Yudo, maître zen a écrit:Ralf Halfmann, si je me souviens bien, était un pratiquant zen et le dirigeant du dojo AZI de Bonn, en Allemagne. Je ne me souviens plus ce qui l'a fait décrocher, d'un coup, mais je crois que c'est un conflit avec Roland. Mais il est possible que l'aventure du fondateur et dirigeant du dojo de Heidelberg, mis brutalement à la porte à la demande du Grand Maître Strasbourgeois, pour crime de refus de le reconnaître comme seul et unique maître a pu contribuer.
Lorsqu'il a "décroché", avec en plus la parution du livre de Brian Victoria, il a publié un rapport sur l'AZI dont la teneur était assez dévastatrice.
En effet, je suis en désaccord avec Lausm sur le fait que l'AZI ait commencé à partir en c******e avec le rapprochement avec la Sotoshu. Je pense qu'il y a concommitance, mais pas nécessairement relation de causalité. Les germes de ces problèmes étaient déjà là, en ce que M° Deshimaru (tout comme Nishijima, d'ailleurs) pensait que Zazen se suffit à lui-même. Mais ils oubliaient qu'eux, nés et grandis dans un environnement où l'on respire le Bouddhisme à plein nez, même si on ne le pratique pas, voire, même si on est, par exemple, chrétien, la pratique de Zazen peut donner vie à ce Bouddhisme de façon assez naturelle.
Mais ce dans quoi nous avons baigné, ici, c'est cette forme du Catholicisme la plus perverse et bâtarde, c'est à dire le respect bête et méchant de l'autorité. Cela peut paraître bizarre aujourd'hui, mais avant 1968, c'était exactement ce qui se vivait de la façon la plus concentrée. Ma mère n'a consenti que six mois avant de mourir à me dire pourquoi elle et mon père ne réagissait pas lorsque les bonnes soeurs nous maltraitaient au pensionnat: "Tu comprends, les Soeurs, c'était l'Eglise, et l'Eglise, c'était l'Autorité. Et on ne se rebelle pas contre l'autorité". Dans mon village, mon père n'avait pas voulu que nous allions à l'école du village, parce que tout le monde savait bien que les Frères tripotaient les garçons. Tout le monde le savait, mais personne ne disait rien.
Or, à l'époque, (tournant des années '70) j'observais que les plus révoltés, les plus "révolutionnaires" étaient aussi les plus autoritaires. Les tenants de gourous étaient ceux qui voulaient le moins apprendre la liberté, mais se cherchaient une autre autorité pour remplacer celle qu'ils honnissaient.
Encore aujourd'hui, j'ai pu constater que les soi-disant "anarchistes" sont les personnes les plus autoritaires que je connaisse. Et lorsqu'on donne à ce genre de personne un pouvoir, quel qu'il soit, il est inévitable qu'ils en abusent, parce que leur apprentissage de la liberté n'a pas été mené à son terme, si ce n'est même jamais entamé. Le strasbourgeois est réputé pour être le fils d'un militaire avec lequel il était en conflit, ce qui fait que son absolutisme est totalement logique.
Ah, ça y va!
Je comprends ton point de vue, Michel. Je ne fais que dire ce que j'ai vu et perçu étant alors dans le milieu.
De toutes façons, avant le retour fulgurant (et dévastateur quoi que les responsables en disent) vers la soto shu, il y a eu en amont justement la publication de ce rapport, les histoires du dojo de Bruxelles et la publication de toutes ces réflexions dans Bustudo Darkzen, le tout au sein de la polémique du livre de Brain Victoria qui remettait en cause Kodo Sawaki, lui prètant des intentions bellicistes et hypernationalistes.
Cela dit, pour moi, je réitère, lorsqu'on a rouvert la porte à la soto shu, les choses ont vraiment empiré partout, les préoccupations des godos sont devenues très politiciennes, et la distance s'est accrue avec les pratiquants. L'accent s'est porté sur les règles, l'enseignement théorique, et l'énergie s'est portée vers le cortex frontal, par contre tout ce qui concernait la relation au corps, le samu, tout ce qui est concret, s'est fortement délité et affaibli.
Mais comme tu disais, c'était en germe, car tout ça c'est le karma de Deshimaru, et c'est son ombre.
