par Yudo, maître zen Sam 18 Fév 2012 - 14:58
Oui, vu comme ça, ça se tient.
Mais ce que j'observe, c'est que dans les temps anciens, Japon ou Chine ou ailleurs, on a des gens qui connaissent déjà ces trucs, ces méthodes, qui les ont apprises et qui bloquent dessus. C'est alors qu'on les débloque en les renvoyant à la pratique. A cet égard, tu as raison.
Mon problème, ici, c'est, à partir de l'observation, que la plupart des gens sous notre climat qui s'essaient au Zen ne partent pas avec les mêmes bases, et tendent à se débarrasser du radeau avant même de l'avoir emprunté. Et trop souvent, ce qui remonte à la surface, par la pratique du Zen, ce sont des éléments plutôt cathos, au sens de l'autoritarisme, du dogmatisme et de l'égotisme.
C'est pourquoi il me semble si essentiel de revenir à ces éléments, quitte à les réfuter en même temps qu'on les enseigne ou, peut-être préférablement, une fois qu'ils sont enseignés.
Ma lecture d'un très grand nombre de sûtras du canon pâli m'entraîne à penser que ce qu'on y trouve ne se différencie pas tant de ce qu'on trouve dans les kôans ou chez maître Dôgen, mais qu'ils peuvent facilement dégénérer en une scholastique vaine et superficielle. Je pense même, d'après mes lectures de spécialistes et autres, que cette déviation a pu se produire dès le décès du Bouddha lui-même, voire de son vivant. L'impression vient de ce qu'avançant en âge et en renommée, son ordre a pu attirer davantage de brahmanes, plus instruits et donc plus portés vers la spéculation, alors que ses premiers disciples étaient souvent des gens ordinaires. On le voit aux exemples qu'il donne à ces gens, tirés de leurs divers métiers.
Le Sûtra du Parinirvana est un bon exemple: voilà un bonhomme âgé (80 ans) atteint d'un infarctus du mésentère (une équipe de pathologistes s'est penchée sur les symptômes et il semblerait bien qu'il faille écarter l'empoisonnement alimentaire) qui lui vaut des douleurs insoutenables au bide, qui ne peut plus marcher, et à qui on fait dire, en plus de ses paroles célèbres (travaillez avec diligence à votre salvation) une pléthore de trucs douteux, comme s'il était en pleine forme. On y voit le mythe se mélanger à l'histoire (l'idée que, si ce pauvre con d'Ananda avait eu la présence d'esprit de le lui demander, le Bouddha aurait continué à vivre avec nous indéfiniment), et surtout, la requête d'exclure de l'ordre Chanda, le cocher qui l'avait accompagné à son départ du palais, qui ressemble bien à une vengeance mesquine de gens de classe supérieure qui ne supportent pas de devoir s'incliner devant une basse caste. Le cas d'Ananda est lui aussi intéressant: on trouve beaucoup de réflexions peu amènes sur le cousin et secrétaire du Bouddha, des accusations d'avoir été un homme à femmes (à preuve: son insistance auprès du Bienheureux pour qu'il les accepte dans l'ordre!), d'avoir été peu intelligent ou autres.
Bref, il y aurait beaucoup à dire...