Fonzie a écrit:"Voir et écouter: c'est-à-dire entendre, au sens plénier de comprendre tout en soulignant qu'étymologiquement comprendre signifie cum-prendere, prendre avec soi, autrement dit exprime l'idée que la vraie compréhension c'est de faire un avec ce que l'on connait, le prendre avec et en soi comme un élément désormais vécu, participé; connaître ne signifie-t-il pas réellement co-naître, naître avec, naître à ...
( Dans le sujet → https://zen-et-nous.1fr1.net/t1557-le-mon-ou-kamon#26916 ) Encadré ajouté par Kaïkan
Je rebondis sur cette citation de Fonzie, car j'ai eu pendant trois semaines un stagiaire. Ce garçon (17 ans) venait d'une école spécialisée de métiers d'art, et je sais que ces stages sont difficiles à trouver, car peu d'artisans acceptent de s'embarrasser d'un gamin à qui il faut tout apprendre (et ce, bénévolement).
J'ai quand même trouvé moyen de lui faire faire quelques bricoles, ce qui n'est pas évident dans un atelier comme le mien, où il y a peu de place, et où le travail relève de la main d'oeuvre spécialisée. Mais j'ai pu lui faire affûter des outils et poncer des travaux.
Ma première surprise est venue de constater que, dans son école, on ne leur apprenait pas à affûter les outils, ce qui me paraît pourtant élémentaire. Lorsque je racontais cela à un copine qui enseigne dans une école de communication (donc strictement rien à voir avec l'artisanat!), cela a été son observation spontanée. J'ai donc dû lui enseigner à affûter.
Mais l'autre observation, c'est qu'il ne "voyait" pas. Lorsque je lui faisais voir des différences de couleur qui permettent d'observer si un tranchant est émoussé ou non, il lui était très difficile de le voir. Cela est devenu franchement évident lorsque je lui ai donné des baguettes à polir.
Un mot d'explication, ici. Lorsqu'un archet est terminé, je le ponce d'abord au grain 180, suivi du grain 250 (il s'agit du nombre de grains au centimètre carré) et enfin du grain 400. Cela une fois fait, j'enduis le bois d'huile de lin diluée à la térébenthine, et je le polis avec un chiffon et du tripoli, une poudre abrasive qui sert en bijouterie (et qu'on retrouve sur les voitures, en bord de méditerranée, lorsque le scirocco l'a apportée du désert du Sahara).
Je repasse avec la même poudre, mais à sec, avec un autre chiffon, et je termine avec, toujours sur un autre chiffon, de la terre de sienne. A la fin, j'obtiens un fini d'un brillant discret et élégant.
Lorsque je lui ai donné cela à faire, sa finition était toujours terne. Il fallait à chaque fois que je redonne un coup de polissage pour avoir le fini brillant. Mais lui ne voyait absolument pas la différence! Au début, je m'en étonnais (en essayant de ne pas m'en irriter ), mais j'ai rapidement compris le phénomène: on ne voit que ce que l'on sait voir. Ce gamin est un fan de voitures: je lui ai fait observer qu'étant donné cela, il pourrait instantanément me dire la différence entre deux voitures de marques différentes qui se ressemblent, voire entre deux variantes d'une même voiture, alors qu'à moi, que cela indiffère, j'aurais sans doute plus de mal à faire ces différences.
Souvent, nous avons quelque chose sous les yeux que nous ne voyons pas, car cela ne nous importe pas, ou mieux encore, nous ignorons même l'existence ou l'intérêt de cette chose. Et cela s'applique à pratiquement tout.