ots=OKBemdMWLT&sig=qcccLdYFBfsqbnGrGzQDoK5Rius&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiE7bi-mfrSAhVJ8RQKHbNjANYQ6AEIIzAB#v=onepage&q=nyingmapa%20vacuit%C3%A9&f=false

    Je cite le passage qui précède l'explication de la divergence de vue entre Nyingmapa influencé par le chan, et Gelugpa resté fixé sur la version plus classiquement Nagarjunesque de la vacuité.

    "On voit sans peine immédiatement le danger d’une telle analyse qui, très facilement, peut revenir au substantialisme et retomber dans tous les pièges qui accompagnent ce type de position ; position comme on le sait inlassablement combattue par Nagarjuna et les maîtres madhyamika. C’est pourquoi on précise souvent que ce savoir ne peut faire l’objet d’une connaissance livresque, et qu’il doit impérativement être transmis de maître à disciple, les risques d’incompréhension de cette notion de claire lumière étant, comme on l’imagine aisément, très nombreux. Quoi qu’il en soit, cette théorie, bénéficiant d’un important développement entre le 14e et le 16e siècle, participera directement à la constitution théorique définitive des quatre grandes écoles tibétaines, Nyingmapa, Kagyupa, Sakyapa et Gelugpa, qui représentent encore aujourd’hui une sorte de conservatoire vivant de la pensée nagarjunienne."

    Donc, même si en fait ultimement, les deux expressions (vacuité vue par l'école Nyingmapa, influencée par le Chan-ancètre du zen, et vacuité vue par l'école Gelugpa), sont en fait de même origine, leurs expressions ont des différences (qui ont conduit les Gelugpa à reprocher leur vision aux Nyingmapa). On pourrait même en poussant la généalogie plus loin, faire la même réflexion sur la vision de la vacuité vue par un moine tibétain Nyingmapa (Matthieu Ricard), et celle du zen héritée de la voie fort abrupte du Chan chinois (Houei Neng, Mazu, Lin Tsi, etc etc en passant par Dogen), qui ne se formulent pas pareil, car la structuration de l'enseignement est très différente entre les deux voies.
    Tango en fait questionne l'utilisation d'une structure de langage, typiquement inhérente à la langue française.
    Le chinois (je parle de ce que je connais, pour le tibétain je ne dirai rien), n'a pas de verbe, et la subtilité de langue notée, en fait ne peut être comprise que dans une lecture contextuelle. En ce sens, interroger l'affirmation ou la négation d'une phrase dont le sujet est "rien", parle de l'annulation de la négation par son propre sujet ("rien"+"ne" peuvent s'annuler et devenir affirmatifs), ou de l'affirmation d'une négation (bah oui, on aime se rouler dans le paradoxe, mais bon, c'est bien d'chez nous, 'pas?)...("rien"+"ne" se renforcent mutuellement).
    Donc Tangolinos, en rajoutant "que" à la négation ("ne...que"), veut dire, je suppose, en tous cas je l'entends ainsi : "rien n'existe seulement en soi".
    Je le rejoins sur ce petit détail : en fait il souligne la relativité de la vacuité elle-même. Cela signifierait donc que rien n'existe en tant que concept du rien séparé d'un autre concept représentable. Car entendre "rien n'existe en soi" peut laisser entendre que "rien" n'existe pas du tout....or pour que rien n'existe pas du tout, et pouvoir le dire, faut-il le faire exister conceptuellement....et l'on retombe dans l'ornière substantialiste dénoncée dans l'extrait du livre que j'ai citée plus haut : on refait du rien un nouveau quelque chose.....alors que si on rappelle que rien n'existe que parce qu'il est relié à des choses se manifestant (l'espace autour et entre les particules, qui même si on ne le voit pas, existe-oui, du rien qui existe, argh!)....alors on n'absolutise pas le rien, on en fait juste ce qu'il est : ce qui n'a pas de forme manifestée, ne pouvant se représenter, se penser, sans être relié à un contexte.

    Donc en y regardant bien, je ne trouve aucune version officielle du bouddhisme qui ne puisse être remise en cause (comme Bulleocean qui m'avait répondu ne pas savoir ce qu'était le bouddhisme-j'espère que je ne trahis pas le sens de ce qu'il voulait dire-ce qui en tout cas est mon point de vue-comme disait un copain pratiquant japonais "ma conclusion provisoire"), déconstruite, et sujette à examen (l'investigation du dharma, le mot dharma signifiant au choix loi, mais aussi réalité au sens large).....autrement dit ça ne peut reposer sur quoi que ce soit de fixe(mais bon, d'autres l'ont largement enseigné avant moi, je n'invente rien de nouveau en écrivant cela)....mais un examen permanent et renouvelé.


    Donc c'est une super bonne opportunité pour creuser le dharma, réviser ses classiques, refonder ses bases, abraser ses vues erronées, et peaufiner notre compréhension.
    Ce qui en général me laisse avec le fait qu'après en avoir appris, j'ai plus l'impression qu'il me reste encore plus à apprendre, car plus que d'absorber des connaissances, je perds surtout plein d'illusions!..

    Et une petite histoire en bonus, que je trouve tomber à pic (les quatre affirmations auxquelles il est fait allusion sont l'expression du tétralemme de Nagarjuna, notre pro de la vacuité):

    "Un jour un moine demande à Mazu : "sans vous appuyer sur les quatre affirmations (bon, mauvais, ni bon ni mauvais, le bon et le mauvais), et en évitant les cent erreurs, pouvez-vous m'indiquer directement quelle était l'idée du patriarche en venant de l'Ouest?"
    Mazu répondit: "Aujourd'hui je ne suis pas en forme, va donc interroger Zhizang (Xitang)".
    Le moine alla donc interroger Zhizang qui lui demanda pourquoi il n'avait pas interrogé Mazu. Le moine répondit : "le maître m'a dit de venir vous interroger". Zhizang se frotta alors la tête avec les mains et dit: "Aujourd'hui j'ai mal à la tête, va donc interroger mon frère aîné Hai (Baizhang)."
    Le moine alla interroger Hai, qui lui répondit: "arrivé à ce point, je ne sais que dire".
    Le moine rapporta le tout à Mazu, qui dit: "Zang a la tête blanche, Hai la tête noire".

