Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    A propos de l'égo

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    A propos de l'égo Empty A propos de l'égo

    Message par Afterlife Jeu 8 Déc 2011 - 21:02

    Bonjour à tous, dans mes méditations analytiques et mes lecteurs, j'entends souvent parler de l'égo. Je pense, et j'affirme Laughing que tout ce qui est désir est lié à l'égo " primitif " ( pour comparer à l'égo Absolu dont parle Deshimeru si je ne me trompe pas ^^ ). Avez vous, des conseils, pour se désemparer de l'égo, cette égo qui aime l'idole de l'image, et le plaisir des sens, allez vers une voie, ou celui-ci n'est pas, ou celui-ci est ce qu'il n'est plu . Je cherche toujours, enfin si on appelle cela chercher, une réponse au problème de l'égo. Merci pour vos réponses Smile

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    Message par Yudo, maître zen Jeu 8 Déc 2011 - 21:33

    Commencer par voir que l'ego ("je", en latin) n'a pas d'existence propre. Autrement dit qu'il n'existe qu'en contexte. Il y a un "je" parce qu'existent tous les autres pronoms personnels (tu, il, elle, nous, vous, ils, elles) et sans eux, il n'aurait pas de raison d'être.
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    Message par Afterlife Jeu 8 Déc 2011 - 21:40

    https://www.youtube.com/watch?v=EuEFlzEZIQI petit lien sympa sur le thème

    http://www.meditationfrance.com/spirituel/ego.htm
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    Message par Fa Jeu 8 Déc 2011 - 21:53

    Avez vous, des conseils, pour se désemparer de l'égo, cette égo qui aime l'idole de l'image, et le plaisir des sens, allez vers une voie, ou celui-ci n'est pas, ou celui-ci est ce qu'il n'est plu . Je cherche toujours, enfin si on appelle cela chercher, une réponse au problème de l'égo. Merci pour vos réponses Smile

    Bonjour,

    Tu dis chercher une réponse au problème de l'ego, mais en quoi l'ego est-il un problème ?
    Lorsque l'ego est bien intégré, il y a ego, et en même temps, plus d'ego. Ego n'est qu'un nom.
    L'ego peut-être problème, s'il nous aliène, s'il nous contraint vers des voies que nous réprouvons,
    par ailleurs.S'il est source d'un conflit intérieur.
    Ce type de problème peut regrouper un large éventail de "problème"...
    Il est difficile de donner un conseil éclairé, si on ne connaît pas la nature du problème.

    Conseil : Fait le point sur le problème qui te préoccupes. Parles en à un Maître, ou à un ami de bien.
    Évite l'isolement. Prends-toi en main.

    Tu peux poser des questions à Yudo ou Kaïkan, sur ce site, il se feront surement un plaisir de te répondre.

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    Message par Kaïkan Jeu 8 Déc 2011 - 22:42


    Bonsoir,

    L’ego, voilà souvent celui que l'on désigne d'un doigt accusateur comme le responsable de tous nos problèmes.

    Nous sommes égoïstes ou égocentriques, nous avons une conduite égotique (nombriliste, narcissique) ; toujours le mot ego revient sous une forme ou une autre, mais finalement sait-on vraiment de quoi on parle ?

    Personnellement je traduirais ego par : « le moi ». Le moi qui s'attribue ce qu'il pense être sien : ses possessions matérielles bien sûr mais aussi ses sentiments, ses émotions, ses goûts, ses valeurs, ses idéaux, ses croyances, ses pensées, etc...

    Lorsqu'on se dépouille de toutes les décorations illusoires auxquelles ont s'identifiait faussement auparavant, il reste le « je » pur et sans artifice, et ce « je » est absolument indispensable, il résistera à tout effort de suppression car son annihilation serait un endommagement regrettable conduisant à un allez-simple en hôpital psychiatrique...

    Je ferais donc une différence entre le je qui agit et le moi qui croit être un individu séparé alors qu'il n'est en fait qu'un amalgame de divers agrégats, une construction complètement virtuelle qui n'a aucune réalité si on l'examine sérieusement.

    Par conséquent il est intéressant de comprendre la non substantialité de notre personnage, celui que nous nommons : "moi", en cessant de nous attribuer de fausses possessions que nous croyons être les nôtres à cause de l'éducation et l'endoctrinement social qui nous ont persuadé de croire ce qu'on nous à mis dans la tête. La pratique de zazen nous désintoxique de ce mirage et nous permet d'accéder à ce que nous sommes vraiment, lorsque notre vue s'est éclaircie.



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    Message par Yudo, maître zen Ven 9 Déc 2011 - 14:33

    Kaïkan a écrit:
    L’ego, voilà souvent celui que l'on désigne d'un doigt accusateur comme le responsable de tous nos problèmes.

    (...)

    Je ferais donc une différence entre le je qui agit et le moi qui croit être un individu séparé alors qu'il n'est en fait qu'un amalgame de divers agrégats, une construction complètement virtuelle qui n'a aucune réalité si on l'examine sérieusement.

    Par conséquent il est intéressant de comprendre la non substantialité de notre personnage, celui que nous nommons : "moi", en cessant de nous attribuer de fausses possessions que nous croyons être les nôtres à cause de l'éducation et l'endoctrinement social qui nous ont persuadé de croire ce qu'on nous à mis dans la tête. La pratique de zazen nous désintoxique de ce mirage et nous permet d'accéder à ce que nous sommes vraiment, lorsque notre vue s'est éclaircie.

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    Message par Fred Ven 9 Déc 2011 - 16:36

    Bonjour,

    Qui regarde le ciel?
    Qui souffre?
    Qui est assis en zazen?
    ...

    Cette question formulée de la sorte et pouvant se décliner à toutes les particularités du vécu pour lesquelles un "moi" supposé serait à l'origine, est une invitation à interroger précisément ce moi, cette origine, à les interroger jusqu'à ce qu'ils se révèlent pour ce qu'il sont : insaisissables, simple sensation qui pourrions nous dire, se serait cristallisée autour d'une nécessité de désignation purement pratique comme le souligne Yudo. Mais quand cette sensation est éclairée par la lumière de l'attention, on se rend compte qu'elle ne peut être isolée, saisi, individualisée de telle sorte que nous puissions la pointer du doigt. C'est une expérience à faire je pense.

    Sinon, ce qui est assez amusant, c'est de constater que la réponse à cette question (qui regarde le ciel? réponse: Moi) s'accompagne, le plus souvent, d'après ce que j'ai pu constater dans mon entourage, par le fait gestuel d'une désignation de la poitrine, ce qui corroborerait le fait de la nécessité que nous aurions éprouvé à cristaliser un peu plus cette sensation d'être un soi autonome et localisable. Quoi qu'il en soit, c'est la poitrine, le coeur qui sont désignés et non la tête, le ventre ou les pieds.
    D'ailleurs, pour chaque pronom personnel, on constatera qu'il existe des gestes spontanés servant à cette localisation.

    Il serait intéressant de savoir si cette gestuelle est toujours identique selon les cultures. Je ne sais pas mais par exemple au Japon, peut-être que cela est un peu différent étant donné que le langage lui-même, pour ce que j'en connais, ne met pas un "moi" au centre des choses qui sont vécues. Par exemple, les japonais pour dire "je t'aime" diront plutôt, "il y'a de l'amour".

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    Message par Yudo, maître zen Ven 9 Déc 2011 - 19:35

    Fred a écrit:(...)

    Sinon, ce qui est assez amusant, c'est de constater que la réponse à cette question (qui regarde le ciel? réponse: Moi) s'accompagne, le plus souvent, d'après ce que j'ai pu constater dans mon entourage, par le fait gestuel d'une désignation de la poitrine, ce qui corroborerait le fait de la nécessité que nous aurions éprouvé à cristaliser un peu plus cette sensation d'être un soi autonome et localisable. Quoi qu'il en soit, c'est la poitrine, le coeur qui sont désignés et non la tête, le ventre ou les pieds.
    (...)
    Au Japon, c'est le nez, comme me le faisait remarquer Brad Warner à qui on a un jour fait remarquer qu'il le faisait automatiquement (pointer son nez), pour dire "Moi?". Reste de ses longues années là-bas.
    (...) Par exemple, les japonais pour dire "je t'aime" diront plutôt, "il y'a de l'amour".

