par Kalki Dim 13 Déc 2015 - 22:03
"Ô mort ! heure splendide ! ô rayons mortuaires !
Avez-vous quelquefois soulevé des suaires ?
Et, pendant qu’on pleurait, et qu’au chevet du lit,
Frères, amis, enfants, la mère qui pâlit,
Éperdus, sanglotaient dans le deuil qui les navre,
Avez-vous regardé sourire le cadavre ?
Tout à l’heure il râlait, se tordait, étouffait ;
Maintenant il rayonne. Abîme ! qui donc fait
Cette lueur qu’a l’homme en entrant dans les ombres ?
Qu’est-ce que le sépulcre ? et d’où vient, penseurs sombres,
Cette sérénité formidable des morts ?
C’est que le secret s’ouvre et que l’être est dehors ;
C’est que l’âme — qui voit, puis brille, puis flamboie, —
Rit, et que le corps même a sa terrible joie.
La chair se dit : — Je vais être terre, et germer,
Et fleurir comme sève, et, comme fleur, aimer !
Je vais me rajeunir dans la jeunesse énorme
Du buisson, de l’eau vive, et du chêne, et de l’orme,
Et me répandre aux lacs, aux flots, aux monts, aux prés,
Aux rochers, aux splendeurs des grands couchants pourprés,
Aux ravins, aux halliers, aux brises de la nue,
Aux murmures profonds de la vie inconnue !
Je vais être oiseau, vent, cri des eaux, bruit des cieux,
Et palpitation du tout prodigieux (...)"
(Cadaver - Au Bord de l'infini - Les Contemplations - Victor Hugo)