    Ainsi enseignaient les anciens.
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    KU (la vacuité) et l’interdépendance. Empty Re: KU (la vacuité) et l’interdépendance.

    Message par zanshin Mer 29 Mar 2017 - 6:28

    Bonjour lausm,

    C'est moi qui est reçu le mot de tangolinos et je peux donc en parler (avec la permission de l'auteur).
    Il ne pose pas une interrogation sur une formule mais il fait l' affirmation suivante :
    Matthieu Ricard a écrit:  ‘’rien n'existe en soi ni par soi.’’ Pour éviter toute confusion, il aurait du écrire:  ‘’rien n’existe qu’en soi, ni que par soi.’’
    Je lui ai répondu que sa définition était exactement inverse et que ceci est contraire à l'interdépendance qui est depuis des millénaires.
    Il a insisté en disant que Matthieu Ricard pouvait se tromper comme tout le monde et donc particulièrement sur ce point.

    Il s'agit donc de l'interdépendance.

    Dans le monde occidental, nous connaissons plus souvent ce principe d’interdépendance sous le nom de loi de causalité. Une image bien représentative de ce phénomène est la chute des dominos, s’entraînant les uns les autres.

    Plus populaire encore, « l’effet papillon » est généralement bien connu. Cette expression est issue du titre d’une conférence du scientifique Edward Lorenz :  » Le battement des ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer un ouragan au Texas ?«

    Comprendre l’interdépendance, c’est comprendre que les choses de ce monde ne sont pas distinctes les unes des autres : elles ne sont que le résultat visible de l’interdépendance.

    L’interdépendance est un des trois piliers de l’enseignement du Bouddha:

    Bien que nous soyons convaincus que nous existons par nous-mêmes, en réalité notre vie dépend de toutes choses: dans notre environnement proche bien sûr, nous avons besoin de nourriture et d’air, mais nous avons besoin aussi de la lumière du soleil, et de proche en proche toutes les existences sont liées.

    Donc c'est la question de "l'interdépendance" que tangolinos rejette.

    Le sujet de Kaïkan est un élargissement des relations entre Ku, l'interdépendance et le non-soi.
    Ce n'est pas seulement une controverse au sujet de tangolinos.
    L'historiette de tangolinos est pour montrer comment se construisent les vues erronées.
    C'est je le vois très utile puisque toi-même lausm semble également t'éparpiller au travers de recherches historiques pour essayer de comprendre ce qui est clair pour toutes les écoles bouddhistes de la planète. C'est également clair pour tous les scientifiques.
    Les seuls à rejeter cette vision sont des religieux intégristes pour la plupart chrétiens, pour qui tout est l’œuvre du Dieu unique OMNIPRÉSENT, OMNIPOTENT ET OMNISCIENT.

    Voilà, voili, voilou. Laughing

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    Message par Kaïkan Mer 29 Mar 2017 - 8:59


    Je rappelle ce que dit zanshin :
    zanshin a écrit:Le sujet de Kaïkan est un élargissement des relations entre Ku, l'interdépendance et le non-soi.
    Ce n'est pas seulement une controverse au sujet de tangolinos.
    L'historiette de tangolinos est pour montrer comment se construisent les vues erronées.

    Je mets une petite parenthèse en spoiler car cela ne correspond pas au sujet.
    Pour lausm:
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    Message par Fred Mer 29 Mar 2017 - 9:37

    La manière de dire de Thich Nhat Hanh est je trouve très parlante, il dit que tous les phénomènes inter-sont.
    Pour définir la vacuité, il parle donc d'inter-être.

    Inter : Préfixe, du latin inter, entre, exprimant la réciprocité ou l'action mutuelle, (interdépendant), l'intervalle (interclasse). (Larousse)
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    Message par tangolinos Mer 29 Mar 2017 - 9:59

    (suite au message N°1 de Kaïkan)
    en tout premier je te remercie de faire valoir l’ idée que je ne suis pas là pour nuire.
    en second, ça ne me dérange pas d’adopter une identification ou une autre.
    aussi pour satisfaire la considération qui me semble parfois m’être accordée, j’ accepte d’ adopter l’ identification du plus ignorant qui soit, et donc merci de regarder ce qu’ à écrit Matthieu:
    rien n'existe en soi ni par soi.
    et expliquez moi comment cette phrase peut laisser une place à une éventuelle existence.
    Ignorant comme je suis, il y a seulement deux façons d’ exister:
    ‘’en soi’’ pour les choses (puisqu’elles sont telles qu’ elles sont)
    et ‘’par soi’’ pour les hommes (puisqu’il peut leur arriver de penser s’être construit par eux-même)
    si on enlève ces deux possibilités il n’ y en a plus.
    ça ne me dérange pas vraiment de concevoir l’ idée que tout ne soit qu’illusion, mais quand on me dit que cette phrase de Matthieu ne veut pas dire qu’il n’ y ait pas d’existence, je ne comprends pas.
    Si ma façon de voir est erronée, merci d’avance de m’ouvrir mon troisième oeil.
    Peut-être qu’alors je deviendrai un peu moins ignorant.