    C'est là s'aventurer un peu. On utilise divers mots comme suki (aimer dans le sens d'apprécier; se dit des choses comme des personnes) avec le verbe de wa arimasu (ici, le sens est bien "il y a"), ai ou koi (tous deux le sens d'amour des personnes) avec le verbe suru ("faire").

    すきです (suki desu) se traduirait donc par "c'est de mon goût", et 愛する (ai suru) ou 恋する (koi suru) par "faire l'amour", quoique pas au sens ou nous, nous disons "faire l'amour".
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    Message par Invité Sam 10 Déc 2011 - 9:13

    Kaïkan a écrit:Je ferais donc une différence entre le je qui agit et le moi qui croit être un individu séparé alors qu'il n'est en fait qu'un amalgame de divers agrégats, une construction complètement virtuelle qui n'a aucune réalité si on l'examine sérieusement.
    Bonjour,
    faut-il par conséquent en déduire que le je est un individu séparé, n'est pas fait d'un amalgame de divers agrégats, n'est pas une construction complètement virtuelle etc?
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    Message par Fa Sam 10 Déc 2011 - 10:56



    faut-il par conséquent en déduire que le je est un individu séparé,


    Séparé de quoi ?
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    Message par Invité Sam 10 Déc 2011 - 11:10

    Fa a écrit:
    faut-il par conséquent en déduire que le je est un individu séparé,
    Séparé de quoi ?
    Posez donc la question à Kaikan quand il écrit:

    Je ferais donc une différence entre le je qui agit et le moi qui croit être un individu séparé (etc...)

    ( tongue Vous savez je peux vous la donner la réponse: dans le bouddhisme, séparé, c'est-à-dire séparé des autres phénomènes. Aussi quand on y dit par exemple l'ego n'est pas séparé c'est-à-dire qu'il n'est pas indépendant des autres phénomènes, qu'il est co-produit ou en interdépendance ou construit avec des autres phénomènes et qu'il n'est pas permanent. Donc si Kaikan dit que le moi n'est pas séparé je voudrais savoir ce qu'il en pense pour le je puisqu'il les différencie...)
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    Message par Yudo, maître zen Sam 10 Déc 2011 - 12:02

    "Je" est une fiction grammaticale utile. Ce n'est pas parce que c'est une fiction que ça n'existe pas. Mais cette existence est conditionnée, tout simplement.
    De même, "Jésus" est une fiction qui représente l'esprit de sacrifice de l'un pour tous. Ce n'est pas parce que c'est une fiction que ça n'existe pas. Mais cette existence est conditionnée, tout simplement.
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    Message par Kaïkan Sam 10 Déc 2011 - 12:24

    Doubidou a écrit:
    Kaïkan a écrit:Je ferais donc une différence entre le je qui agit et le moi qui croit être un individu séparé alors qu'il n'est en fait qu'un amalgame de divers agrégats, une construction complètement virtuelle qui n'a aucune réalité si on l'examine sérieusement.
    Bonjour,
    faut-il par conséquent en déduire que le je est un individu séparé, n'est pas fait d'un amalgame de divers agrégats, n'est pas une construction complètement virtuelle etc?

    Kaïkan a écrit:Je ferais donc une différence entre le je qui agit et le moi qui croit être un individu séparé alors qu'il n'est en fait qu'un amalgame de divers agrégats, une construction complètement virtuelle qui n'a aucune réalité si on l'examine sérieusement.

    Encore une fois il ne s'agit pas d'une question sincère mais d'une énième tentative de dénigrement. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de répondre davantage.

    Tous les disciples n'ont pas les mêmes capacités, ils sont de trois sortes :

    1. Ceux qui comprennent en voyant l'ombre du kyosaku...
    2. Ceux qui comprennent en "recevant" le kyosaku...
    3. Ceux qui ne comprennent jamais même en cassant le kyosaku sur leurs épaules.


    Le kyosaku représente l'enseignement du maître... Laughing
    C'est une métaphore (pour ceux qui prendraient à tort cette citation pour des propos violents)... Very Happy
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    Message par Kaïkan Sam 10 Déc 2011 - 13:13


    Je recommande le chapitre :

    C. La découverte du Je transcendantal


    Leçon 10. La nature du sujet conscient

    La conscience de la vigilance est nécessairement la conscience de quelqu’un. Qui suis-je donc, en tant que sujet conscient? Dans l'attitude naturelle, nous n'avons pas de doute sur l'identité, nous: nous disons, "mais c'est moi !" Nous pointons notre doigt sur notre corps et nous disons "moi". Mais qu’est-ce que le "moi ?" Pour répondre à pareille question, nous sommes prêts à dégainer nos papiers d'identité, à énumérer un catalogue de qualités : je suis Pierre X, né à Paris, étudiant, etc. N'est-ce pas une réponse assez vague que cette énumération?

    Est-ce bien ce moi et son catalogue confus d'appartenance qui est le sujet de la conscience? Le quelqu'un qui est conscient, qui est capable de dire "je" est appelé le sujet. Le sujet qui est posé avec l’objet et en relation avec lui. Il y a plusieurs manières de se représenter le sujet conscient. Cependant, pas de sujet sans objet, l’un et l’autre naissent ensemble : sujet/objet est un concept duel. Du point de vue de l’expérience cependant, il y a dans le vécu de la vigilance une triade, celle du sujet, de l'expérience qui fait le lien et de l’objet. On peut aussi dire observateur-observation-observé, ou encore le penseur, l’ego, l’acte de penser, le cogito, le pensé, les cogitata. Est-ce à dire que le moi consiste seulement dans la pensée?

    Qui est le sujet de la conscience ? Le moi qui pense est-il lui-même seulement une sorte de sous-produit de l’activité de la pensée ? Quelle consistance le moi possède-t-il? Qu’est-ce que le moi ?

    * *
    *

    A. Le moi empirique et son énigme



    Ne connaissons-nous pas le moi par expérience ? Nous passons notre temps à dorloter notre petit moi contre les blessures de son amour-propre ! Nous sommes obsédés par l’idée qu’il faut que "moi" je me situe par rapport aux "autres". Nous vivons avec un sens de l’identité personnelle, dont nous cherchons constamment l’affirmation, qui est une appréhension de notre moi. Nous vivons dominé par la relation entre moi et les autres moi. Comment donc ne saurions nous pas alors ce qu’est le moi ? Il est possible que nous ne connaissions pas très bien notre moi personnel, nous ne savons pas encore ce que le moi peut être, mais nous devons bien pouvoir comprendre ce qu’est l’ego en partant de notre propre expérience.

