Published by Brad on September 13, 2015
Crum dans sa boîte, faisant le beau.
J'ai eu quelques chats mâles dans ma vie. Il y eut feu et regretté Shithead qui se faisait mon pied tous les matins. Il y eut Crum qui vivait avec moi à Akron et aimait mordre les orteils de ma copine d'alors, le matin, lorsqu'elle était restée à dormir. Il y eut Boy Kitty avec qui je partageais un appartement à Philadelphie. Il y a en ce moment Cosmo qui me co-possède avec ma copine Nina.
Une chose qu'avaient en commun tous ces chats était la suivante: souvent ils s'éveillaient le matin avec un air grognon et apathique. Ils traînaient ainsi toute la première partie de la journée. Puis, ils disparaissaient et réémergeaient soudain, tout heureux et primesautiers et prêts à conquérir le monde. Avant de comprendre le schéma, je me suis longtemps demandé la raison du changement. Puis, un jour, je l'ai senti. Ils étaient allé dans leur litière et y avaient laissé une grosse commission.
Je ne sais pas si les chattes font pareil. J'ai vécu avec une un temps, son nom était Girl Kitty, et je ne l'ai jamais vu le faire. C'est peut-être un truc de mecs.
Quoi qu'il en soit, l'autre jour, je me suis mis à penser à ce qu'on appelle "L'Eveil" et me suis rendu compte que c'était tout comme lorsque mes amis les chats caguent. On peut avoir envie de courir par toute la maison, sauter sur les murs pendant un temps après, mais tout ce qu'on fait, c'est juste réagir à la sensation bénie qui devrait être notre droit de naissance, mais qui, pour des raisons obscures, ne l'est pas.
Nous sommes en quelque sorte devenus une espèce qui demeure dans un état constant de constipation. Nous nous remplissons de merde et n'avons aucune idée de comment nous en débarrasser. Non seulement ne le savons nous pas, mais la plupart d'entre nous ne savons même pas que c'est de la merde et que nous sommes censés la quitter. Au lieu de quoi, nous serrons les fesses hermétiquement, dans la crainte d'en laisser tomber ne fut-ce qu'un tout petit précieux morceau.
Oh, quelques rares personnes ont réussi à en laisser aller un peu. Vous avez des célébrités comme Ken Wilber ou Deepak Chopra qui ont pété une fois, ont été terrifiés par l'odeur et ont resserré les fesses encore plus que le reste d'entre nous, et ont néanmoins passé le reste de leurs vies à spéculer sur ce que caguer pourrait être. Vous avez des types comme Ekhart Tolle qui se sont cagués dessous une fois et qui insiste pour continuer à aller partout, des années après, dans les mêmes culottes, invitant les gogos à sentir l'odeur. Ils décrivent l'irritation et l'inconfort qui résulte d'avoir ce truc étalé sur leurs fesses comme si c'était la preuve tonitruante qu'ils ont percé le secret ultime.
Les spécialistes du Bouddhisme et de la spiritualité sont des gens qui n'ont jamais cagué ni même pété (parce que cela ne serait pas objectif) mais qui inspirent profondément les pets et la merde des autres. Ils les décrivent ensuite en grand détail à des gens qui n'ont jamais cagué ni pété.
Un vrai maître zen* -- par opposition à un neuneu comme moi -- est quelqu'un qui non seulement a réussi à comprendre comment couler un bronze tous les jours, mais sait même l'intérêt du papier Q et de laver ses sous-vêtements. D'autres font l'erreur de penser que, puisque ces personnes ne puent pas, elles ne peuvent donc pas avoir vraiment cagué.
Quant à moi, j'en suis encore à apprendre comment me nettoyer correctement et manger le genre de trucs qui me permet d'avoir de la régularité. J'y arriverai peut-être un jour.
Parfois on demande à un maître zen, "Maître, je pense que j'ai déjà cagué, une fois. Permettez-moi de vous le décrire, que vous puissiez me dire si c'était du caca ou pas." Et ils sont désolés de se faire dire que, s'ils avaient réellement cagué, ils n'auraient pas besoin de demander.
Les prétendues "expériences d'éveil" ne nous paraissent spéciales que parce que nous n'avons jamais connu rien d'autre que la constipation, et n'avons jamais connu personne qui ne fut constipé. Au lieu de quoi, nous célébrons la constipation, comme si le fait d'être en cloque de notre propre merde était la preuve de grandes réussites.
D'une certaine façon, au pays des constipés, qui sait caguer mériterait réellement notre attention voire un certain degré de révérence. Mais pas parce qu'ils ont réussi un truc extraordinaire qui serait inaccessible au reste d'entre nous. Mais parce que, au contraire de nous, ils ont compris comment leur corps est censé fonctionner quand il marche correctement.
Un de ces jours, quand nous nous serons mis à enseigner à nos enfants comment caguer et que cela se sera répandu dans le monde, nous regarderons en arrière vers notre époque avec fascination. Nous nous demanderons comment les gens, au XXI° siècle et avant, faisaient pour vivre sans caguer de toute leur vie. Nous ne regarderons plus qui sait caguer, et sait même se nettoyer après, comme des personnages admirables.
Nous saurons que les types comme le Bouddha n'étaient pas des êtres divins capables de pouvoirs extraordinaires au-delà de ceux des gens ordinaires, mais étaient en réalité de gens qui comprenaient ce que c'est que d'être véritablement et profondément ordinaires.
__________________________________________
*”No one masters Zen” – Kobun Chino Roshi
Dernière édition par Yudo, maître zen le Mar 15 Sep 2015 - 13:10, édité 1 fois