    PS: je ne remets pas en question la valeur de Matthieu, j’ ai regardé sa video sur le bonheur, et j’ ai beaucoup apprécié son humour; et sa façon de dire les choses très simplement.
    à propos de diffuser mes mp, vous pouvez le faire, je n’ ai rien à cacher, mais tant qu’à faire, diffusez les entièrement, pour que tout un chacun puisse les voir dans leur intégralité, et originalité.(sans les tronquer et rajouter des parenthèses incluant d' hâtives interprétations). Cependant dans les mp, il peut m’ arriver de dire des choses qui pourraient être interprétées comme étant des médisances, et je ne voudrais pas être rendu responsable de cette divulgation publique , puisque quand j’ écris à quelqu’un en particulier, je ne fais pas attention à ce que dirait la modération, si ce message était rendu public . Alors merci d’avance à tous de tenir compte de ma position fébrile sur ce forum.

    (suite au message N°2 de Lausm)
    en tout premier, je te remercie de faire valoir ma présence sur ce forum, même si parfois, certains pensent que je suis nuisible.
    En effet, je suis intimement convaincu de l’ existence d’ ‘’UN GRAND LIEN’’ qui nous unit tous, qui me semble être l’ ‘’INTERDEPENDANCE’’ évoquée par le Bouddhisme.
    Ce Grand Lien est pour moi, la Chose qui mérite le plus notre attention, puisqu’ ultimement ce pourrait bien être la seule réalité permanente.
    Aussi l’ idée qu’on se sente séparés les uns des autres est quelque part illusoire.( ce qui ne veut pas dire que ce sentiment illusoire soit dénué de sens )

    en second, je te remercie de passer du temps à relever les distorsions d’ interprétations de ce que peut être la vacuité…. il est certain que ça ne peut que nous aider tous à cheminer vers la compréhension de ce que veulent vraiment dire les maîtres réalisés, même si parfois leurs propos nous semblent contradictoires.

    en troisième, peut être que ce sujet va me donner l’ envie (me mettre en vie à l’ idée de), de bosser comme un âne pour assimiler des connaissances qui à priori me semblent trop compliquées…. je vais essayer de m’ y mettre, mais comme j’ ai un ‘’cerveau lent’’, ça va me prendre un certain temps…. donc à plus tard.

    @zanshin
    S’ il y a interdépendance, il est intéressant de cheminer vers la compréhension de l’ interdépendance, et peut-être que mon ignorance ( ma stupidité si tu préfères) servira à poser les questions les plus nulles qui soient. (ces questions les plus nulles sont parfois les plus essentielles).

    @tous
    tout comme j’ ai l’ habitude de faire, j’ aurais pu me laisser dire ce que mes intuitions proposent en répondant directement à la question posée dans le sujet…. mais j’ ai choisi d’adopter l’ identification du simplet pour vous poser les questions qui me semblent essentielles.
    Et comme il est souvent évoqué que l’ univers entier se trouve dans une goute de rosée, on peut tout aussi bien regarder un seul mot et y trouver l’ explication de tous les textes, comme on peut lire des bibliothèques entières sans jamais arriver à vraiment comprendre ce mot.
    Autrement dit, on aura beau travailler sur ce sujet, chacun ne pourra y trouver que ce qu’il sait déjà, comme l’ a déjà évoqué lausm plus haut.
    Mais bon, peut-être que miraculeusement je deviendrais moins stupide, merci d’ avance à tous.
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    Message par Kaïkan Mer 29 Mar 2017 - 10:13


    Bonjour, tangolinos,

    Tu n'as pas demandé à zanshin de diffuser ton MP (c'est d'ailleurs interdit), mais de faire connaître ton pont de vue :
    Matthieu Ricard a écrit:  ‘’rien n'existe en soi ni par soi.’’ Pour éviter toute confusion, il aurait du écrire:  ‘’rien n’existe qu’en soi, ni que par soi.’’
    C'est ce qu'elle a fait.

    L'interdépendance ce n'est pas du nihilisme, ce n'est pas nier l'existence des phénomènes.
    C'est nier leur existence indépendante.



    Si ma mémoire est bonne, je crois que Fred a dit une fois :
    "Tu nous es précieux Tango, car tu nous permets d'exposer l'enseignement du bouddhisme"

    Même si une autre fois il a ajouté : "C'est un peu comme pisser dans un violon".    lol!
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    Message par Fred Mer 29 Mar 2017 - 10:57

    Tango a écrit:En effet, je suis intimement convaincu de l’ existence d’ ‘’UN GRAND LIEN’’ qui nous unit tous, qui me semble être l’ ‘’INTERDEPENDANCE’’ évoquée par le Bouddhisme.

    Il m'apparaît devoir préciser que pour le bouddhisme, bien que tout soit lié, il n'existe pas QUELQUE CHOSE qui en soi serait le Lien. Wink
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    Message par Zenoob Mer 29 Mar 2017 - 14:06

    Salut !

    La difficulté, je crois, vient de deux choses.

    1 - Ces questions là ne PEUVENT pas se comprendre si on ne fait pas l'effort de pratiquer, et d'étudier les textes qui en parlent. A savoir faire zazen régulièrement, et lire Nagarjuna sérieusement, par exemple.

    2 - Si on ne fait pas ça, on reste dans notre habitude logique occidentale, qui est de dire que si on nie l'existence de quelque chose, on affirme sa non existence. La logique du bouddhisme mahayna n'est pas celle la. C'est de dire et de démontrer, y compris intellectuellement, n'en déplaise aux amateurs du zen qui ne doit pas penser : "dire que quelque chose existe, que quelque chose n'existe pas, que les deux sont en lien, est faux". Et on s'arrête là. On ne fait pas le saut qui consiste à AFFIRMER l'inverse de ce qui est nié. Si on le faisait, on tomberait dans le nihilisme. Il me semble que c'est cet état d'esprit que tango attribue, à tort, au bouddhisme mahayana : il considère que si on nie quelque chose, on affirme son contraire. C'est compréhensible mais ce n'est pas ce que dit le bouddhisme mahayana. En d'autres termes, on ne dit pas qu'il n'y a rien, on dit qu'on ne peut rien dire de vrai et juste sur ce qu'il y a.