    ---------------1) Il faut suivre une démarche descriptive et questionner directement la moïté, le sentiment du moi dans ses manifestations. Ce n’est pas difficile puisque ce moi se met constamment en valeur. Il le fait dans la parole par l’opinion : « Moi je pense que... » « Moi je crois que l’on devrait... » « Moi, je possède... » etc. Nous connaissons tous des personnes qui se mettent en avant et qui à la limite ne parlent que d’elles-mêmes. N'est-ce pas exactement ce que nous faisons aussi? Le moi est le sujet en tant qu’il s’affirme dans ce qui est mien, dans un sentiment d’appartenance. Moi, cela n’a de sens que par rapport à ce que je considère comme étant à moi. Je me mets au centre d’un monde, comme l’araignée au centre de sa toile. A chaque objet de mon monde est relié un fil qui constitue mon attachement à cet objet (texte). Moi c’est donc aussi : ma maison, mes livres, ... ma femme et mon chien ! C’est aussi mes convictions, mes croyances, mes aspirations, mes regrets, mes souvenirs, en bref, tout ce que je considère comme étant à moi, ce qui m'est personnel, comme contribuant étroitement au sens très aigu que je puis avoir de mon identité particulière. Il y a des signes qui ne trompent pas. Si jamais un des objets qui est relié à moi vient à disparaître, j’en ressens une souffrance, le fil de l’attachement se déchire et je souffre. Je perds un peu de moi dans le vol d’un objet auquel je tenais énormément, je perds un peu de moi dans la disparition d’un être auquel j’étais très attaché. Envers les personnes, les fils de l’attachement sont plus serrés et la souffrance d’autant plus grande. Le moi est le siège de l'attachement. L’attachement du moi non seulement relie mais il enserre aussi, il attache, ligote même celui qui y est pris. Le moi tient au réseau de ses attachements, il tend à vouloir perdurer dans une forme qu’il s’est donné. Le moi veut persévérer dans l’être dans un processus constant d’acquisition, dans l’ordre de l’avoir: plus de pouvoir, plus de richesse, plus d’affection, plus de renommée : en résumé au fond, plus de reconnaissance à l’égard des autres moi. C'est aussi ce qui fait que le moi, est aussi le siège de l'amour-propre. (texte) Ce qui est blessé c’est l’amour-propre du moi à qui le temps ou les circonstances ôtent un lien. Celui qui est vexé par une remarque, qui tombe du piédestal sur lequel il s'était mis, c'est encore le moi. L'identité du moi semble une structure très compliquée, mais dont les stratégies sont assez cohérentes.

    Que nous montre l’amour-propre ? (texte). Le moi se donne une image de soi valorisante de lui-même et désire être reconnu dans cette image. Son souci principal n'est pas d'être, mais de paraître ce qu'il voudrait être, de se montrer, se montrer comme "un ami" de X ou Y, "le père" de X, de se montrer comme "un scientifique", " un footballeur", " un artiste", " un député", d'afficher son identité comme basque, breton, etc. Sans cette image de soi qui peut-être flattée, confirmée, ou bien critiquée, reniée, y aurait-il ce que l'on nomme couramment l'amour-propre ?

    Or, l'amour-propre participe d'une caractéristique de l'ego qui consiste à tout ramener à lui-même. Pascal dans un texte célèbre des Pensées l’a vu avec beaucoup de pertinence. « La nature de l’amour-propre et de ce moi humain est de n’aimer que soi et de ne considérer que soi ». C’est ce que nous sommes toujours en train de reprocher aux autres sous la forme de l’égocentrisme ! « En un mot, le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu’il se fait le centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu’il les veut asservir : car chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres ». Si l’égocentrisme est injuste, c’est bien sûr parce que le prétendu centre n’est au fond pas séparable de l’individualité du corps. Quand le moi se prend lui-même comme référence en matière de jugement, comme référence en matière d’intérêt à l’égard de ce qui peut-être utile ou de ce qui a une valeur, on entre dans la confusion la plus totale. Mes intérêts ne sont pas les intérêts de l’autre et des autres, si donc je dois décider de l’intérêt de tous, cela ne peut être qu’en mettant entre parenthèses la prééminence de mon intérêt particulier. Le moi est plus qu’incommode, il est non seulement plein de suffisance, mais il tire aussi de sa suffisance une volonté de puissance sans borne (texte). Le besoin d’asservir l’autre est un corollaire du sentiment d’accroître sa puissance, jusqu’au délire de puissance égocentrique du mégalomane (texte). Et pourtant, en réalité, ce sentiment de puissance est bien faible. Le besoin presque désespéré du moi de se voir reconnu devant les autres pour avoir une importance est d’une faiblesse pathétique. (texte) Celui qui dans une discussion fait beaucoup d’effort pour se mettre en avant, pour mettre sa propre personne sur la balance pour assurer ses idées est bien faible. Quand on a besoin de dire « moi je pense que... », c’est que l’on a immédiatement conscience qu’un autre pourrait penser autre chose, que cette petite personne qu'est le moi est bien limitée. Il y aussi du pathétique dans l’inversion de la suffisance orgueilleuse, le sentiment ou la volonté d’impuissance qui fait que le moi se sent si petit que l’esprit se déjuge, se renie et se racornit sur lui-même. La haine de soi dirigée vers l’ego est aussi destructrice que la suffisance délirante de l’amour-propre. (texte)

    2) Il existe indéniablement un sentiment du moi. Le moi est la conscience individuelle attentive à ses intérêts et partiale en sa faveur. Ce sentiment du moi se met en place progressivement chez l’enfant qui apprend à se définir. Chez l’adulte, il est censé être plus souple, il est censé laisser place à autrui pour ouvrir une conscience plus large et plus profonde. Il est lié étroitement au souci de maintenir dans le temps une forme d’individualité distincte et définie. Le moi est temporel. Le moi change et se transforme. Il est de ce fait inséparable de la mémoire. Celui qui perd la mémoire perd aussi son identité. Il ne sait plus qui il est, ce qui est un trouble important pour une conscience qui est dans la vigilance axée sur la conscience de l’ego. Le sentiment d’aujourd’hui s’appuie sur le passé. L’ego est comme une boule de neige qui roule sur le flan d’une montagne. Plus elle roule, plus elle accumule de la neige, plus le temps passe, plus l’ego accumule de l’expérience, plus ce passé pèse sur le présent. Le passé du moi fait corps avec son présent. Si nous disons « moi, moi », c’est à partir du sentiment de continuité, nous pensons être le même dans le temps en dépit du changement. C'est curieux. Comment puis-je rester le même si je change tout le temps? Ce qui reste constant dans le changement, nous pensons que c’est le "moi", une seule et même personne née à tel moment et qui a vécu tant d’années, qui a connu telle ou telle expérience, qui porte avec elle tel ou tel souvenir. Ce lot particulier fait que nous avons bien conscience que notre moi est différent d’un autre moi, aussi sommes nous en tant que moi complètement différents d'un autre.

    Partant de l’expérience psychologique, nous pouvons donc avoir une appréhension du moi qui tourne autour du concept d’appartenances individuelles (texte). Nous appellerons cette structure du sujet le moi empirique. C’est au niveau du moi empirique que l’on peut distinguer le moi-social qui caractérise les appartenances de l’ego liées à un rôle ou à un personnage, le moi-vital, qui caractérise l’appartenance l’idée au corps, le moi-psychologique, qui caractérise le rapport intime du moi à lui-même, la définition de soi, l’amour-propre. Selon chacun de ces niveaux, le moi se caractérise comme une forme d’identité prise par le moi à l’égard de ce qu’il revendique comme sien; ce qui veut dire que c’est une manière pour le sujet conscient de se définir. En me définissant, je me pense sous une forme particulière (texte) et suis alors à même de revendiquer une certaine identité. Mais suis-je une définition?

    2) La question : « qu’est-ce que le moi ? » est cependant très embarrassante. Si on nous demandait : « qu’est-ce que la tourterelle ? », nous pourrions toujours, faute d’avoir l’animal sous la main, avoir le recours d’aller chercher une encyclopédie pour montrer une photo. Nous pourrions former une définition en donnant une catégorie générale, celle des oiseaux et éventuellement une sous-famille dans laquelle se rencontre aussi le pigeon. Que faut-il montrer quand on parle du moi ? Où est donc la catégorie qui pourrait le définir avec l’espèce qui le recouvrirait ? On ne peut montrer que les objets, on ne peut pas montrer un sujet, car c’est exactement le contraire, c’est le sujet qui est le pouvoir de montrer. Pour ce qui est de la définition, il y a là aussi un problème. Si le sujet peut définir n'importe quel objet, est-il capable de se définir lui-même?