D'ailleurs, à ce propos, autour des 40 ans de la mission de Deshimaru, qui s'est passée à grand renfort de falbalas avec les représentants de la soto shu, la mise à l'écart de Kosen pourtant disciple de Deshimaru, quoiqu'on pense sur le personnage, ce qui n'était pas juste, il y a eu un texte très intéressant qui racontait une autre histoire que l'AZI, qui disait qu'après la mort de Deshimaru il ne s'est plus rien passé avec le Japon.
C'est un ancien, je l'ai connu à mon premier zazen à Paris, qui l'a écrit. Il est très discret, il a de toutes évidences pris du recul alors.
http://www.deuxversants.com/denis.symp.1.html
http://www.deuxversants.com/denis.symp.2.html
En fait, oui, Dehimaru a sous estimé je pense la puissance d'inertie de notre culture, cependant je pense qu'il avait misé tout sur la confiance en zazen. je pense aussi que ses propres disciples ont douté de cela et notamment autour de zen at war et bustudo.
J'ai retrouvé l'autre jour un bulletin zen de 2000, qui mettait en garde contre les dangers d'internet qui accusait l'AZI! Marrant, ce n'était que de la peur, pas de la confrontation d'opinion.
Après, des gens comme Ralf Halfmann, ou Pelayo, je pense étaient frustrés d'un certain pouvoir...moi aussi, je pourrais dire, mais par chance, je n'y ai jamais accèdé. Par contre aux responsbilités pratiques oui, donc je différencie clairement les enjeux spirituels, et gestionnaires.
Or l'AZI veut faire passer ses enjeux gestionnaires pour des enjeux spirituels.
Après, que penser des gens qui rejettent en bloc un truc auquel ils ont adhéré sans réserve??
DIfficile problème, qui est le mien aujourd'hui.
Or je pense que rejeter ou critiquer pour la critique, est une impasse : il s'agit d'une réalité qui fait partie de ce monde.
Cela dit, ils ont posé de vrais questions qu'on a voulu rejeter pour éviter d'affronter des réalités dérangeantes.
Donc à mon sens la seule issue est la réflexion sur les faits, ce qui permet de les amener dans une dimension d'observation, où là on pratique la Voie avec ces phénomènes aussi difficiles soient-ils pour nous voire perturbants et adverses. CHacun a à se faire sa propre opinion, et est responsable de se laisser dicter sa pensée par d'autres.
Denis Boureau, dans un autre article des deux versants, met bien en garde contre le danger d'utiliser en slogan le fait de ne pas s'attacher à ses pensées, comme risque de ne pas penser, devenir dogmatique, point de vue que je partage et que j'ai adopté plus par les difficultés que la facilité. Quand on est au chaud dans un système, rien de plus facile que de ne pas penser, quand tout l'est à notre place.
Or le vrai bouddhisme est l'insécurité totale, non pas être exposé au danger majeur sans cesse, mais accepter d'avancer sans armure.
Et là est le défi de notre temps : accepter de remettre en cause une formulation passée. Cela veut dire vivre dans le présent, et pas la mémoire d'un maître mort et manquant, car il y aura éternellement un maître mort et manquant, et il faudra éternellement reformuler le réel car il change sans cesse.
Et les problèmes d'aujourd'hui, même si Deshimaru avait vu et posé des choses, ils sont là, et à règler.
C'est : comment vivre le zen dans notre culture non pas comme une pratique étrangère mais une pratique qui nous est intime.
Ce qui implique d'identifier les éléments importés culturellement, et ceux qui sont intangibles.
Autrement dit, qu'est-ce qui est japonais, et qu'est-ce qui est zen.
Qu'est-ce qui est zen, qu'est-ce qui est bouddhisme.
Et qui sommes-nous dans toutes ces questions, qui est à mon sens le vrai problème.
Car à la fin, le zen, pour moi, c'est simple, je m'assieds, et je regarde ce qu'il se passe.
Le Bouddha a montré ça, puis ça a traversé les àges et les nations.
Cette racine est simple.
Et il faut distinguer ce qui est racine et ce qui est fleur.
Après on peut faire de super cultures.
MAis pour moi, sans engrais, sans pesticides.
C'est plus long, mais le résultat est plus durable.