    Comme le dit très bien Fred, l'interdépendance dont on entend parler à toutes les sauces en mode "youpi les bisounours on est tous reliés et tous de la poussière d'étoile", même si ce n'est pas faux en soi sur un plan relatif, n'est pas dans le bouddhisme de Nagarjuna quelque chose qui sépare : une chose en lien avec une autre chose. Il n'y a ni chose ni lien.

    Les exemples pour démontrer ça sont très courants, par exemple, on peut le faire avec une tasse et son anse. J'ai une tasse, si j'enlève l'anse, est-ce que c'est encore une tasse ? Réponse : non, ça devient un cylindre susceptible de contenir un liquide, un verre en d'autres termes. Deux possibilités d'analyse alors : soit
    1 - Soit l'anse et le verre sont une seule et même chose : une tasse.
    2 - Soit ce le verre et l'anse sont deux choses différentes, liées par un lien, et mis ensemble ça fabrique une tasse.

    Pour 1), c'est impossible, sinon on ne voit pas pourquoi il y aurait deux noms différents qui en plus correspondent à deux choses différentes au point de vue de l'expérience qu'on en fait. Il est évident qu'une tasse n'est pas une anse.

    Pour 2), s'il faut envisager un lien entre le verre et l'anse, alors se pose un problème logique. On a la structure Verre - Lien - Anse. Mais le verre et le lien sont ils confondus ou séparés ? De même avec le lien et l'anse. S'ils sont similaires, alors pourquoi dire qu'il y a d'un côté l'anse et de l'autre côté le lien ? S'ils sont différents, alors il faut considérer que l'anse a une sorte de lien avec le lien lui même. Et le raisonnement recommence à zéro et peut se poursuivre à l'infini. On tombe sur une boucle logique récursive et insoluble.

    D'où l'abandon de toute vue concernant notre "réalité", y compris de celle d'interdépendance. Il est impossible d'affirmer, logiquement, qu'une chose existe en soi ; il est impossible d'affirmer qu'elle n'existe pas ; il est impossible d'affirmer qu'elle n'existe qu'en lien avec d'autres choses. Pour autant, ça ne veut pas dire que le contraire, à savoir que rien n'existe, est affirmé. Cela contredit évidemment de façon flagrante notre expérience, et cela ne voudrait d'ailleurs rien dire du tout.

    C'est ce qui explique aussi que tout change en permanence. Si une chose existait en elle même, par elle même, elle ne pourrait pas se modifier. Une tasse ne pourrait pas être brisée. Qu'est ce qu'on dirait ? Il y avait là une tasse existante en elle même et par elle même, mais où est-elle partie ? L'entité tasse a-t-elle disparu ? On voit bien qu'on ne parlera plus de tasse pour désigner les morceaux qui résultent de sa brisure.

    Tout cela conduit à considérer le bouddhisme non plus comme une voie d'extinction de soi pour en finir avec la souffrance - ce qui reposerait sur une vision "les choses existent en elles mêmes et par elles mêmes", mais de transformation globale de soi et du monde, dans le même temps, ici et maintenant.

    Quand je pratique zazen, zazen me pratique, le monde pratique zazen, le monde pratique le monde, et tous les autres trucs zen que vous connaissez tous, hahaha !

    Je sais pas si c'est très éclairant, si ça ne l'est pas et si tango veut vraiment mieux comprendre tout ça et le point de vue du bouddhisme mahayana (qu'il n'est pas obligé de partager) sur la vacuité, faut aller lire "Les stances du milieu par excellence" de Guy Bugault, c'est hyper bien fait, passionnant de bout en bout et ça se lit bien.

    Pleinement réalisée, cette voie devrait logiquement être la fin de la souffrance, la fin des questions, la fin de l'identification. J'utilise le conditionnel parce que, bien que pratiquant depuis un petit peu de temps, je me rends compte que ce n'est pas facile. On a beau être capable de comprendre ça intellectuellement, ce qui demande un peu de boulot mais n'est pas insurmontable, il est beaucoup plus difficile de le réaliser dans sa vie, tant, en tout cas en ce qui me concerne, je peux être rapidement déstabilisé par les événements et les jugements que je produis sur eux et sur moi même.
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    Message par tangolinos Mer 29 Mar 2017 - 17:09

    @Kaïkan
    Je retiens bien cette idée qu’il n’ y a pas de nihilisme à brandir, puisqu’elle me convient tout à fait… c’est la formulation de Mathieu que je trouve maladroite, puisq’elle évoque le nihilisme, ou tout au moins ça permet de l’entendre comme ça.

    en effet quand je lis: ‘’rien n’ existe en soi ni par soi’’
    en tant que simplet, je ne vois aucune possibilité à ce qu’une chose existe.
    autrement dit je l’ interprète comme s’il avait été dit: ''aucune chose n’ existe. (ni d’une manière ni d’une autre)''

    C’est pourquoi, je proposais une autre formulation qui semble plus évocatrice de ce non-nihilisme, au simplet que je suis là présentement.
    ma proposition est : ‘’rien n’ existe qu’en soi, ni que par soi’’
    ça laisse entrevoir qu’il est possible de considérer une chose en tant qu’existante (en soi ou par soi) mais que ce n’ est pas la seule considération à lui accorder.
    Sous entendu, la chose est là telle qu’elle est, mais elle est aussi en interaction avec tout son environnement. (d’où l’ évocation de l’ interdépendance).

    Fred a écrit:Il m'apparaît devoir préciser que pour le bouddhisme, bien que tout soit lié, il n'existe pas QUELQUE CHOSE qui en soi serait le Lien.