    Peut-on enfermer le sujet dans une définition comme on le fait d’une entité mathématique ? On dirait alors le "moi" qui constitue Pierre ou Paul, comme on dit le "cercle". Mais justement, une notion mathématique, c’est une abstraction, un concept, ce n’est pas la conscience vivante. Cela même qui permet de tout définir n'est-il pas au-delà de toute définition?

    B Flux de conscience et impermanence du moi



    Cette identité du moi, quelle réalité a-t-elle ? Suis-je comme un abricot, avec une chair et un noyau qui serait « moi » ? Peut-il y avoir un moi permanent ? Si le sujet se constitue avec l’objet, il doit être aussi relatif que lui. Du côté de l’objet de la conscience, tout change et se modifie, il n’y a qu’une diversité confuse de vécus. Il n’y a pas d’unité. Si on cherche dans le moi quelque chose de fixe, de stable, d'identique, peut-on vraiment le trouver ?

    1) L’expérience sensible, l’expérience empirique que le moi connaît, ce sont toutes ces sensations qui se bousculent et qui passent, ces sensations qui me traversent. Je sens le froid, le chaud, je pense à telle ou telle chose. J'ai une émotion, une peur, une angoisse, des attentes, des espoirs et des regrets. La sensation advient et passe. Pourtant je la réfère à une constante, moi qui l’éprouve. Où est l’unité du moi dans ce tourbillon des pensées ? Hume ironise, disant que l’on ne trouve nulle part une sensation renvoyant à ce genre d’idée qu'est celle du « moi ». Il y a bien un vécu auquel renvoie la sensation. Le mot "chaud", "froid", renvoie à un contenu, de même il y a un vécu précis de la peur, de l'attente. Mais où est le vécu dans lequel le « moi » pourrait être appréhendé? Où est la sensation qui désignerait "moi"? Impossible de l’exhiber de manière aussi concrète qu’une sensation. Cela explique la position du phénoménisme du monde intérieur : le moi pour Hume (texte) et les phénoménistes n'est qu'un mot, la réalité n’est que le flux des impressions, la diversité du changement intérieur. L’idée de substance du moi (le noyau) apparaît à Hume un artifice de l’imagination, pour donner consistance à une idée. Nous voudrions avoir une existence stable au sein d’une continuité, alors nous inventons l’idée d’un moi permanent. Mais la vérité est dans le flux continuel des impressions. Le moi, s’il est le sujet des impressions, doit être changeant, il doit être en devenir. Le moi d’une époque est donc différent du moi d’un autre époque. C’est cette même expérience de l’évanescence dans le changement qui fait dire à Montaigne que nous ne sommes pas un mais plusieurs. Nous sommes un défilé de personnages dans le temps, depuis l'enfant, l'adolescent à l'adulte. Le changement fait que le moi ne peut pas rester constant, ne peut rester le même. Le temps fait que le moi est toujours différent de ce qu’il a été. Le moi d’hier n’est plus le moi d’aujourd’hui. Si nous pouvions penser la réalité uniquement à travers les sensations, nous n’aurions pas l’audace de défendre l’existence d’un « moi » un et identique. (texte) Nous verrions à quel point il n’y a que le flux perpétuel de la conscience qui change de formes et de visages. Il ne faudrait plus alors parler du « moi » mais seulement de l’idée du moi pour être exact. Nous appellerons phénoménisme, sur ce thème de la conscience, une doctrine qui s’appuie sur la relativité des objets de la conscience et refuse de voir au-delà. Il y a dans le bouddhisme, chez Montaigne, Hume, Paul Valéry, Pascal et Nietzsche des positions typiquement phénoménistes : en résumé, le moi n’a pas de substance propre. (texte)

    2) Seulement, en congédiant ainsi la réalité du moi, on ne rend pas justice au sentiment d'identité. Il y a bien en nous un sentiment d'identité et il demeure intact contre le changement. D'où vient-il? N’est-ce à tout prendre qu’un fantasme de l’imagination ? Prenons une image : une roue en mouvement possède des rayons. Plus on se rapproche du centre de la roue et moins le mouvement se fait sentir. Il y a un point sans dimension au centre de la roue dans lequel il n’y a aucun mouvement. (texte) Ce point immobile est ce qui rend possible le mouvement de la roue. Disons que ce point représente le centre de la Conscience, le "Je". La conscience excentrée, elle, est celle de l’ego qui tente laborieusement de s’assurer une constance dans le mouvement ; mais la vraie constance appartient au centre de tout mouvement. L’ego ne forge à ce titre qu’une connaissance de lui-même très limitée qui est la connaissance empirique. Il fonde son identité sur la mémoire, ce qui n'est pas un appui très sûr. Pourtant le sens de l’identité est là.

    En chaque représentation, pour autant que toute représentation est portée par la conscience, il doit donc y avoir ce que Kant nommerait techniquement une aperception transcendantale de soi-même. Un sens de l’unité de la conscience à travers le temps. Celle-ci se distingue nettement de l’aperception empirique du moi, qu’obtient par exemple l’ego en s’analysant par introspection. Je puis me décrire comme timide, effacé, ou sans-gêne et entreprenant. Du côté de l’ego empirique il y a seulement la particularité, il y a moi, et mon histoire, ma famille, ma nationalité, mes problèmes personnels, mes aspirations, mes attentes etc. L'idiosyncrasie individuelle.

    ---------------Mais il y a simultanément aussi une unité qui relie toutes les représentations, toutes les sensations, et la diversité du vécu. Tout ce qui est relié à un Je. Du côté du je transcendantal, il n’y a aucun contenu particulier, mais la conscience dans son unité, dans sa valeur pure et universelle. Si on ne regardait que la diversité présente dans le vécu, la conscience serait éparpillée dans ses représentations. Elle ne pourrait pas avoir le sentiment d’être la même, d’une identité dans le temps. La présence de ce sentiment d’identité indique qu’il doit y avoir un facteur constant dans le changement et c’est le Je pur. Kant parle de l’intuition du ich denke, du je pense. Il désigne une forme « d’aperception pure pour la distinguer de l’aperception empirique, ou encore aperception originaire parce qu’elle est cette conscience de soi qui, produisant la représentation je pense, doit pouvoir accompagner toutes les autres et qui est une et identique en toute conscience ». (texte)

    Si nous nous obstinons à croire que le moi est notre véritable identité, nous pourrons estimer que cette solution n’est pas très satisfaisante. En effet, sous cet angle, j’ai conscience que je suis et non pas de ce que je suis, cette conscience ne constitue pas pour Kant une connaissance de soi. Mais cela implique que la conscience possède en elle une unité qui n'est pas empirique mais transcendantale. Tout ce que l'on peut en inférer, c'est que le je suis est conscience. Je suis conscience, c’est là ma véritable identité et peut-être la connaissance la plus haute que je puis avoir. La connaissance des petits travers de moi personnel n’est pas la plus haute connaissance de soi.

