Rebonjour
Kaïkan a écrit:
Dans le bouddhisme, l’amour est d’abord une expérience qui naît au cœur de la pratique de la méditation.
En occident Le verbe « aimer » est employé un peu à toutes les sauces et un peu à tort et à travers. C'est l'époque du "like". Il est donc important de bien comprendre que Maitrī (ou Metta en pâli) doit être étudié en repartant à zéro et en abandonnant tous nos concepts au sujet de "l'amour".
Ce n'est pas une question uniquement sentimentale, c'est beaucoup plus au-delà de ce genre de préférence qu'on peut avoir pour un objet, une couleur, une personne, un vêtement, etc, et qui nous fait dire j'aime ceci ou cela, celui-ci ou celle-là.
Il est en fait question de l'état d'harmonie complète du corps-esprit avec tout l'univers qu'on peut ressentir pendant la méditation, que ce soit dans un dojo ou en se promenant dans la nature, en contemplant un paysage merveilleux, un clair de lune sur l'océan ou un lever de soleil dans les montagnes enneigées.
Cette impression d'harmonie qui nous étreint comme saisis par l'immensité qui nous entoure et qui nous laisse quand même une petite place chaude et accueillante dans laquelle on sent une présence et une détente infinie.
C'est à ce moment que le regard se posant sur tout être ou tout objet est le regard de Maitrī. Il n'y a plus séparation c'est-à-dire que nous ne ressentons plus un manque mais une plénitude qui rayonne dans toutes les directions. Maitrī n'est pas séparé de Upeksha : l’équanimité, donc il y a bienveillance sans saisir, sans obtention, sans mouvement en quelque sorte.
L'important est surtout d'expérimenter soi-même à travers son propre zazen ce qu'est Maitrī en se laissant porter par le lâcher-prise sans essayer de trop comprendre.
Merci Kaikan de l’avoir si bien indiqué dans ce post. .
Ce n'est pas un concept, n'est pas un idéal dans un monde éthéré. C'est un ressentir profond qu’effectivement aucune définition ne saurait rendre. C’est un ressentir profond d'Aimer diffus , équanime ,une douce chaleur constante qui s'étend, enveloppe tout sans condition, qui nous accompagne à chacune de nos respirations, à chacun de nos instants de conscience, qui nous fait ressentir une plénitude. Où chaque chose, chaque autre (et l’autre est soi aussi) devient le lieu de son actualisation. Dont on ne perçoit ni la source intarissable, ni la destination .
Mais encore une fois , n’est-ce pas justement en raison de ce que tu viens de dire , que le mot (expression) l’Amour inconditionnel comme les autres incommensurables ne devrait il pas être utiliser tout autant pour pointer, une façon d’en indiquer un aspect exprimable verbalement à partir de notre ressentir , en faisant table rase des définitions habituelles. ?
Comme indiqué par Kaikan, l’Amour inconditionnel universel est envers tous les êtres sensibles et choses, mais pour exprimer en quoi , à mon avis que cela peut aider l’autre d’utiliser ce mot, , je vais limiter volontairement la définition de l’Amour inconditionnel à l’autre ( et donc à soi aussi) . Bon ce n’est pas entièrement clair à mes yeux sur la façon de l’exprimer correctement mais je vais me hasarder à ce qui suit. Encore une fois, je connais peu la terminologie et les enseignements zen . Donc je vais le définir selon mon ressentir en mettant l’emphase sur l’inconditionnel en mes propres mots.
L'Amour inconditionnel ce n'est pas un partenariat dans lequel je te donne de l'Amour si tu m'en donnes, je te donne ceci si tu me donnes cela, je comble tes besoins si tu combles les miens. Et conséquemment si tu ne fais pas cela , si tu ne réponds pas à mes besoins alors je ne réponds pas aux tiens et je ne t'aime pas ou je ne t’aime plus . Oh combien les relations ( incluant celles de couple) ne sont souvent que des partenariats pour affaires, services, loisirs, financiers, sexualité, combler ses besoins affectifs, etc..... On ne regarde pas et n'aime pas l'autre tel qu'il est mais dans son rapport à ce qu'il nous apporte ou non , dans notre saisir ou rejeter.
L'Amour inconditionnel est sans attachement, ne demande rien en retour, aimer l'autre indépendamment de la relation qu'on a avec , indépendamment qu'il répond à ses besoins personnels ou non, qu'il nous aime ou nous déteste, qu’il nous insulte ou nous vante , qu’il nous accorde de l’attention ou nous ignore, qu’il ait une bonne opinion de nous ou non, qu’il nous soit utile ou non, qu’il nous permette de nous réaliser ou qu’il nous nuise en cela, qu'on le voit dans une proximité ou non, qu’il fasse partie de notre existence ou non ( ou n’en fasse plus partie) , etc… On l’aime , cela se perpétue sans ni haut ni bas, sans attachement, sans rien demander en retour , totalement gratuitement , d’un Amour enveloppant , bienveillant.