    Il m' apparait que ce ‘’quelque chose’’ est ce que les bouddhistes nomment l’ interdépendance.

    Il peut vous arriver de me considérer comme précieux, tout comme il peut m’ arriver de vous considérer comme précieux… or cette préciosité ne peut pas exister toute seule, il faut bien qu’il y ait un sujet et un objet…. un sujet qui compare cet objet aux autres objets pour lui attribuer une valeur.
    Autrement dit, la préciosité est un aspect de l’interdépendance qu’ il y a entre ce sujet et cet objet.
    Le pas est vite franchi, pour admettre l’ idée qu’il y a quelque chose entre ces deux objets, puisque la préciosité n’ appartient ni à l’un ni à l’autre… il s’agit donc bien d’un attribut qu’on accorde à ce lien (à ce quelque chose qu’il y a entre les deux.)

    Un autre exemple: La terre tourne autour du soleil en gardant à peu près la même distance. N’est-il pas raisonnable pour un simplet  de penser qu’il y a un lien entre les deux ? métaphoriquement, tout comme une fronde.
    Ce lien est certes invisible, mais les scientifiques ont réussi à lui attribuer des formules pour en évaluer sa puissance, et plusieurs noms ‘’la force attractive’’, centripète, d'apesanteur etc...
    Serait-il raisonnable de penser que le soleil et la terre n’ont aucun lien ?
    Nos sens physiques n’ont pas la faculté de voir ce lien, mais est-ce la preuve de sa non existence ? sans ce lien , la terre ne tournerait pas autour du soleil et s’en éloignerait.

    Mais bon, mon erreur est peut-être d’ hâtivement accepter l’idée que des choses invisibles aient une existence… mais l’ interdépendance est-elle visible ?… ne serait-elle pas de la même substance que mon lien ?

    Finalement, il me semble bien que:
    l’ interdépendance bouddhiste = le lien tangolinesque

    PS: j’ écris tangolinesque et non pas tangoliniste, puisque mes idées sont personnelles (issues de mes propres réflexions intuitives, en soi et par soi), et mon intention n’ est pas de fonder une doctrine, ni de trouver des disciples, mais seulement de partager des convictions en pure recherche métaphysique. Mon intention serait plutôt donc de frictionner mes convictions avec tous les ‘’istes’’ ou pas, afin de participer ensemble à la révélation du Grand Lien qu’il y a entre toutes choses.
    C’est de la friction que la lumière jaillit.
    Et quelque part ne sommes-nous pas tous des cheminants en recherche de la même chose invisible ?… un peu comme si c’était cette chose qui nous attirait tout comme le soleil attire la terre ?
    Et notre voie ne serait-elle pas la manifestation du lien (en soi et par soi) que nous entretenons avec cette chose ?... un peu comme si cette chose en soi, ne pouvait se révéler en soi-même que par soi-même.
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    Message par Kaïkan Mer 29 Mar 2017 - 17:53


    M.Ricard a écrit:Rien n’existe en soi ni par soi.
    Je suis entièrement d'accord et je dis la même chose.
    Je comprends que certains ne comprennent pas et personne n'est obligé d'adopter cette vue.
    La vidéo que j'ai insérée donne une explication détaillée.
    Je vais encore essayer de préciser ce que signifie cette phrase.

    Pour comprendre il faut décortiquer.

    Rien n’existe en soi = rien n’existe indépendamment des autres choses. Exister en soi ayant la définition d’exister de façon autonome sans dépendre de quoi que ce soit, même si tout le reste de l’univers disparaissait ou n’était pas. Tout le reste de l’univers disparaissant ou n’étant pas, tout ce qui a été créé par cet univers disparaît également, y compris molécules, atomes, électrons quarks etc.

    Rien n’existe par soi = les phénomènes n’existent pas par autocréation.  Les choses sont composées d’un assemblage d’éléments différents. Les choses ne se créent pas elles-mêmes, ne se construisent pas elles-mêmes, n’ont pas un procédé indépendant d’apparition subite et autonome dans cet univers.


    Pour le reste il faudra bien des messages et je ne sais pas si Fred va encore se retrousser les manches ainsi que Zenoob...   tongue
    Si la volonté de tangolinos c'est d'essayer de comprendre ça vaut le coup d'essayer.
    Si c'est juste pour insister qu'il a raison et que le M. RIcard se trompe et que le bouddhisme ce n'est pas ça, alors ce sera comme "pisser dans un violon". Laughing
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    Message par Zenoob Mer 29 Mar 2017 - 18:18

    Il faut comprendre que la vacuité va au delà des catégories. Les exemples que tango prend montrent qu'il n'a pas (ou ne veut pas ? hahah) compris cela. La question de la vacuité a à voir avec la façon dont on nomme et conceptualise les choses.

    Lorsque l'exemple est pris de la Terre tournant autour du soleil, ce dont il s'agit de se rendre compte, c'est que "Terre" est un concept pour désigner un objet que nous fabriquons dans notre esprit ; Soleil, aussi ; et ce lien gravitationnel entre eux, aussi. Il ne s'agit pas de dénier l'existence de ces choses là, mais plutôt de révéler qu'elles n'ont pas d'existence en elles mêmes, autre que dans les conventions que nous avons décidé d'employer pour les nommer. Là où ça devient tortueux, c'est que ces conventions ne sont pas EXCLUES de la vacuité qui constitue notre réalité. Elles en font entièrement partie. Il ne s'agit donc pas de dire "La Terre n'existe pas" ou de rejeter tout comme étant une illusion ou un néant - ce qui est un travers dénoncé par de nombreux maîtres zen dans plein d'histoires bien connues.