    C. La découverte du Je transcendantal



    Quelle certitude de soi possède alors la conscience sur son identité ? Pascal, dans les Pensées pose la question : "où est donc ce moi s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme?" (texte) et il a une intuition géniale au sujet du moi : « Je sens que je puis n’avoir point été, car le moi consiste dans ma pensée ». Nous voudrions trouver quelque part à l’intérieur de nous une sorte de noyau stable qui serait « le moi ». Nous raisonnons parfois en supposant que dans notre for intérieur, sur l’écrin de notre intimité, il y a quelque chose comme une perle rare qui est « notre moi personnel, ses travers et ses défauts etc.... » Cela voudrait dire que le moi aurait une réalité indépendante de la conscience. Mais n’est-ce pas justement une illusion ? Le moi n’est pas séparable de la pensée. Trouve-t-on ce moi quand on s’exerce à l’introspection ? La formule « mon moi personnel» est déjà assez surprenante. A qui appartient donc ce moi ? S’il appartient à quelqu’un, c’est qu’il y a une possesseur plus profond que le moi qui est le je qui justement pense et prononce la formule « mon moi personnel ». Le penseur est-il un « moi » ? Le penseur n’est il pas seulement le sujet de la pensée ? (texte)

    1) Une réponse à ce problème nous est donnée dans le cheminement des célèbres Méditations Métaphysiques de Descartes. L'enquête de Descartes vise la découverte d'une vérité qui échappe au doute, la découverte d'une première certitude à partir de laquelle nous puissions fonder l'édifice de tout le savoir. Nous avons, depuis notre enfance, explique Descartes, reçu en notre esprit beaucoup d’opinions fausses. L’enfance est une période de naïveté, si nous voulons voir clair dans le domaine de la connaissance, il est bon de purifier par le doute le champ entier du savoir. Il ne s’agit pas de douter de manière sceptique, en cherchant à tout mettre en doute pour détruire, mais de douter de manière méthodique, (texte) afin de voir s’il est possible de trouver un fondement certain sur lequel on puisse édifier une connaissance correcte. Cela peut sembler une tâche interminable : s’il fallait vérifier toutes les opinions, cela n’aurait pas de fin. Non, il suffit de considérer les appuis que nous prenons pour désigner une chose comme vraie et de les examiner. Il suffira alors de rejeter comme faux ce qui comporte le moindre doute, la moindre obscurité.

    Le premier pas, il faut le faire à partir de la perception. En effet « tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour vrai, et assuré, je l’ai appris des sens, ou par les sens ». Ai-je quelque raison de douter de la valeur du témoignage sensoriel ? Il y a des apparences qui peuvent m’induire en erreur. La rame du bateau plongée dans l’eau paraît cassée, mais en vérité elle ne l’est pas. Une tour peut de loin me sembler ronde et s’avérer carrée quand je m’en rapproche. Le soleil d’été semble parfois plus gros à l’horizon qu’il ne l’est au zénith et pourtant le soleil ne change pas de taille. Les sens peuvent donc être le siège d’illusions et d’erreurs. Si on ne se fie qu'à l'apparence sensible, il est possible que l'on soit trompé. (texte) Qu'est-ce qui nous garantit que ce que nous percevons est bien en réalité tel que nous le voyons? Puisque le doute est là, il vaut mieux écarter ce qui se fonde seulement sur le témoignage des sens car cela pourrait me tromper.

    Ce sont pourtant mes sens qui me disent que je suis dans cette pièce éclairée, mon corps est bel et bien là. Le nier est peut-être folie. Je ne peux pas nier que ces mains soient à moi. Si je le fais, je suis tout aussi détraqué que le fou qui se prend pour un arbre ou une cruche, qui s’imagine avoir un corps de verre. Est-il raisonnable de douter jusque là ? Cependant, « chaque nuit j’ai coutume de dormir et de rêver ». (texte) Je pourrais fort bien rêver que je suis dans cette pièce à la même place, en train de faire les mêmes choses, alors que je suis en réalité tout nu dans mon lit. J'aurais le même sentiment d'incarnation. Où serait la différence ? Je peux me dire : « tout de même, je sens bien que cette table est réelle, je peux taper dessus et me faire mal, ce n’est pas un rêve ». Je pourrais ajouter qu’il me semble bien maintenant que mon esprit est clair et tout à fait vigilant. Seulement, on ne peut pas se contenter d’un "sentiment de réalité", d’une impression de "vigilance" et de clarté. Pendant le rêve, le rêveur croît à la réalité du monde du rêve tout aussi fermement que je crois à la réalité de cette table que je cogne de la main. Le rêveur éprouve des vécus qui lui semblent bien réels. C’est terrible! Il se pourrait bien que la réalité de la veille ne soit qu’un rêve bien lié ! (texte) Qu'est-ce qui nous prouve le contraire? « Il n’y a point d’indices concluants, ni de marques assez certaines par où l’on puisse distinguer nettement la veille d’avec le sommeil ». Ma croyance dans la réalité de mon corps est douteuse, je connais mon corps à travers des modes de conscience. Les sensations que j’ai dans mes mains pourraient ne pas me révéler exactement ce qu’est ma main.

    Il reste que le rêve est d’ordinaire bien faible par rapport à l’état de veille : il est trop incohérent. Parce que le rêve est incohérent, je puis en tirer l’idée qu’au fond, il ne fait que parodier dans l’imaginaire un ordre qu’il emprunte à l’état de veille. Si jamais il advenait que le rêve soit aussi cohérent que la veille, je serais dans une grande confusion. Imaginez le savetier qui mène une vie instable et malheureuse qui rêve chaque nuit qu’il est roi, (texte) dans une vie paisible et heureuse. Il est certain qu’il en viendra à considérer que la vraie vie est du côté de sa royauté et qu’il fait toutes les nuits d’épouvantables cauchemars où il se voit savetier. La réalité va avec la cohérence. La réalité est donc au fond posée par la logique. Cela signifie que du côté du réel il y a un ordre dont il est possible de rendre compte. Ce sont les mathématiques qui, dans le nombre, ont l’ordre pour objet. Après tout, que je veille ou que je dorme 2+3 = 5. Une relation mathématique est une idéalité, elle n’a pas de compte à rendre à la variabilité de nos états de conscience. Étendons cette idée et nous en viendrons alors à penser que la physique, l’astronomie, l’arithmétique et la géométrie nous placent dans ce qui est véritable. S’il doit y avoir une certitude, elle ne peut qu’être du côté des objets clairs et distincts de la pensée. Tels sont justement les idéalités mathématiques, ces natures simples de la pensée.

    Suis-je sorti d’affaire ? Suis-je en présence d’une vérité dont on ne puisse douter ? Poussons un peu le doute, proposons-nous un doute hyperbolique. S’il existait un magicien cosmique capable de tout, s’il existait un dieu trompeur, il « se pourrait bien qu’il n’y ait aucune terre, aucun ciel, aucun corps étendu, aucune figure; aucune grandeur, aucun lieu et que néanmoins, j’ai les sentiments de toutes ces choses». Strictement rien ne serait changé dans ma perception et ma représentation, rien dans mon monde soi-disant réel. Et pourtant, corps, figures, mouvements etc., tout cela ne correspondrait à rien dans la réalité. Ils ne seraient que des modes de mon appréhension de la réalité. Je serais donc trompé. Je pourrais très bien être en présence que des seules fictions de mon esprit. Arrivé à ce point, l’angoisse est grande : finalement, il n’y a rien au monde de certain, on peut douter de tout car nous avons des raisons de douter de tout. Je peux même pousser l’audace à son comble : après tout je suis peut-être moi-même l’auteur de toutes ces fictions, le maître de l'Illusion, « peut-être suis-je capable de les produire moi-même ». (texte)

    Or, cela veut donc dire au moins que de toute manière, je suis en tant que sujet de ces fictions. Que l’on invente toutes les illusions que l’on voudra, des illusions d’optiques aux illusions sociales, psychologiques etc., ce qui reste toujours vrai, c’est que ces fictions se rapportent au sujet qui les pense. (texte) Le je est le foyer autour duquel gravitent toutes les représentations. Il est la première des certitudes. L’opinion admet que le plus certain, c’est ce que l’on peut toucher de la main, cette table ici par exemple. Le moi empirique s’imagine être réel parce qu’il croit être lui-même être une chose parmi les choses. Mais ce qui a le plus de vérité, ce n’est pas la chose, mais la conscience qui pose la chose. Le je suis est d’une invincible certitude. « De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure et tenir pour constant que cette proposition : ‘je suis, j’existe’ est nécessairement vraie toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit ». Tel est ce cogito que la tradition philosophique retiendra sous le terme de sujet transcendantal. (texte)

    ________________

    2) Cette première certitude du sujet, cette conscience-de-soi a-t-elle un contenu défini ? On pourrait toujours dire : « le nœud de la difficulté n’est pas de savoir si l’on existe, mais ce que l’on est». Or, au stade du raisonnement où nous sommes parvenus, nous avons écarté l’idée « je suis un corps », nous avons mis entre parenthèses la valeur du témoignage des sens. Or, l’identité du « moi » qui se pose comme un caractère, des tendances particulières différentes de l’autre moi, etc. Tout cela suppose l’identification de la conscience au corps représenté devant autrui. Je ne peux pas dire que je suis un « moi ». Le moi est dans l’ordre de ce qui est douteux. De même, je ne peux pas dire « je suis un homme ». Une définition de ce genre m’obligerait à préciser que je suis « une animal raisonnable ». Il faudrait alors dire ce qu’est animal et ce qu’est raisonnable et ainsi de suite à l’infini.