Mais même dire et expliquer l’Aimer inconditionnel
dans ce sens restreint , n’aide t il pas les autres même partiellement ( qu’il connaisse quelque chose ou non du zen) ? En quoi ? Bien comme certains mots, expressions, poèmes , histoires zen , il aide les autres sur la voie en leur pointant vers" l'oublie de l'ego possessif , de l'ego qui veut saisir ou rejeter, vers l'interdépendance avec les autres et avec tout . Cet Amour lui-même ( dans le sens de donner ) est une pratique et une expression du non attachement, du lâcher prise , du don. Indique que rien ne nous appartient. Ne plus voir l'autre (et soi-même) déformer par les lunettes du saisir ou rejeter ,d'aimer ceci de lui et ne pas aimer cela. Mais un "voir l'autre » ( et soi) dans ce qu'il est" indépendamment de nos filtres. . N’est ce pas indissociable de ce dont il s'agit dans le zen, indissociable de ce que le zen indique par boddhisattva ? Dans cet optique, et celle du boddhisattva, s'assoir pour pratiquer zazen mushotoku n’est ce pas Aimer , Compatir , Aider tous les êtres?
Avant mon retour au zen et au zazen , dans mon vécu, en faisant une exclusion dans mon esprit, des réponses donner par le zen, les religions,les philosophies, les psychologies, cet Aimer inconditionnel s’est actualisé comme un « se connecter totalement » a la profondeur de la vie tel qu'elle est dans sa totalité , dans son impermanence, interdépendance et vacuité.
Depuis mon retour au zen, à la pratique de zazen dans mon ressentir, rien ne le dissocie , pas même l'épaisseur d'un cheveu , de l'expérience de zazen et de la pratique de la concentration et observation dans le quotidien. Présence vaste sans substance propre interdépendant à tout dans un ressentir d’ Aimer (compatir, …) diffus englobant tout ( soi, l’autre, les êtres sensibles, tout)
On dit qu’il faut éviter de dire le mot Amour car l’utiliser le mot Amour pourrait créer des problématiques affectives : transfert, dépendance, etc. , une mauvaise interprétation. Alors que d’un autre coté ne pas l’utiliser les prévient. Mais même ne pas l’utiliser ne conduit il pas également à ces problématique ?. . N'est ce pas oublier que plus de 75 % de la communication entre deux personnes est dans le non verbal ?
Lausm disait
Lausm a écrit:
Sinon, citons Dogen dans le Bodaisatta Shishobo : "les quatre formes dans lesquelles un bodhisattva agit pour conduire les êtres sensibles à l'émancipation, sont : le don gratuit, parler de façon bienveillante, prendre soin des autres, être compatissant."
Or les gens, dans leurs quotidiennetés, ne sont pas habitués de recevoir un don gratuit, que les gens soient bienveillants , compatissants, prennent soin d’eux de manière inconditionnelle et totalement désintéressée. Habitués qu’il sont dans leurs rapports aux autres toujours intéressé, ils y voient un acte d’amitié intéressé, d’Amour spécifique pour eux comme si il en serait une récipiendaire particulier. Il y a un gros danger et cela se produit souvent qu’ils tombent dans l’affectif vis-à-vis l’autre sans aucun mot, même par un simple sourire et regard aimant et compatissant. Etc.... L’argumentaire de ce risque ne fonctionne t il pas autant dans le verbal et non verbal ?
Donc avoir comme argumentaire le risque de la mésinterprétations et de surcroit quelque chose comme un transfert affectif ou autre concept du genre, est ce vraiment un argumentaire suffisant pour ne pas le prononcer et l’écrire comme les autres incommensurables ?
Est-ce que je mérite des coups de kyosaku ?
Kaïkan a écrit:
Qu'est-ce qui nous relie les uns aux autres dans une sorte d’entrelacement invisible ?
Répondre, dire un mot, n'est-ce pas déjà manquer la cible ?
On en convient , cela est une expérience totale, profonde .
Et aucun mot ne saura lui donner sa saveur, etc… On en fait l'expérience sans mot .Pour s’exprimer on utilise pour ce faire aussi parfois des mots. Mais on a toujours le choix d’être silencieux, de ne jamais répondre .
Il est vrai que peu importe le dire, c'est l'agir de la personne ( pratiquant , enseignant) ce qui en émane qui en fait foi , qui pointe au delà des mots ...
Mais peut on vraiment reprocher à quelqu’un de lui faire la place qui lui revient comme les autres mots dans le prononcer et l'écrire, ne serait que pour en indiquer une facette , pour pointer ne serait ce que dans le sens donné ci haut ?