    Il est plutôt positif - et c'est tout le succès de la science par rapport aux croyances religieuses - que nos conventions soient en adéquation avec le reste de notre expérience. La gravitation permet d'expliquer la chute d'un corps, c'est une loi physique indéniable, démontrable, et qui correspond à notre expérience conventionnelle. Néanmoins, aucun concept ne pourra jamais dire la réalité de la loi de la gravitation.

    C'est juste ça que nous dit Nagarjuna : notre système conceptuel est bien pratique et nous permet de séparer les choses, mais il ne dit absolument rien de la vérité du monde qui nous entoure. Il ne nous permet pas d'affirmer que les choses existent ou pas. Tout simplement parce que je ne peux pas utiliser un concept sans séparer artificiellement les choses : et que si les choses étaient vraiment séparées, eh bien par exemple, elles ne pourraient pas changer. Or le changement est quand même une expérience indéniable.
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    Message par Kaïkan Mer 29 Mar 2017 - 18:27


    Pour ajouter au message de Zenoob,
    Je rappelle Les trois piliers du bouddhisme (aussi dans le zen) :

    • L’IMPERMANENCE:  Toutes choses naissent, vivent et meurent.
      (tout change et se transforme incessamment : mujo)
    • L’INTERDÉPENDANCE:  Toutes choses n’existent qu’en relation avec toutes les autres.
      (interdépendance universelle : muga)
    • LA VACUITÉ:  Aucun phénomène n’a de substance propre.
      (Non-substantialité des phénomènes : Ku.)

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    Message par Zenoob Mer 29 Mar 2017 - 19:00

    Après, c'est bien beau tout ça, mais il reste à en faire une pratique de guérison de la souffrance - après tout, c'est quand même ça, le bouddhisme. La question qu'on doit peut être se poser, c'est en quoi cette philosophie me permet de régler la souffrance qui m'habite et qui habite le monde ?

    Et là dessus, j'ai pas trop de réponses malheureusement, mais on peut essayer :

    Ma souffrance, comme toute chose, est :

    Impermanente : bonne nouvelle, comme toute chose et tout phénomène, elle passe et change et peut disparaître.
    Interdépendante : elle dépend d'une infinité de facteurs et je peux donc peut être agir sur certains d'entre eux.
    Vide d'existence propre : il est impossible de dire ce que c'est, elle peut donc changer et être vue différemment et de façon moins "solide" que ce que j'en fais habituellement.
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    Message par Kaïkan Mer 29 Mar 2017 - 21:35


    Pour Zenoob,
    Bankei Yōtaku dit :
    "Vos pensées sont posées temporairement à la suite de ce que vous voyez et entendez, elles n’ont pas d’existence réelle ; elles sont semblable à des objets vus et entendus. Vous devez savoir que l’esprit d’origine réalisé et ce qui est l’origine de l’esprit ne sont pas différents."
    Si on comprend bien cette phrase on voit qu'elle résout le problème des souffrances psychologiques. Bien sûr il s'agit de laisser passer les pensées et donc d'être indifférent à ce qui passe par la tête. Ce n'est pas toujours le cas manifestement pour certains. C'est une pratique qui vient avec le temps.

    Pour tangolinos,
    je voudrais aussi qu'il comprenne qu'il n'y a aucune obligation à être bouddhiste. Pour devenir bouddhiste il faut être d'accord avec les bases de l'enseignement et essayer sincèrement de pratiquer.
    Il faut donc d'abord reconnaître les quatre nobles vérités et accorder de l'importance à la pratique de l'octuple sentier. Et puis il faut faire dhyāna assis régulièrement et puis étudier progressivement les enseignements. Si on n'est pas d'accord avec le bouddhisme on peut s'arrêter quand on veut.
    Ce qui est important c'est de faire attention, lorsqu'on n'est pas d'accord avec l'enseignement, à ne pas se positionner en tant que professeur envers ceux qui cherchent des réponses auprès des moines et pratiquants bien avancés sur la Voie. Il faut rester conscient que les idées divergentes sont bonnes pour ceux qui cherchent une autre voie, mais d'aucun secours à ceux qui cherchent avec difficultés la voie bouddhiste en croyant s'adresser à des pratiquants expérimentés.

    Par conséquent il n'y a pas de honte à ne pas comprendre les enseignements des maîtres, ni à être en désaccord avec le bouddhisme. Beaucoup de gens préfèrent les religions traditionnelles, chrétiennes ou autres. D'aucuns s'orienteront vers des philosophies qui leur conviennent, ou bien vers le yoga tout simplement.
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    Message par Zenoob Mer 29 Mar 2017 - 22:04

    Mais quand il dit que les pensées sont semblables à des objets vus et entendus, je trouve que ce n'est pas tout à fait vrai. Si tu vois un objet, il te suffit de fermer les yeux pour ne plus le voir. Ou de détourner le regard. Ou de le jeter.

    Par contre, les pensées, tu n'as pas le choix. Elles s'imposent, et il suffit d'éprouver de l'aversion pour l'une d'entre elles pour qu'elle revienne encore et encore. Ca me paraît bien plus difficile à gérer !
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    Message par Kaïkan Mer 29 Mar 2017 - 22:55


    Sauf quand on laisse passer... Very Happy
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    Message par Fred Jeu 30 Mar 2017 - 13:33

    Et "laisser passer" est non agir. Smile
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    Message par Zenoob Jeu 30 Mar 2017 - 13:46

    C'est bien là qu'est l'écueil ; on peut très vite se tromper et avoir l'impression que laisser passer est un "faire". Mais si on dit que c'est un non faire, alors, c'est quoi, laisser passer ? Comment on fait pour laisser passer ? Si vous dites à quelqu'un "surtout ne fais rien", vous pouvez être sûr qu'il va passer son temps à ESSAYER de ne rien faire. "Bordel, en fait, je pense, ah zut, arrête de penser, laisse faire, ok, je laisse faire, mais en fait là je me force à laisser faire". Au bout d'un moment on apprend à ne pas résister à ses propres résistances, et parfois tout s'arrête de soi même, mais c'est tout le paradoxe de la pratique, et ce n'est pas évident...
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    Message par Fred Jeu 30 Mar 2017 - 14:11