    Il faut partir de l’essentiel, la valeur de certitude du je suis (texte). Cette certitude indique seulement que Je suis est premier. J’existe, je pense, donc je suis. Si je dois maintenant développer mon identité, je dirai, seulement : je suis pensée, ou je suis conscience. Je trouve que « la pensée est un attribut qui m’appartient, elle seule ne peut-être détachée de moi ». Si le terme n’était pas impropre, il faudrait dire : je suis une « chose qui pense ». Or qu’est-ce qu’une chose qui pense ? C’est un esprit, un entendement « une chose qui doute qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine et qui sent ». (texte) Cela, je le suis, car ces modes découlent de la nature de ma conscience. Si maintenant par corps, « j’entends tout ce qui peut-être déterminé par quelques figures et peut-être compris en quelque lieu et remplir un espace », je devrais dire que mon corps, « machine composée d’os et de chair », est certes mien, mais il n’est pas moi. Je peux dire je suis une âme, jamais j’ai une âme, car l’âme est l’ultime sujet, l’ultime foyer de l’appartenance. Par contre je peux dire j’ai un corps, le corps n’est pas la conscience, le corps est davantage du côté de l’objet, plus que du sujet. C’est ainsi que se distingue esprit/matière que Descartes assimile chacun à une substance séparée, substance pensante qui englobe les valeurs de l’esprit et substance étendue qui englobe les valeurs de la matière.

    Le je suis est donc une pure pulsation de la conscience en tant que Je. Ce n’est pas le moi empirique. Il est connu directement dans une évidence qui n’est pas produite par le raisonnement. « Lorsque quelqu’un dit ‘je pense donc je suis’, il ne conclut pas son existence de sa pensée par la force de quelque syllogisme, mais comme une chose connue de soi ; il le voit par une simple inspection de l’esprit », par une intuition, une pure aperception. Le cogito livré à même le je pense est le modèle même de la certitude, le modèle de l’intuition. Personne ne peut douter de sa propre existence en tant que conscience.

    Cette découverte prendra un nom chez les successeurs de Descartes qui parleront du sujet comme Je transcendantal. Le cogito désigne l'identité pure du sujet pensant, l'identité du Je. En résumé, cette découverte implique selon G. Berger, "si je ne puis nulle part réussir à me saisir, je sais pourtant que je suis et que je ne puis douter d'être… Ce que j'ai appris, ce dont maintenant je suis sûr, c'est que je ne saurais confondre le 'je' qui se cherche et le 'moi' qui se rencontre dans le monde. (texte) Si je voulais parler avec rigueur, je devrais donc dire "je suis je", exprimant par cette forme insolite que le 'je' est toujours sujet".

    * *
    *

    Quand on fouille pour trouver le « moi » on ne trouve rien. Il n’y a jamais que la pensée qui, dans son cours, puisse donner, en se prenant pour objet, consistance à l’idée du moi. Y voir une « substance » est une simple vue de l’esprit. Le moi n’est pas une chose. La formule « chose pensante » est une absurdité. Il n’en demeure pas moins que l’activité de la pensée est bien première, elle est une pulsation temporelle d’un je qui porte effectivement en lui une unité, l’unité de la conscience-de-soi.

    La solution du problème devient alors plus claire : le sentiment d’identité appartient à la conscience-de-soi et il est dérobé par l’ego et surimposé au flux de la pensée pour donner naissance à cette illusion d’une substance qui fait que je me considère comme le même moi individuel précieux et unique. L’identité véritable transcende celle du moi, (texte) elle n’est pas personnelle au sens de la petite personne constituée par la continuité des souvenirs de l’ego. L’identité appartient au Soi, à la subjectivité pure. (texte) Le je n’est pas substance, il est pulsation de la conscience pure dans le temps sous cette forme qu’est la pensée. C'est pourquoi nous sommes fondés à faire une distinction entre sujet empirique et sujet transcendantal. Mais ce qui apparaît alors de manière surprenante, c’est que la profondeur de la subjectivité ne s’enferme plus dès lors dans les limites de l’ego. Elle est Présence à soi, seulement présence à soi.


    http://sergecar.perso.neuf.fr/cours/sujet.htm
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    Message par Invité Sam 10 Déc 2011 - 13:20

    Yudo, maître zen a écrit:"Je" est une fiction grammaticale utile. Ce n'est pas parce que c'est une fiction que ça n'existe pas. Mais cette existence est conditionnée, tout simplement.
    Si cette existence est conditionnée (comprendre en langage bouddhiste: co-produite, interdépendante, non autonome, sans soi propre) alors c'est qu'elle est pareille au moi. Donc pourquoi vous (qui secondez absolument l'avis de Kaikan) et Kaikan les différenciez vous (dixit: Je ferais donc une différence entre le je qui agit et le moi qui croit être un individu séparé)?

    Yudo, maître zen a écrit:De même, "Jésus" est une fiction qui représente l'esprit de sacrifice de l'un pour tous. Ce n'est pas parce que c'est une fiction que ça n'existe pas. Mais cette existence est conditionnée, tout simplement.
    Razz Je ne vois pas ce que cette comparaison vient faire ici. Il n'a été dit nulle part ici que Jésus n'existe pas... Ou que l'existence de Jésus n'était pas conditionnée.
    (enfin c'est bien confus de votre part de mettre "Jésus" entre guillemets, qu'il est une fiction etc... qu'est-ce que tout cela vient faire dans notre propos??...)


    Dernière édition par Doubidou le Sam 10 Déc 2011 - 15:10, édité 2 fois
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    A propos de l'égo Empty Le "Je transcendantal "est-il un concept bouddhiste?

    Message par Invité Sam 10 Déc 2011 - 13:35

    Kaïkan a écrit:
    Dans le sujet : "A propos de l’égo" Message n°14 ICI
    Je recommande le chapitre :

    C. La découverte du Je transcendantal




    http://sergecar.perso.neuf.fr/cours/sujet.htm

    Le "Je trancendantal" est-il un concept bouddhiste?
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    Message par Kaïkan Sam 10 Déc 2011 - 13:41


    Textes philosophiques

    Jean Klein le témoin impersonnel et le moi volitif


    "L'homme conceptualise ce qu'il est. Il associe le pronom "je" à de nombreuses qualifications, et ce "je" identifié à notre organisme psychosomatique se prend pour une entité indépendante. A n'importe quel niveau moral ou intellectuel qu'il soit, il est lié. C'est la cause première de ses difficultés. Par un examen en profondeur, nous constatons que les perceptions dépendent du percipient. Nous savons qu'elle sont en continuel changement à travers les quatre âges: enfance, jeunesse, maturité, vieillesse, et celui qui les observe se trouve en dehors d'eux.

