par Fred Ven 17 Mai 2013 - 15:37
L’objectivité chez les êtres humains ordinaires, repose sur l’opinion tacite, qu'une affirmation sur un sujet donné est valable si elle emporte l’accord de la collectivité, accord qu’ils nommeront vérité. En revanche, l’objectivité des Bouddhas repose sur un consentement conscient aux conventions de langage et de représentations, conventions qu'ils choisiront de réactualiser lorsqu’ils jugeront qu’il est opportun de le faire pour servir leur propre créativité. En d’autres termes, un Bouddha consent à appeler l’objet qui est devant lui, une fleur, alors que l’être humain ordinaire affirme que la vérité consiste toute entière dans le fait que l’objet qui est face à lui est une fleur. Ce dernier prendra donc cette convention pour une vérité objective.
Enfermant inconsciemment le monde de ses perceptions dans une description et une syntaxe, l'être humain ordinaire est le plus souvent, lorsqu’il combat pour la vérité, comparable à un petit soldat défendant avec ardeur, cette description qu’il craint de voir s’ébranler, puisque en s’ébranlant, c’est, le croit-il, tout son monde perceptif qui sera mis en danger. Une grande part de son énergie est donc mobilisée dans la fonction de s'assurer de la présence du monde sous les formes et les contours qui lui ont été appris. Pour s'assurer cette présence du monde, il devra également gaspiller son énergie pour réprimer sa créativité, qui, comme une force adverse, cherchera à le pousser hors des limites dans lesquelles ce monde spectrale cherche à l’enfermer.
Il sera nécessaire pour l’être humain ordinaire de prendre effectivement conscience que le monde des conventions n’est pas en danger, que l’objet qui est face à lui, peut être vécu au-delà de la convention consistant à l’appeler une fleur, bien qu’il soit possible et même opportun, pour des raisons pratiques, de s’accorder à l’appeler une fleur. Il devra retrouver sa faculté de cheminer vers l’objet, pour le connaître dans un geste de rencontre toujours neuf, et sans cette angoisse de voir ce qu’il nomme le monde, se dérober sous ses pieds.