    Je dirais personnellement que le non agir ne peut d'aucune manière s'instaurer par la volonté. Il ne peut s'installer que par le concours d'une "silencieuse coïncidence". Tant que la volonté cherche à agir sur les pensées, on peut reconnaître qu'on n'est pas dans le non agir. Le jour où par la pratique cette volonté finit par s'éteindre, on sait qu'a eu lieu la silencieuse coïncidence.
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    Message par Kaïkan Jeu 30 Mar 2017 - 14:51


    Je prends un exemple sur ce qui m'est arrivé, mais je ne suis pas à imiter, je le souligne.

    La première fois que les pensées se sont arrêtées pendant kinhin, je m'en souviens très exactement : dans quel dojo, avec quel responsable, à quel moment de la journée.
    Mais c'est beaucoup plus tard que j'ai compris que j'avais inconsciemment arrêté de vouloir agir sur les pensées. C'est pour cela qu'à ce moment il n'y avait que silence dans le mental.
    Donc pendant zazen le silence que j'avais était artificiel car j’agissais sur les pensées. Je croyais laisser passer mais ce n'était pas ça. C'est ce kinhin qui m'a ouvert la porte pour hishiryo.
    Beaucoup de gens comprennent très vite. Pas moi.
    Je n'ai en fait jamais eu une compréhension rapide de la pratique de zazen, c'est toujours de façon inopinée que les ouvertures sont survenues, et le plus souvent en-dehors de tout enseignement. Seulement par la répétition de la pratique.  Smile
    L'interdépendance joue-t-elle un rôle dans tout cela ? C'est fort probable. La confiance dans la pratique aussi.
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    Message par Zenoob Jeu 30 Mar 2017 - 15:13

    Merci pour le témoignage. Il met l'accent sur quelque chose que j'expérimente aussi : je peux tout à fait, sans trop de difficultés, décider que j'arrête de penser. Un silence se fait, j'arrête toute pensée discursive. C'est vraiment une décision, donc c'est un faire, et il me semble que ce n'est pas ce qu'on doit chercher dans la pratique.

    Ce que tu décris semble être d'un autre ordre. Je le ressens aussi mais sans que les pensées s'arrêtent - je ressens plutôt des périodes de silence entre plein de pensées, souvent faisant suite à une prise de conscience : "tiens, je pense -> silence -> redémarrage de la pensée -> tiens, je pense -> silence, etc.".

    Parfois elles défilent toutes seules et je sens bien que ce n'est pas moi qui fait quoi que ce soit. Ca se fait, tout seul, comme le sang bat dans les veines. Pour moi c'est ça qui ressemble le plus à ce que tu décris.

    Mais dans les périodes où les pensées sont douloureuses, ou vécues comme un poids, c'est difficile de ne pas retomber dans le faire et la décision.

    Ca a à voir avec l'interdépendance et la vacuité, effectivement ; la première version, celle du comportement volontaire face à ses pensées, témoigne d'une ignorance de l'interdépendance et de la vacuité des phénomènes. Je me considère, moi, comme maître des pensées qui sont là bas. J'en suis la cause et elles sont mon produit. A ce titre je me sépare d'elles, et je crois les contrôler, croyant aussi pouvoir m'en protéger, mais en fait ça ne rend mon attachement à elles que plus fort.

    Lorsqu'on laisse faire, c'est qu'on ne s'y identifie plus, et on laisse les règles de l'interdépendance faire les choses naturellement.

    Mais peut être que zazen transcende tout ça. Dans tous les cas, que je cherche à contrôler ou pas, tout se déroule, et je reste assis là. Que je le veuille ou non, je suis interdépendance et vacuité, et cela inclut le contrôle, les questions, les tergiversations... Le seul choix qu'on a face à ce déroulé de la pratique, c'est soit de s'y opposer et on galère à lutter contre un courant qui de toute façon nous fait bouger qu'on le veuille ou non, soit d'aller avec le courant et ça va.
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    Message par Fred Ven 31 Mar 2017 - 12:18

    En fait Hishiryo, c'est être le courant.
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    Message par Kaïkan Ven 31 Mar 2017 - 22:38


    Et donc en étant en hishiryo on se rend compte que ce n'est pas nécessaire de chercher Ku puisqu'on est en plein dedans. C'est en tout cas ce qui m'est apparu clairement, alors que, à l'époque, je cherchais la vacuité comme s'il était question d'une dimension extérieure. Rolling Eyes
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    Message par lausm Sam 1 Avr 2017 - 13:51

    Bon, je vois que ça a planché sur le dossier.

    Je reviens à ce passage du bouquin que j'ai cité dans mon premier post, dans ce qui est qualifié mon éparpillement, mais dont aucun argument n'a été commenté et relevé, alors qu'il est quand même justement en plein dans le sujet. Puisque son titre est justement "Nagarjuna et la doctrine de la vacuité".
    Comme le soulignait Zenoob, quand j'ai un doute sur ce genre de point, je m'appuie sur le ressenti développé par la pratique, et la foultitude de textes existants, mais avec des réféfences de préférences choisies. Parce que moi aussi j'ai le cerveau lent, et aussi qu'on m'a appris un des 37 facteurs d'éveil, l'investigation du dharma (l'étude des textes en faisant partie).

    Cet ouvrage de référence, prend un certain temps pour dire qu'il y a des divergences de vues entre les différentes écoles bouddhistes. Ce qui ne m'étonne guère, sinon il n'y aurait pas tant d'écoles.
    Cependant, il dit que les tibétains avaient des pratiques proches du zen, contrairement à ce qu'on peut parfois en ressentir. C'est intéressant de le savoir.