    Comprenez que l'inconfort qui faite naître en nous la questions "qui suis-je?" dépend d'un "je" habitué à se situer comme acteur, penseur, celui qui souffre. Vouloir se débarrasser de la souffrance, du conflit ou les diminuer ne change rien, étant donné que, lorsque l'on se place comme un "je" volitif, c'est cela en soi qui nous lie. Ce "je" volitif est soumis à toutes les fluctuations du conditionnement; peur, inquiétude, etc. il est un ego, c'est une pseudo-entité. Celle-ci, lorsqu'elle est vue telle qu'elle est, s'élimine, emportant avec elle tous les problèmes. Elle a été perçue au moment de l'acte par un spectateur impersonnel et désengagé; lorsque nous le voyons, ce "je témoin" n'est plus un concepts, mais un "je suis" vécu.

    Tout ce qui a précédé le "je suis" est résorbé dans un état de lucidité silencieuse qui peut être appelé: je suis, je connais, je sais. Ce je sais est tout autre que celui du savant qui se déroule dans le cadre espace/temps, volume/durée.

    L'expérience du "je" est vide de toute perception. Il est conscience unitive, non-duelle. Rien ne peut exister en dehors de ce "je suis", c'est en lui qu'apparaît le monde.

    Le je suis, l'entourage et le monde sont un dans cette conscience intuitive. Le Soi inclut l'autre, il est unité".

    La Joie sans objet, Mercure de France, p. 125-126.

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    Message par Invité Sam 10 Déc 2011 - 14:03

    Kaïkan a écrit:
    Textes philosophiques

    Jean Klein le témoin impersonnel et le moi volitif


    "L'homme conceptualise ce qu'il est. Il associe le pronom "je" à de nombreuses qualifications, et ce "je" identifié à notre organisme psychosomatique se prend pour une entité indépendante. A n'importe quel niveau moral ou intellectuel qu'il soit, il est lié. C'est la cause première de ses difficultés. Par un examen en profondeur, nous constatons que les perceptions dépendent du percipient. Nous savons qu'elle sont en continuel changement à travers les quatre âges: enfance, jeunesse, maturité, vieillesse, et celui qui les observe se trouve en dehors d'eux.

    Comprenez que l'inconfort qui faite naître en nous la questions "qui suis-je?" dépend d'un "je" habitué à se situer comme acteur, penseur, celui qui souffre. Vouloir se débarrasser de la souffrance, du conflit ou les diminuer ne change rien, étant donné que, lorsque l'on se place comme un "je" volitif, c'est cela en soi qui nous lie. Ce "je" volitif est soumis à toutes les fluctuations du conditionnement; peur, inquiétude, etc. il est un ego, c'est une pseudo-entité. Celle-ci, lorsqu'elle est vue telle qu'elle est, s'élimine, emportant avec elle tous les problèmes. Elle a été perçue au moment de l'acte par un spectateur impersonnel et désengagé; lorsque nous le voyons, ce "je témoin" n'est plus un concepts, mais un "je suis" vécu.

    Tout ce qui a précédé le "je suis" est résorbé dans un état de lucidité silencieuse qui peut être appelé: je suis, je connais, je sais. Ce je sais est tout autre que celui du savant qui se déroule dans le cadre espace/temps, volume/durée.

    L'expérience du "je" est vide de toute perception. Il est conscience unitive, non-duelle. Rien ne peut exister en dehors de ce "je suis", c'est en lui qu'apparaît le monde.

    Le je suis, l'entourage et le monde sont un dans cette conscience intuitive. Le Soi inclut l'autre, il est unité".

    La Joie sans objet, Mercure de France, p. 125-126.

    Ce n'est pas du bouddhisme cela, mais de du védantisme: unité d'un "je suis" individuel et d'un Soi universel. Il n'y a pas de tel concept dans le bouddhisme.

    Il n'y a pas de Soi dans le bouddhisme mais le nirvana (vide de tout ce qui n'est pas lui). Et il n'y a pas de "je suis" (atman) dans le bouddhisme. Pas plus d'union de "je suis" avec un Soi dans le bouddhisme mais reconnaissance que le "je suis" n'a pas d'existence propre et pas d'existence ultimement (anatman). Dans le bouddhisme rien n'existe en dehors du nirvana et non en dehors d'un "je suis".

    Le concept du Soi n'est pas retenu dans le bouddhisme car il reviendrait à magnifier une manifestation égotique. Ceci se retrouve dans les deux concepts suivants :
    Anātman, est le concept bouddhique d'impersonnalité, par opposition en la croyance hindouiste en l'ātman. Il n'existe selon cette vue aucune âme, aucune essence à trouver, mais une simple agrégation de phénomènes conditionnés (voir skandha).
    Vijñāna pouvant se traduire par état de conscience, est le concept bouddhique de conscience. Il ne s'agit pas de la conscience comme caractéristique à un être, Vijñāna ne désigne pas la conscience en tant qu'essence : le bouddhisme refuse le concept d' « ātman » (âme), considérant au contraire tout phénomène comme impersonnel. Vijñāna désigne donc la conscience comme simple phénomène psychique.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Soi_(spiritualit%C3%A9)

    Le "je qui agit", le "je suis", le "moi", l'ego, tout ça c'est pareil dans le bouddhisme et renvoie à la même chose (la réunion de 5 agrégats) qui n'existe pas ultimement (anatman).

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    Message par Kaïkan Sam 10 Déc 2011 - 14:05

    Un petit texte très instructif... Very Happy


    Les Enseignements des écoles chan





    En insistant sur la méditation silencieuse en tant que moyen le plus direct de réaliser l'expérience d'Eveil du Bouddha, toutes les écoles chan de Chine rejetaient une étude formelle et systématique de la philosophie bouddhiste, dérivée des traditions scholastiques de l'Inde et cultivée en particulier au principal monastère-université de Nalanda. A la place se développa au cours du VIII° siècle un type spécifique de discours dialogué faisant usage d'énoncés exprimés en métaphores et symboles. On transcrivit pour le bénéfice d'autres étudiants ces conversations personnelles entre maîtres et élèves qui semblaient provoquer ou démontrer de manière significative différents aperçus des vérités dharmiques. Vers la fin des la période Tang et au début des Song, un certain nombre de ces dialogues recueillis furent sélectionnés et codifiés en collections de gong an [kôan], ou "cas publics", et furent, avec la publication de commentaires additionnels également élaborés sous forme de métaphores et de symboles, utilisés au XII° siècle comme la principale méthode d'instruction probablement dans toutes les écoles chan. En fait, les Cinq Maisons ou écoles chan de la période Song se distinguent par les techniques individuelles développées par chacune d'entre elles pour manier l'étude des kôans. Cependant, la production de ce type de discours se mit à décliner vers la fin du XIII° siècle en Chine, la publication par Wumen Hukai du Wumen kuan [La barrière sans porte] restant la dernière grande collection de kôans avec commentaire à paraître. Nous pouvons donc considérer la littérature chan comme un système fermé de discours symbolique, tirant son origine de conversations anecdotiques entre maître et élève du début des Tang, et se terminant sur les collections de kôans et de commentaires de la fin des Song, une période qui dure environ six siècles.

    Quoique les enseignements philosophiques originaux du Bouddhisme sont rarement mentionnés explicitement dans ce discours si spécifiquement chinois, ils en constituent néanmoins la substance qui sous-tend les énoncés impliquant signe et symbole. En d'autre mots, ils sont le méta-langage sur lequel le discours lui-même est fondé. Loin de représenter un rejet de la philosophie bouddhiste traditionnelle, la littérature chan en est, en réalité, une expression symbolique. Presque tous les énoncés chan provenant de l'une quelconque des écoles ou d'un des maîtres tendent vers l'une des trois positions générales du Mahayana: la théorie de la vacuité (à partir des sûtras de la Prajñâ-pâramitâ et de la littérature Madhyamika); la théorie de l'ainsité (ou non-dualité); et la théorie du tathagata-garbha, ou "Essence-de-Bouddha," qu'on traduit communément en français par "Nature de Bouddha".

