Yudo, maître zen a écrit:Voilà.
Il faut toujours faire attention aux descriptions. Elles sont des tentatives de décrire quelque chose, mais en ce qui nous occupe, elles ne peuvent jamais remplacer l'expérience personnelle.
Mais la comparaison avec le sport me paraît relativement juste. Lorsqu'on doit faire du saut en hauteur, par exemple, si on y réfléchit pendant qu'on saute, on se vautre toujours lamentablement. Cela ne marche que lorsque, après avoir réfléchi, on cesse de réfléchir et on fait.
D'accord sur ce point.
Concernant l'enseignement de zazen, je trouve que trop de gens répètent des choses qu'ils ont entendues, sans créer un discours à partir d'un ressenti profondément vécu et enraciné...du coup on transmet une image mentale avant qu'une réalité vécue.
En plus, Deshimaru a formulé des choses, dans un contexte, une énergie particulière, une époque particulière. S'il y a des choses intangibles, il y a aussi une vibration différente qui appelle une façon d'enseigner différente....et il ne devrait pas y avoir de systématisme, mais une écoute à partir de ce qu'on ressent de la personne.
Il ne faut pas oublier aussi que si Deshimaru disait des choses, il controlait aussi les postures avec ce langage non verbal qu'est le corps, le toucher, le geste. Cela n'est pas écrit, mais c'est ce qu'il se passait autour des traces écrites qui sont restées.
Qui sait encore qu'il avait fait des expériences du genre prendre la tension du hara avec une sorte de brassard tensiomètre géant? Pas con pour tester le tonus du hara. Il passait aussi dans les rangs et allait tater sous le nombril pour tester le tonus du kikai tanden, ce point stratégique du hara.
Il enseignait avec le corps.
Les formulations telles que "pousser le ciel avec la tète" ou "pousser le sol avec les genoux", ne m'ont pour ma part jamais parlé. Je trouve qu'elles appellent trop d'efforts volontaires, qui entrainent trop de tension et rigidités dans lesquelles les gens s'installent.
POur ma part, l'épuisement, la fatigue, le ras le bol, m'ont souvent plus enseigné que toutes autres choses, c'est à dire mes limites.
Pour sentir cette poussée, il faut en fait etre déjà très bien installé dans son hara, car c'est de là que part ce mouvement. Et donc il faut etre installé dans le relachement déjà de façon approfondie.
Et là, je pense qu'il y a un monde de perceptions du corps différentes, pour un japonais ou un occidental. Un japonais, meme non pratiquant, on voit qu'il a dans ses gènes le fait de s'asseoir. LA plupart s'installent en lotus et ne mouftent pas, ils peuvent s'y endormir. Nous, c'est autre chose.
Donc je trouve plus judicieux de tenter de sentir déjà le poids de son corps sur le zafu....et laisser la verticalité se faire sur cette base naturelle et relachée.
Zenoob, tu parlais de limite. La limite de l'effort est atteinte quand il est inutile d'aller plus loin car on est au maximum. Mais souvent, c'est là qu'on s'installe dans la tension, et qu'on se met à se faire un discours-sensation, où l'on croit s'etre installé dans le samadhi des éveillés. Alors il faut retourner dans l'observation des sensations ordinaires, voire meme suivre ses pensées...car on peut très bien s'installer dans un état de conscience qui en fait cultive non pas une unité du corps et de l'esprit, mais une dissociation du corps et de l'esprit.
Cette réaction peut se comprendre humainement : elle est en fait une réaction totalement naturelle de défense contre la souffrance. On se déconnecte.
Mais pratiquer zazen ainsi, ce n'est pas pratiquer de façon éveillée. Mais bon, on y passe tous, ce qu'il faut est reconnaitre ses errements, et apprendre à les corriger. Le danger est de se figer dans une attitude et de la prendre pour la vérité ultime et non discutable.
Pour cela, il faut faire des expériences, meme essayer le contraire, parfois, de ce qu'on a appris. Et ne rien dramatiser dans tout ça.
Un élément qui me semble fondamental, que j'ai découvert sur le tard, mais qui en fait est transmis dans toutes les traditions bouddhistes, de façon plus ou moins directe, est l'attention aux sensations.
En fait, se concentrer sur la verticalité, c'est bien...mais ne pas oublier qu'en fait, d'abord, il faut etre conscient de son corps globalement.
Dans le theravada on voit cet enseignement sur la concentration sur ses sensations-perceptions.
D'anciennes traditions chan procédaient à des retraites où l'on ne pratiquait meme pas la méditation assise. Mais uniquement la concentration sur les sensations, pendant trois semaines.
J'ai essayé un jour de le faire en lotus complet : quand on se centre sur ses sensations, on n'a pas une seule occasion de s'ennuyer, on est toujours en train de sentir quelque chose. On voit entre dans la conscience où la pensée n'est plus conceptuelle ni discursive, car avec la conscience de la sensation, on est en fait toujours dans la conscience de cette zone de contact entre ce qui est soi et ce qui ne l'est pas. La surface de sa peau, c'est la limite entre dedans et dehors de soi.
Sinon, concernant ce que tu disais de tes contractions aux fesses, ton zafu ne serait-il pas un chouilla trop bas?
Bonne assise.