Bonjour Fred,
Toutes nos réflexions ainsi que nos positions à propos de zazen et du bouddhisme sont d'un très grand intérêt pour le sujet : "Sur le chemin..."
En fait tous les points de vue, loin de se contredire ou de s'opposer, enrichissent la vision en l'élargissant.
Pour étayer cette façon d'approfondir notre compréhension, je propose de façon inopinée cette vision des préceptes :
Les préceptes de l'esprit unique se placent sous le joug de la Loi (bouddhique en l'occurence) déclinée sous la forme de dix principes : Loi de permanence (jap. jôjû), Loi de l'insaississable (jap. fukatoku), Loi du détachement (jap. mujaku), Loi de l'indicible (jap. fukasetsu), Loi de l'originelle pureté (jap. honrai shôjô), Loi sans erreur et sans crainte (jap. mukagen), Loi d'égalité (jap. byôdô), Loi d'absolue omniprésence (jap. shinnyo shûhen), Loi d'impersonnalité (jap. muga) et Loi d'identité (jap. ichinyo) :
- - Demeurant dans la Loi de la permanence, ne pas donner cours à la conception du déni de la causalité, c'est ce qu'on appelle le précepte de ne pas tuer.
- - Demeurant dans la Loi de l'insaisissable, ne pas donner cours à la pensée du saisissable, c'est ce qu'on appelle le précepte de ne pas voler.
- - Demeurant dans la Loi du détachement, ne pas donner cours à la conception de l'attachement, c'est ce qu'on appelle le précepte de ne pas s'adonner à la luxure.
- - Demeurant dans la Loi de l'indicible, ne pas dire un mot, c'est ce qu'on appelle le précepte de ne pas mentir.
- - Demeurant dans la Loi de l'originelle pureté, ne pas donner cours à l'ignorance, c'est ce qu'on appelle le précepte de ne pas boire d'alcool.
- - Demeurant dans la Loi sans erreur et sans crainte, ne pas parler de faute, c'est ce qu'on appelle le précepte de pas parler des fautes des quatre assemblées.
- - Demeurant dans la Loi d'égalité, ne pas parler de soi et d'autrui, c'est ce qu'on appelle le précepte de ne pas se louer soi-même et abaisser autrui.
- - Demeurant dans la Loi d'absolue omniprésence, ne pas donner cours à la moindre retenue, c'est ce qu'on appelle le précepte de ne pas convoiter.
- - Demeurant dans la Loi d'impersonnalité, ne pas se préoccuper du soi véritable, c'est ce qu'on appelle le précepte de ne pas se mettre en colère.
- - Demeurant dans la Loi d'identité, ne pas faire naître les deux catégories des êtres et des bouddhas, c'est ce qu'on appelle le précepte de ne pas dénigrer les trois trésors.
Au sujet du Soutra de l'estrade voici un petit extrait :
Pénétrer la Doctrine jusqu'à en pénétrer l'esprit est semblable au rayonnement du soleil dans l'immensité vide de l'espace. Ne réfléchir qu'à ce que transmet la Doctrine de l'École subite assure la sortie du monde par la destruction des fausses doctrines.
L'enseignement n'est ni subit ni graduel. Illusion ou intelligence claire dépendent de la lenteur ou de la vivacité de l'esprit. L'étude de la Doctrine de l'École subite ne peut être menée à bien par les sots.
L'enseignement requiert des milliers de moyens, mais toutes leurs divergences convergent vers l'unité. Dans l'antre de vos obscures et secrètes passions, d'un ordinaire instant naîtra le soleil de la bonté.
Les vues fausses sont causes de passions et de souillures que la vue juste fait disparaître. Mais comprendre vraiment que faux et juste sont des notions inutiles, c'est atteindre le pur vide sans reste.
La Bodhi est fondamentalement pur vide. Tout ce qui s'élève dans l'esprit est chimère. La vide nature est au centre de ces chimères. Seule la droiture chasse les trois obstacles.
Il n'y a absolument aucun empêchement à pratiquer la Voie en restant dans le monde : voir constamment ses propres manquements est être en accord avec la Voie.
Chaque genre d'être a sa propre Voie. Adhérez à la Voie, ne la cherchez pas. Chercher la Voie, c'est ne pas la voir ! Croire avoir atteint le sommet, c'est retomber dans les passions ! Si vous voulez voir la Voie réelle, pratiquez le Juste Sentier, c'est la Voie. Si vous n'avez pas l'esprit droit, vous avancerez dans les ténèbres sans la voir.
Si vous pratiquez vraiment la Voie, vous ne verrez pas de faute en ce monde. Voir des sujets de critique en ce monde témoigne que l'on est soi-même critiquable !
Des critiques des autres, c'est le moi qui est responsable. De ces critiques, émises par le moi, on est naturellement coupable. Ce n'est que par la suppression de tout esprit de critique que seront totalement détruits les souillures, les passions, et les vains bavardages.
Si l'on veut réformer les sots, il faut s'en donner les moyens et faire en sorte qu'ils n'aient plus de doute : ainsi apparaîtra la Bodhi !
La raison d'être du Dharma est de ce monde, et c'est dans ce monde qu'est la sortie du monde. Ne quittez pas le monde pour en chercher la sortie à l'extérieur !
Les vues fausses sont de ce monde, la vue juste en est la sortie, mais sachez bien que vues fausses ou vues justes doivent toutes deux disparaître.
Cela, seul, est l'enseignement de l'École subite, aussi nommée Grand Véhicule. L'illusion dure d'innombrables kalpas (1), l'intelligence claire survient en un kshana (2).
1. Un éon.
2. Un instant. Ce texte est tiré du livre Le Soutra de l'estrade du don de la loi, Hui Neng, traduit et commenté par Françoise Morel, Éditions de La Table Ronde, Paris, 2001.