    Donc je me permets de remettre ce lien, sur un passage intéressant, plus haut que précédemment, du même bouquin (je ne peux le citer, l'accès au texte n'est pas accessible librement):

    https://books.google.fr/books?id=dRp_BAAAQBAJ&pg=PT96&lpg=PT96&dq=nyingmapa+vacuit%C3%A9&source=bl&ots=OKBemdMWLT&sig=qcccLdYFBfsqbnGrGzQDoK5Rius&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiE7bi-mfrSAhVJ8RQKHbNjANYQ6AEIIzAB#v=onepage&q=nyingmapa%20vacuit%C3%A9&f=false

    J'apprécie particulièrement cette réponse faite par Shantideva aux brahmanes lui disant que s'il n'y a pas de "quelque chose" de substantiel, alors pourquoi y aurait-il un Nirvana alors à atteindre.
    Shantideva fait cette réponse extraordinaire qui correspond complétement à ce que je ressens de toute cette histoire de Ku:

    "Il n'y a personne en définitive, et l'effort de l'illumination procède de l'illusion, mais comme elle a pour effet l'apaisement de la douleur, l'illusion du but n'est pas interdite."

    Donc au final, l'usage de n'importe quel mot "illusoire", n'est pas forcément si hérétique que cela.
    En effet, je réitère sur ce point qui n'a malheureusement pas été commenté sur mon premier post : c'est une question d'interprétation, et c'est justement pour cela que quelque part ça ne s'explique pas, ça se vit, mais aussi que pour en transmettre le sens, cela se fait de manière conjointe par la méditation (pour se moins identifier à un truc mental), l'étude des textes (pour bénéficier de la tentative de formulation des anciens), et la relation à un Autre, parce que justement, la relation c'est la manifestation de ce qui n'est pas soi, et de l'interdépendance. Et que mettre ces approches différentes en relation, font que ce n'est pas une logique de conceptualisation réifiante, pour employer les gros mots, mais un processus dynamique non figé.

    Pour cela on ne peut que questionner le sens des formulations employées, et je reviens aussi au rapport au langage que nous avons en Occident : nous utilisons des sujets formulés là où les langues asiatiques en utilisent peu ou pas. Nous avons le "Je" facile chez nous. Donc l'usage de formulations peut toujours être sujet à interprétations erronées, et quand je vois les tonnes de commentaires sur le sujet du "rien", j'en viens à me dire qu'il sert à être rempli, ce rien, et qu'on ne peut définir ce qui n'est pas qu'en parlant justement de ce qu'il n'est pas, à savoir "quelque chose".
    On parle par défaut, car comme ce n'est pas une notion, cela excède le langage.

    En tous cas, je me rappelle un mondo à la table de la cuisine avec Me Tokuda. Il avait parlé juste avant du bouquin de Rommeluère qui disait "le bouddhisme n'existe pas", sauf erreur.
    Et mon esprit a cru nécessaire de rajouter un truc sur ce qu'en fait je savais déjà (que le bouddhisme n'existe pas-"en" soi, vais-je préciser), et donc je lui ai posé une question sur ce qu'il voulait dire (en fait je voulais surtout juste un prétexte pour lui causer)....sa réponse a été extra : il m'a regardé avec un petit sourire, et m'a dit avec un mélange de force et de grande délicatesse : "oh, you know, words are not so important!"
    Du genre: "tu sais, tout ça c'est pas si grave".

    Et je rebondis sur la réflexion intéressante de Zenoob : comment se servir de tout ça pour se sortir de la souffrance?
    Je trouve bien de le rappeler, car c'est (à mes yeux), la raison principale de ce genre de raisonnement d'exister : si c'est un exercice intellectuel pour lui-même, ça ne sert à rien. Si son but est la guérison de la souffrance, alors là ça sert un vrai but (l'illusion du but dont parlait Shantideva).

    En fait, comme expliqué très clairement dans ce livre, visible dans ses extraits, il y eut diverses interprétations et formulations sur la vacuité, après le Bouddha. C'est pour cela que dire qu'il n'y a qu'un bouddhisme appelle des explications, des définitions, pour comprendre. C'est loin d'être si évident. C'est pour ça que dire "le bouddhisme", est pour moi une réification, alors que c'est d'un complexe dynamique avec de multiples formes et manifestations dont on parle. Pour moi, j'assume cela comme avis subjectif et potentielle opinion erronée, mais c'est mon opinion actuelle.

    Et il est donc rappelé que, pour le Bouddha, ses positions pour observer le réel, sont principalement d'accepter la réalité de la causalité, et de l'interdépendance. La vacuité là-dedans s'est formulée, en opposition à l'Atman hindouiste, qui disait qu'il y avait un "quelque chose"....mais le problème n'est pas tant le "quelque chose", de dire il y a un "en soi", ou pas, mais de nier les causes et effets, et l'interdépendance entre ces illusions de sujets....je pense que c'est le facteur principal causant la souffrance ou pas.

    Si il n' avait pas eu l'Atman hindouiste, le bouddhisme parlerait-il autant de vacuité? Je ne sais pas, mais je me le demande.

    En tous cas, ce que je perçois de commun, entre causalité et interdépendance, c'est un principe de relation entre tous les composés.
    Ca le fait penser, déformation professionnelle oblige, à ce qui souvent guide une relation thérapeutique : le lien, la prise en compte des liens avec l'environnement, la causalité des sources conduisant à l'état de souffrance actuel, et faire le point là-dedans.
    Mais j'ai toujours pensé que le Bouddha avait un discours de thérapeute, et rien ne me fait changer de point de vue à ce jour.

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