    La vacuité (sunyata) est la perception qu'a le Bouddhisme Mahayana de ce que tous les phénomènes, physiques et mentaux, sont impermanents, et qu'aucun n'existe indépendamment des autres. Cependant, ceci n'est pas compris simplement en tant qu'énoncé métaphorique sur la réalité, mais aussi, et de façon plus importante, comme objet de la conscience intuitive: en d'autres mots, la vacuité est en plus une expérience qu'on peut réaliser et actualiser par la méditation.

    Le terme "ainsité" (tathata), souvent rendu par "telléité" en français, apparût d'abord dans les sûtras de la Prajñâ-pâramitâ. Il renvoie à la façon dont les phénomènes existent a priori, avant conceptualisation ou avant que toute forme de discrimination entre sujet et objet n'apparaisse par rapport à eux. C'est l'état inhérent de la réalité apparente vue d'une position de vacuité, ou de vérité ultime. Lorsque les projections mentales s'arrêtent, les phénomènes existent dans un état d'identité autonome, ou de "mêmeté" (samata). Toutes choses demeurent telles qu'elles sont, dans leur condition de base d'unité ou de totalité, appelée aussi non-dualité (avadya, "pas deux"). Ce terme est utilisé dans divers contextes théoriques par différentes écoles indiennes, dont le Madhyamika, le Vijñanavada et le Yogaçara, et il est souvent mentionné dans plusieurs des tantras tardifs. Il est également un enseignement-clef dans le Da sheng qi xin lun (Eveil de la Foi dans le Mahayana), un ouvrage paru aux alentours de 550 et qui eut un impact considérables sur le développement de la pensée bouddhiste en Chine.

    L'expression tathagata-garbha, que je traduirai ici comme Nature-de-Bouddha, apparut dans un certain nombre de sûtras et de shastras (commentaires des sûtras) entre 250 et 400 EC. Il signigie en sanscrit soit, "Tathagata embryonnaire" -- c-à-d le Bouddha qui doit apparaître -- soit la "matrice du Tathagata" d'où prooviendra le Bouddha. Elle fait référence à la Nature-de-Bouddha dans tous les êtres sensibles, le potentiel d'Eveil non-réalisé, qui permettra à l'individu de donner naissance à la bouddhéité. En chinois, l'expression fut d'abord traduite par ru lai zang, mais plus tard on la rendit par fo xing, après que les commentaires philosophiques chinois aient commencé à élaborer sur le concept, et c'est d'après ce dernier que nous avons reçu les traductions "Esprit-de-Bouddha" et Nature-de-Bouddha" en français.

    Aux IV° et V° siècles, la théorie du tathagata-garbha fut incorporée au système Yogaçara par les théoriciens éminents que furent Maitreyanatha, Asanga et Vasubandhu. Elle est un enseignement-clef du Lankavatâra sûtra, qui eut une grande influence sur le mouvement chan au début du VIII° siècle, et il atteint une éminence particulière dans l'histoire de la reconnaissance de l'éveil du Sixième Patriarche par son maître, Hongren. L'expression mahayanique indienne exprime l'idée que tous les êtres sensibles ont en eux l'essence de la bouddhéité et donc, grâce à la bodhiçitta, l'esprit d'éveil, la capacité de se développer eux-mêmes en Bouddhas. La Nature-de-Bouddha, ce potentiel qui se trouve à l'intérieur de tous, est caché par les souillures, qui obscurcissent la perception du dharmakaya: l'essence de l'univers, l'identité et l'unité du Bouddha dans tout ce qui existe.

    Dans le chan, le concept de tathagata-garbha prend un aspect dynamique auto-générateur: pour Shitou Xiqian, c'est véritablement la source de toute création. Le miroir est une métaphore constante pour la Nature-de-Bouddha; pratiquer le Bouddhisme, c'est révéler la "sagesse-miroir lumineux" qu'on a à l'intérieur. Le tathagata-garbha est aussi la base de l'enseignement de "l'esprit est Bouddha" des écoles chan méridionales du VIII° siècle, mentionné de façon répétée par Shitou et Mazu.

    http://zenmontpellier.voila.net/fr/ancetres/chan.html
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    Message par Invité Sam 10 Déc 2011 - 14:13

    Je ne vois aucune référence à un "Je transcendantal" dans ce texte...
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    Message par Kaïkan Sam 10 Déc 2011 - 14:29



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    Message par Franck Barron Sam 10 Déc 2011 - 16:48

    Puisque on te dit que le je existe sinon tu es bon pour l’hôpital psychiatrique...
    Ces deux là contredisent les textes fondateurs du bouddhisme mais ce n'est pas un problème ce sont deux grands maitres éveillés Smile Smile Smile
    Nous sommes entièrement constitués des cinq agrégats qui sont impermanents et qui non pas de soi, je me demande ou se logerais un je s'il existait.

    "Dans ce qui est vu, qu’il n’y ait que ce qui est vu
    Dans ce qui est entendu, qu’il n’y ait que ce qui est entendu
    Dans ce qui est ressenti, qu’il n’y ait que ce qui est ressenti
    Dans ce qui est connu, qu’il n’y ait que ce qui est connu.

    S’il n’y a pas de toi dans ses termes, s’il n’y a pas de toi la dedans alors il y a aura extinction de la souffrance."

    Ils ne te parleront jamais de l'extinction de la souffrance parce ce que ils ne savent pas ce que c'est que l'éveil.


    Dernière édition par Franck Barron le Sam 10 Déc 2011 - 16:56, édité 1 fois
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    Message par Leela Sam 10 Déc 2011 - 17:08

    Doubidou, je pense que la réponse de Kaïkan est au début:
    En insistant sur la méditation silencieuse en tant que moyen le plus direct de réaliser l'expérience d'Eveil du Bouddha, toutes les écoles chan de Chine rejetaient une étude formelle et systématique de la philosophie bouddhiste
    (si je me trompe, Kaïkan, dis le moi) Wink
    Bouddha refusait les discussions métaphysiques, parce que les réponses "divisent les hommes". Il répondait chaque fois: "je ne donne pas de réponse, mais les moyens d'aller les chercher vous même".

    Voilà ce que dit, en clair, la poto du méditant de dos postée après: méditer pour trouver la réponse sous forme d'une expérience, et pas d'un exposé théorique.

    Wink
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    Message par Kaïkan Sam 10 Déc 2011 - 17:19


    Bonsoir Leela,

    Excellente intuition...
    Very Happy
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    Message par Invité Sam 10 Déc 2011 - 17:24

    Leela a écrit:Doubidou, je pense que la réponse de Kaïkan est au début:
    En insistant sur la méditation silencieuse en tant que moyen le plus direct de réaliser l'expérience d'Eveil du Bouddha, toutes les écoles chan de Chine rejetaient une étude formelle et systématique de la philosophie bouddhiste
    (si je me trompe, Kaïkan, dis le moi) Wink
    Bouddha refusait les discussions métaphysiques, parce que les réponses "divisent les hommes". Il répondait chaque fois: "je ne donne pas de réponse, mais les moyens d'aller les chercher vous même".

    Voilà ce que dit, en clair, la poto du méditant de dos postée après: méditer pour trouver la réponse sous forme d'une expérience, et pas d'un exposé théorique.

    Wink
    Bonjour,

    Moi ce que je vois c'est que Kaikan alors que je lui pose une question sur ce qu'il entend par le "je qui agit" me renvoie au concept de "Je transcendantal" (pour le coup dans un texte théorique de deux kms de long). Je lui demande alors si il pense que le concept de "Je transcendantal" est bouddhiste. Et comme réponse il me balance un autre texte (pour le deuxième coup tout aussi long et théorique) où on y lit même pas ces deux mots: "Je trancendantal"...

    Aussi je n'ai pas la même interprétation que vous à ses réponses. On ne commence pas à parler métaphysique (Je transcendantal) pour ensuite tourner les talons quand ça se complique... C'est lui qui a évoqué cette notion (Je transcendantal) en premier, pas moi! Faut assumer quand on balance des notions quelqu'elles soient...

    cordialement

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