- KOMYOZO ZANMAÏ -
Texte intégral de Maître EJO.
« Je ressens un profond respect du tréfonds de ma compassion pour vous qui continuez la pratique de zazen dans l’état d’esprit que je vais décrire :
Sans saisir quoi que ce soit, ni avoir aucun but. Sans être influencés par votre intelligence personnelle. Sans montrer de suffisance par rapport à l’expérience que vous avez acquise dans le dojo.
Avec toute l’énergie de votre corps et de votre esprit, précipitez-les totalement dans Komyozo, sans vous retourner en arrière pour regarder le temps.
Ne recherchez pas le satori. N’essayez pas d’écouter Mayoï, les phénomènes illusoires.
Ne haïssez pas les pensées qui surgiraient, ne les aimez pas non plus et surtout ne les entretenez pas. De toute façon, quoi qu’il en soit, vous devez pratiquer la grande assise, ici et maintenant. Si vous n’entretenez pas une pensée, celle-ci ne reviendra pas d’elle-même. Si vous vous abandonnez à l’expiration et laissez votre inspiration vous remplir en un harmonieux va et vient, il ne reste plus qu’un zafu sous le ciel vide, le poids d’une flamme.
Si vous n’attendez rien de ce que vous faites et refusez de considérer quoi que ce soit, vous pouvez tout couper seulement par zazen.
Même si les quatre-vingt-quatre mille bonnos vont et viennent, si vous ne leur accordez pas d’importance et les abandonnez à eux-mêmes, à ce moment-là, de chacun d’entre eux, l’un après l’autre et tous ensemble, pourra surgir le merveilleux mystère du grenier de la merveilleuse lumière (Komyo).
Il n’y a pas seulement le Komyo du temps de zazen. Il ya aussi celui qui, pas après pas, acte après acte, vous fait progressivement voir que chaque phénomène peut être réalisé immédiatement, automatiquement, indépendamment de votre intelligence propre, et votre pensée personnelle. Telle est la véritable et authentique certification qui existe sans déranger la manifestation de Komyo.
C’est le pouvoir spirituel du non-agir par la lumière qui s’illumine d’elle-même. Ce Komyo est originellement non-substance, non-existence. C’est pourquoi, même si beaucoup de Bouddhas le réalisent dans ce monde, ils ne sont pourtant pas de ce monde. Et étant dans le nirvana, ils n’y sont pas non plus.
A l’heure de votre naissance, Komyo n’existait pas. A celle de votre mort, il ne disparaîtra pas. (Non-né)
Du point de vue de l’état de Bouddha, il n’augmente pas. Du point de vue des sens il ne diminue pas.
De même que lorsque vous avez des illusions ou des doutes, vous ne pouvez pas poser la bonne question, quand vous avez le satori, vous ne pouvez l’exprimer.
Moment après moment, ne considérez rien avec votre conscience personnelle. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, vous devez avoir le calme et la tranquillité des morts. Ne penser à rien par vous-même. Ainsi pratiquant l’expiration et l’inspiration, votre nature profonde, comme votre nature sensitive deviendront inconsciemment, naturellement, non-savoir, non-compréhension.
Dès lors, tout pourra devenir naturellement calme, rayonnement de Komyo, dans l’unité de l’esprit et du corps. C’est pourquoi, quand nous l’appelons, il devrait répondre rapidement. C’est un seul et même Komyo qui harmonise en un tout, les gens du satori et ceux des illusions. Ainsi, même si vous vous mettez en mouvement, ce mouvement ne devrait pas vous troubler. Et la forêt. Les fleurs, les brins d’herbe, les animaux, les êtres humains, tous les phénomènes [qu’ils soient longs courts, carrés ou ronds] pourront être réalisés immédiatement, automatiquement, indépendamment de votre intelligence propre et de l’action personnelle de votre pensée.
Ne vous attachez ni aux vêtements, ni à la nourriture ou à la maison. Ne succombez pas aux désirs sensuels ou à l’attachement de l’amour qui sont pareils aux pratiques animales.
Inutile de questionner les autres au sujet de Komyo, car leur Komyo ne peut vous être d’aucune utilité.
Originellement ce Samâdhi est le saint dojo, pareil à l’océan de tous les Bouddhas. C’est donc le plus grand et le plus saint de tous les sièges transmis directement de Bouddha en Bouddha à travers la sainte pratique universelle. Etant à présent vous-même disciple du Bouddha, vous devez faire tranquillement zazen sur son siège.
Ne vous asseyez pas sur le zafu infernal, le zafu gaki, animal ou asura, ni même celui des shomon ou engaku. Aussi ne pratiquez que shikantaza. Ne gaspillez pas votre temps. Voilà ce qu’on appelle l’authentique esprit du dojo et le vrai Komyozo Samâdhi, le merveilleux et splendide satori.
Ce texte ne doit être lu que par les véritables disciples de Maître Dõgen, ceux qui ont la permission d’entrer dans sa chambre.
Je l’ai écrit pour mes compagnons de zazen afin qu’ils n’aient pas de point de vue erronés, autant que pour me perfectionner moi-même que pour éduquer les autres. »
Ecrit par EJO sous le règne de l’empereur Gouta.
Dans le plus profond respect au temple d’Eiheiji
Le 28 Août 1278
"Commentaires"
Ejo, premier disciple de Dôgen, était plus âgé que son maître.
Komyo signifie : lumière, illumination.
Zo : le dépôt, le grenier, l’entrepôt (comme alaya : Himalaya veut dire réserve de neige).
Zanmaï : Samâdhi, conscience hishiriyo.
C’est l’équilibre des hémisphères gauche et droit du cerveau, ainsi que de l’ancien et du nouveau cerveau. Il n’y a là rien de mystérieux. C’est seulement l’état d’équilibre, d’unité du cerveau
Myo : état mystérieux ; mais l’hémisphère cérébral droit n’est pas le lieu d’un mystère. Il sous-tend l’esprit normal relié à l’ordre cosmique.